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Téléphone, mail, notifications… : comment le cerveau réagit-il aux distractions numériques ?

  Par  Sibylle Turo , Université de Montpellier et Anne-Sophie Cases , Université de Montpellier Aujourd’hui, les écrans et les notifications dominent notre quotidien. Nous sommes tous familiers de ces distractions numériques qui nous tirent hors de nos pensées ou de notre activité. Entre le mail important d’un supérieur et l’appel de l’école qui oblige à partir du travail, remettant à plus tard la tâche en cours, les interruptions font partie intégrante de nos vies – et semblent destinées à s’imposer encore davantage avec la multiplication des objets connectés dans les futures « maisons intelligentes ». Cependant, elles ne sont pas sans conséquences sur notre capacité à mener à bien des tâches, sur notre confiance en nous, ou sur notre santé. Par exemple, les interruptions engendreraient une augmentation de 27 % du temps d’exécution de l’activité en cours. En tant que chercheuse en psychologie cognitive, j’étudie les coûts cognitifs de ces interruptions numériques : au

Bertrand Monthubert, président d'Occitanie Data : "La transition numérique, un enjeu politique"

 

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À l’heure où la question des données n’a jamais été aussi importante dans notre vie quotidienne, l’Occitanie fait figure de pionnière sur ces questions en promouvant une vision éthique et citoyenne reconnue en France comme à l’étranger.

Occitanie data va changer de dimension dans les prochains mois et changer de nom en Ekitia. Pour quelles raisons ?

Quand on a créé Occitanie Data, c’était avec la volonté de faire une association de préfiguration vers une structure plus pérenne. Nous avons privilégié le cadre du groupement d’intérêt public (GIP) parce que la notion d’intérêt public a été centrale dans les travaux que nous avons conduits avec des acteurs publics et privés. L’objectif était de développer les usages de la donnée dans un cadre de confiance, éthique et souverain. La structuration du GIP est la bonne pour développer cette confiance dans un monde où les citoyens sont souvent dans une situation de défiance.

La 2e chose, c’est qu’on change aussi de dimension. Occitanie Data réunit des acteurs d’Occitanie mais aussi des acteurs nationaux et nous avions de plus en plus de liens avec des structures d’autres collectivités qui partagent notre vision. Nous avons aussi des liens avec le Canada (Montréal, Ottawa), avec la Commission européenne et sommes actifs dans un groupe européen sur le Big data. Il fallait être en phase avec cette nouvelle donne et faire un GIP d’envergure nationale mais dont le siège restera en Occitanie.

Depuis 2019, vous avez acquis une expérience et une notoriété reconnues aux plans national et international. Quels vont être vos nouveaux projets sur les données et sur l’intelligence artificielle ?

Le premier gros projet sera autour de la donnée spatiale. Aujourd’hui la donnée spatiale est d’une richesse phénoménale, des possibilités d’utilisations extraordinaires. La précision de la donnée spatiale, par exemple, permet de faire tourner des algorithmes sur des images pour créer ensuite des services. Il y a aussi toute la question des jumeaux numériques territoriaux. Il s’agit d’une sorte de copie virtuelle d’un territoire physique qui a sa géographie, son urbanisme, ses réseaux, etc. Avec ce double numérique, on peut commencer à faire de la prédiction sur la façon dont le territoire va évoluer et le visualiser. C’est crucial pour les citoyens qui se demandent comment leur environnement va changer dans les prochaines années, par exemple avec le réchauffement climatique, pour des entrepreneurs qui veulent faire des investissements ; des élus qui se demandent si leurs actions vont avoir un impact. Tout cela pourra prendre sens avec les acteurs numériques.

Avec la crise sanitaire on voit que l’ouverture des données publiques (open data) est très importante pour suivre l’épidémie et permettre l’émergence de solutions innovantes comme CovidTracker ou Covidliste. Quels liens doivent avoir la puissance publique avec les start-up ?

C’est un lien très étroit. La crise du Covid-19 a montré l’omniprésence de la donnée puisque aujourd’hui on suit quotidiennement les données épidémiologiques, chacun a pu faire des simulations à partir des données de l’université John Hopkins, etc. Le sujet important, c’est d’aller au-delà de la donnée ouverte. Elle est cruciale et plus on en a mieux c’est, mais il y a des données qui ne peuvent pas être ouvertes car ces données de santé sont sensibles. Nous accompagnons par exemple une start-up liée au CHU de Montpellier qui cherche à savoir quelles sont les zones les plus à risque pour le Covid, en intégrant plein données sur l’épidémie, l’environnement, etc.

L’idée est de savoir comment articuler toutes ces données pour en tirer une connaissance qui permette de mettre en place la bonne politique de santé publique. Les citoyens sont très désireux de cela. On a vu sur le Covid comment le sentiment de naviguer à vue conduisait à la défiance. Nous pensons à l’inverse qu’il faut justement avoir une connaissance plus fine pour que l’action sanitaire soit au plus proche des besoins. Et pour cela il faut beaucoup de données pour aller vers un jumeau numérique de santé numérique de précision. Le projet a débuté et les premiers travaux sont importants.

Est-ce une bonne réponse aux appétits des GAFA qui commencent à s’intéresser beaucoup aux données de santé ?

Nous avons une vision complètement différente de celle des GAFA. Les GAFA veulent agréger le plus de données de tout le monde pour ensuite délivrer des services dont ils pensent que ce sont des services utiles. C’est vrai en grande partie mais pour autant ça se fait à un prix terrible qui est l’aspiration de nos données personnelles avec surtout une situation de pouvoir au niveau mondial qui est dangereuse. Je pense que la question de la transition numérique est une question profondément politique qui, aujourd’hui, n’a pas été suffisamment vue comme telle. Aujourd’hui on a compris que dans le domaine de l’écologie, la transition écologique est une question politique de laquelle aucun acteur politique peut se désintéresser. C’est paradoxal qu’il n’en est pas encore de même dans le domaine du numérique alors qu’il touche toute notre vie.

On a vécu en 2020 la vraie entrée dans la révolution numérique parce que tous les secteurs d’activités ont été concernés par le numérique, que l’on soit producteur de fruits et légumes, dans l’éducation, dans la santé avec la téléconsultation, etc. La Région a d’ailleurs été à leur côté. Ceux qui étaient préparés ont pu tirer leur épingle du jeu, ceux qui l’étaient moins ont vraiment eu de très grandes difficultés.

C’est pourquoi il faut faire de la transition numérique une réflexion politique, c’est-à-dire articuler deux choses : une vision de ce qu’est un développement du numérique responsable au service des citoyens ; puis des mesures concrètes pour accompagner chacun des acteurs de la région dans cette transition numérique. Occitanie Data est l’acteur structurant de la donnée qui est le carburant de la transition numérique.

La vision que porte Occitanie Data est-elle partagée à l’étranger ? Que vous disent vos collègues du groupe d’experts internationaux sur l’intelligence artificielle dont vous êtes membre ?

Il est frappant de voir comment les acteurs des différents pays de ce partenariat mondial ont mis la question de la gouvernance de la donnée et de la confiance au cœur des travaux que nous devons conduire. Les travaux d’Occitanie Data font d’ailleurs partie des choses qui sont en pointe au niveau international. Ces thématiques sont partagées et nécessitent qu’on s’organise.

  
Occitaniedata


D'Occitanie Data à Ekitia

Créée en 2019, Occitanie Data est une association de préfiguration d’un pôle d’économie de la donnée. Structurée en Occitanie mais rassemblant des acteurs au-delà, ses membres et partenaires sont des entreprises privées et publiques, des collectivités, des acteurs académiques ou encore des clusters et des pôles de compétitivité.

"Les promesses de l'économie de la donnée et de l'IA sont immenses mais ne seront au rendez-vous que si le sujet est abordé de manière intégrée, concertée et complémentaire. C'est dans cette optique que la Région Occitanie a impulsé Occitanie Data, afin de porter une stratégie commune permettant de construire un cadre de confiance éthique et souverain, autour de la donnée", expliquait la présidente de la Région Carole Delga à la création.

Occitanie Data a entrepris dès l’été 2019 d’élaborer une Charte éthique des usages des données, une première en France.

Par ailleurs Occitanie Data est un appui à plusieurs initiatives autour des données en cours dans la région, notamment pour le projet ANITI 3IA (Institut interdisciplinaire d'Intelligence Artificielle) porté par l'université fédérale de Toulouse, comme pour l'institut des sciences des données de Montpellier portée par l'ISITE MUSE (Montpellier University of Excellence).

Occitanie Data va entamer cette année sa transformation en GIP (Groupement d’Intérêt Public) et va changer de nom pour s'appeler Ekitia. Outre les activités déjà menées jusqu'à présent, Ekitia réflkéchira au développement d’un Think-tank autour des grands enjeux et réglementations de la gouvernance des données, et à l’attribution d’un label éthique de l’usage des données Ekitia.

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