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Téléphone, mail, notifications… : comment le cerveau réagit-il aux distractions numériques ?

  Par  Sibylle Turo , Université de Montpellier et Anne-Sophie Cases , Université de Montpellier Aujourd’hui, les écrans et les notifications dominent notre quotidien. Nous sommes tous familiers de ces distractions numériques qui nous tirent hors de nos pensées ou de notre activité. Entre le mail important d’un supérieur et l’appel de l’école qui oblige à partir du travail, remettant à plus tard la tâche en cours, les interruptions font partie intégrante de nos vies – et semblent destinées à s’imposer encore davantage avec la multiplication des objets connectés dans les futures « maisons intelligentes ». Cependant, elles ne sont pas sans conséquences sur notre capacité à mener à bien des tâches, sur notre confiance en nous, ou sur notre santé. Par exemple, les interruptions engendreraient une augmentation de 27 % du temps d’exécution de l’activité en cours. En tant que chercheuse en psychologie cognitive, j’étudie les coûts cognitifs de ces interruptions numériques : au

Rançongiciels, vos données en otage

 

Des cartes de cyberattaques dans le monde sont calculées en temps « presque » réel. Christiaan Colen, Flickr, CC BY-SA
Frédéric Beck, Inria

Vous recevez un e-mail avec une facture en.doc ou.pdf. Vous ouvrez la pièce jointe, et quelques instants plus tard, tous vos fichiers sont bloqués, et une rançon exorbitante vous est demandée pour pouvoir les récupérer.

Ces rançongiciels, fréquemment appelés « ransomwares », ont déjà fait de nombreuses victimes, et ce n’est pas près de s’arrêter.

Les attaques visent sans discrimination particuliers, professionnels, et peuvent amener à paralyser des usines entières ou même des hôpitaux à fonctionner au ralenti.

Mais qu’est-ce qu’un rançongiciel ? Comment une telle attaque est-elle menée ?

Une déferlante d’attaques par rançongiciel

Depuis fin 2013 et l’émergence du logiciel CryptoLocker, une nouvelle famille de logiciels vise à extorquer de l’argent à ses victimes en prenant leurs données ou équipements en otage. Au fil des années, de nombreuses variantes ont vu le jour et ont frappé particuliers, institutions et entreprises, tels que Locky, Petya ou plus récemment WannaCry.

Après un apaisement au mois de janvier 2021 avec les arrestations de plusieurs hackers derrière Egregor et NetWalker, les attaques par rançongiciel repartent à la hausse depuis le mois de février pour atteindre au mois de mars 210 attaques par rançongiciel recensées dans le monde, dont une vingtaine rien qu’en France.

Après une vague d’attaques similaires en 2020 aux États-Unis, les hôpitaux français sont désormais visés, tels que le centre hospitalier d’Oloron-Sainte-Marie ou les hôpitaux de Dax et de Villefranche. Plus récemment, c’est l’Université de Montpellier qui a reconnu à son tour avoir été visée par une telle attaque.

Le constat est toujours le même : les données, ou parfois un équipement (téléphone, ordinateur…) sont bloqués ou inaccessibles.

Un rançongiciel, c’est quoi ?

Si les premiers rançongiciels étaient assez simples et utilisaient des mécanismes basiques pour bloquer un ordinateur en remplaçant ou renommant un fichier de démarrage ou exécutable, la plupart utilisent désormais le chiffrement.

Pour cela, les rançongiciels utilisent la cryptographie, souvent l’algorithme de chiffrement symétrique AES avec une clé pouvant aller jusqu’à 256 bits. Le but est de chiffrer les fichiers présents sur le disque dur de votre ordinateur (ou certains types de fichiers seulement), ainsi que, bien souvent, tous les disques externes ou partages réseau. Une autre alternative est de chiffrer et rendre inopérant des utilitaires indispensables au fonctionnement du système d’exploitation, ou une partition entière de votre disque dur, rendant votre équipement inopérant.

Il est alors quasiment impossible, même pour des experts, de récupérer vos données sans connaître la clé secrète utilisée pour le chiffrement. En effet, retrouver la clé par une contre-attaque dite « brute force » est tout simplement irréalisable, même en utilisant tous les ordinateurs du monde simultanément pendant plusieurs milliards d’années.

Un ver informatique est un logiciel malveillant qui se propage d’un ordinateur à l’autre en utilisant un réseau informatique, par exemple Internet. Shosta, Shutterstock

En effet, avec une clé secrète de 128 bits (un bit étant l’unité de base en informatique pouvant prendre des valeurs de 1 ou 0), nous avons ainsi 2128 clés possibles, soit un nombre à 39 chiffres. Chaque bit pouvant prendre 2 valeurs, il faut élever ce nombre au carré, soit un nombre à 78 chiffres, comparable au nombre d’atomes dans l’univers observable. Puisqu’il faut tester les clefs une par une, le temps pour espérer trouver la bonne clef est gigantesque.

En théorie, il est donc impossible de craquer une clé secrète. Dans de rares cas, il s’avère possible de retrouver la clé dans la mémoire de l’ordinateur, généralement lorsque les attaquants ont utilisé un algorithme cryptographique dit « faible », ou s’ils l’ont implémenté eux-mêmes. Mais il s’agit là d’exceptions.

Demande de rançon

Une fois vos données chiffrées, le rançongiciel vous laisse quelques jours ou semaines pour payer une rançon allant de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros selon le cas, avant de détruire la clé. Vos données sont alors irrécupérables.

Écran affiché après infection par Wannacry. Wikimedia, CC BY-SA

Mais payer ne garantit pas toujours que vous récupérerez vos données. Dans de nombreux cas, une fois le paiement effectué, la clé n’est jamais transmise pour le déchiffrement des données. Et un paiement ne signifie pas non plus que vous ne serez pas victime d’une nouvelle attaque, parfois par le même rançongiciel.

Dernièrement, les rançongiciels ont encore évolué pour maximiser leurs bénéfices, démontrant ainsi la créativité des attaquants. Une de ces pratiques est la double extorsion : en même temps que le chiffrement et demande de rançon, des données sensibles sont exfiltrées par les attaquants et revendues au plus offrant.

Comment ces malwares se propagent-ils ?

Un rançongiciel peut se propager de différentes manières – on parle de « vecteur d’infection ». Il requiert généralement un accès initial au système visé, souvent au travers d’une première attaque informatique.

Cette attaque préliminaire se matérialise généralement par ce que l’on appelle un exploit (prononcé à l’anglaise). Un exploit est un code informatique visant à exploiter une vulnérabilité dans un logiciel, généralement causée par une erreur de programmation ou une négligence. Ces vulnérabilités, une fois connues, se voient assigner un identifiant appelé CVE, et sont rendues publiques, généralement accompagnées d’un correctif. Au total, au 19 avril 2021, ce sont plus de 150 000 vulnérabilités qui ont ainsi été recensées.

Les attaquants utilisent les vulnérabilités pour infecter un système, avant que le correctif ne soit appliqué. Mais bien souvent, ce sont des failles encore inconnues, dites zero day, qui sont utilisées. Ces vulnérabilités découvertes par des hackers ne sont pas rendues publiques et sont au contraire exploitées dans le cadre d’attaques informatiques, parfois à grande échelle. Sur le dark web, le marché noir d’internet, de telles failles peuvent se vendre de 5 000$ à 250 000$ !

« Hex dump » du ver informatique répondant au nom de blaster au début des années 2000, avec un message destiné à Bill Gates. Wikimedia

Une fois le système cible infecté, l’attaquant a plusieurs manières de faire. Il (ou elle) peut soit installer directement le rançongiciel. Il peut aussi installer une porte dérobée (dite backdoor) afin de revenir plus tard pour installer le rançongiciel. Enfin, une option est d’installer un autre logiciel malveillant de type botnet qui permet de contrôler l’ordinateur à distance et d’installer le rançongiciel plus tard lors d’une attaque à grande échelle, synchronisée sur des dizaines ou des centaines de systèmes.

Généralement, le rançongiciel se comporte comme un ver informatique, et essaiera de se propager à d’autres ordinateurs sur le même réseau, que ce soit en exploitant la même ou d’autres vulnérabilités sur ces systèmes, ou au travers des partages réseaux.

Comment les attaquants attaquent nos vulnérabilités

Ces vulnérabilités ne sont pas toujours exploitables directement depuis Internet, et les attaquants utilisent alors des mécanismes visant un maillon faible bien connu… l’humain.

Au travers de campagnes de spams ou d’hameçonnage (phishing), parfois accompagnés d’un peu ingénierie sociales pour maximiser les chances de réussite, les attaquants vont envoyer un mail frauduleux, afin de tromper le destinataire, et lui faire ouvrir un fichier joint infecté, ou en le redirigeant vers un site web malveillant qui sera responsable de l’infection.

Afin de rester indétectables, des techniques classiques et communes à tous les codes malveillants sont utilisées. Certains cachent des URLs malveillantes derrière des services de contraction d’adresse (comme bit.ly par exemple). D’autres utilisent un Dropper qui dissocie le programme d’installation de la charge virale, à savoir le rançongiciel, ou des Packers, qui permettent de compresser et de cacher le code du rançongiciel.

Les rançongiciels attaquent sans discrimination, et leur impact peut-être catastrophique. La meilleure protection reste de ne pas se faire infecter, en suivant les bonnes pratiques, et en effectuant des sauvegardes régulières sur un support amovible.

Mais ce n’est pas toujours suffisant, notamment face à la double extorsion. N’hésitez pas à demander de l’aide.The Conversation

Frédéric Beck, Ingénieur de recherche, Inria

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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