Accéder au contenu principal

Les entreprises ne sont pas prêtes à réussir le déploiement de l’IA générative

Une nouvelle étude commandée par Alteryx , la plateforme d'IA pour l'analyse d'entreprise en France, révèle que les organisations ne sont pas prêtes à tirer parti de l'IA générative en raison de leurs données. Le rapport " Data Stack Evolution : Legacy Challenges and AI Opportunities", qui a interrogé 3 100 leaders mondiaux de l'informatique, a mis en évidence des obstacles qui empêchent le déploiement réussi de l'IA générative, notamment la gestion des piles de données, la stratégie technologique et les cultures d'entreprise. Un manque de confiance envers les piles de données L’étude souligne un décalage important entre la confiance que les responsables informatiques mondiaux accordent à leurs données et la réalité de leurs piles de données. En France, alors que 43% des répondants qualifient la maturité de leurs données comme étant "bonne" ou "avancée" et que 68% ont confiance dans leurs données, un cinquième a tout de même évo

Quelles orientations numériques en France : un enjeu démocratique et citoyen

mac


Pierre-Antoine Chardel, Institut Mines-Télécom Business School

La numérisation est désormais un fait social quasiment total, même si beaucoup d’inégalités d’accès aux réseaux persistent : elle symbolise en tout cas des potentialités considérables d’un point de vue sociétal, politique et économique.

Sur ce plan, la France est un acteur important à l’échelle européenne. Le déploiement de la 5G sur son territoire devrait dans les prochaines années permettre des progrès importants. Par exemple, dans le domaine industriel, des systèmes de maintenance prédictive visent à suivre le comportement d’un équipement dans le temps et à anticiper les pannes avant qu’elles ne se produisent. En télémédecine, des applications font déjà l’objet d’expérimentations prometteuses, dans le cadre par exemple de la chaire de recherche et d’innovation sur le bloc opératoire augmenté.

Le numérique change nos vies privées et publiques

Les pratiques sociales sont elles-mêmes en métamorphose majeure : l’accès aux réseaux offre des capacités de décentrement dans la construction de soi, intervenant ainsi sur les imaginaires institués, et les expériences de socialité en ligne ont en ce sens une dimension existentielle à part entière. Les individus sont susceptibles d’être ouverts à des sources d’influence culturelles, intellectuelles, affectives ou idéologiques beaucoup plus variées qu’autrefois.

La variété des supports technologiques permet de créer des sensibilités plus ouvertes à des expressions culturelles hétérogènes, ainsi qu’à des causes transnationales.

Les pratiques politiques, par le biais des mobilisations sociales en ligne, évoluent en faveur de davantage de transparence dans l’organisation de la vie commune. Tour à tour émetteurs, récepteurs et relais d’information, les citoyens sont désormais en mesure de s’attaquer à la traditionnelle culture du secret du pouvoir étatique. De Wikileaks aux Panama Papers, l’ère numérique permet l’ouverture de brèches de contournement des ordres institués assez inédites.

Une culture de l’horizontalité

Une culture de l’horizontalité s’est imposée depuis que nous vivons en réseau et que nous sommes devenus hyperconnectés.

Lors du lancement de l’application StopCovid au printemps 2020, les multiples alertes formulées par de nombreux chercheurs et scientifiques – de toutes disciplines – ont contribué à créer d’importants débats dans la sphère publique, en sensibilisant les citoyens et les politiques aux problèmes que posaient initialement cette application en termes de vie privée et de traçabilité.

L’application fut ainsi revue dans sa conception et a intégré davantage de garanties juridiques. Un tel exemple souligne à quel point le contrôle démocratique des nouvelles technologies devient une demande sociétale de plus en plus forte. Elle s’intensifiera sûrement à l’avenir.

Contrôle des technologies numériques : enjeu démocratique, demande sociétale

Afin d’éviter des visions trop enchantées de l’innovation (à tout prix et qui serait nécessairement synonyme de « mieux »), une éducation plus transversale et appliquée à la complexité technologique apparaît comme un enjeu décisif sur le plan démocratique.

Cet enjeu s’exprime déjà par des dynamiques visant à proposer d’autres modèles économiques que ceux des GAFAM. Des initiatives comme celles de « Déclic » vont aujourd’hui dans cette direction, en vue de refaire d’Internet un bien commun, une source d’émancipation et de contribution (par la valorisation des logiciels libres ou du design éthique).

L’ambition d’allier responsabilité éthique et innovation technologique est désormais clairement identifiée comme socialement importante.

Par rapport à de telles exigences, des politiques publiques du numérique ne devraient-elles pas être conçues en assumant beaucoup plus ouvertement un certain pluralisme dans notre rapport à l’innovation ? C’est-à-dire en faisant intervenir divers réseaux d’acteurs au moment où les technologies se développent, fidèlement aux valeurs démocratiques qui ont historiquement orienté la construction de nos sociétés ?

Libérer les pratiques créatives et les imaginaires sociaux

Afin de répondre à de telles exigences éthiques, un défi sera de permettre à des formations transdisciplinaires de se déployer : afin que les technologies ne soient pas considérées que sous l’angle d’une pure rationalité qui répondrait essentiellement à des critères d’efficacité, et qu’elles puissent davantage s’adresser à la part émotionnelle des individus en proposant par exemple de se mettre dans la peau de créatures animales ou organiques, à l’instar de ce que certains artistes expérimentent aujourd’hui.

C’est, plus globalement, l’exercice du jugement critique (qui renvoie à une faculté de discernement) dans le contexte des sociétés technologiques qui devrait se voir développé.

Par exemple, si nous sommes accoutumés au fait de semer nos données par le biais des réseaux sociaux ou de nos activités en ligne, au fait donc d’être engagés dans une forme d’exposition numérique quasi permanente, les possibles effets générés par des applications intégrant des données de santé ne sont pas du même ordre.

Le recueil d’information de santé – et la production de critères de bonne santé – implique le risque d’instituer des politiques de discrimination de certaines populations, que l’on empêcherait d’aller et venir, d’accéder à tel ou tel lieu, ouvrant la voie à une gestion biopolitique des populations – une gouvernance qui reposerait avant tout sur le contrôle de la santé des corps au détriment de la qualité de la vie sociale elle-même.

Un autre risque serait sans doute de favoriser une accoutumance au fait d’être tracé sur des critères de santé – critères qui pourraient être toujours redéfinis de manière arbitraire.

Décider ensemble des évolutions technologiques de notre société

Si l’accentuation des réseaux numériques tend à créer des phénomènes majeurs dans l’évolution de nos existences individuelles et collectives, l’idéal qu’ils portent ne doit pas nous empêcher de les interroger en fonction du sens que nous souhaitons conférer à nos coexistences.

Sur ce plan, d’un point de vue éducatif, la France est en retard par rapport aux pays d’Europe du Nord, étant donné les frontières disciplinaires qui persistent encore massivement entre sciences de l’ingénieur et sciences humaines et sociales, compte tenu également de la difficulté qu’il y a à engager autour des technologies des perspectives éducatives qui soient capables d’intégrer des dimensions à la fois artistiques, scientifiques, techniques et philosophiques. Des initiatives naissent depuis ces dernières années, par exemple au sein du Master « Inventivités digitales – Designers, Ingénieurs, Managers ».

La marge de progression est loin d’être négligeable, car les environnements numériques appellent le développement de nouvelles capacités d’agir des citoyens eux-mêmes, qui sont encore trop massivement tenus à l’écart de décisions touchant au développement du numérique dans leurs vies.

Le déploiement de la 5G est à cet égard en France un bon exemple d’un déploiement technologique qui s’affirme de manière très unilatérale, en s’imposant comme une technologie totale, se répercutant dans une multitude de sphères (industrie, transport, commerce, loisir, santé, etc.), ne donnant lieu à aucune concertation ni débat, à l’opposé ce qui est par exemple en vigueur au Danemark où les dynamiques de concertation citoyenne à propos de certaines grandes orientations technologiques sont historiquement plus ancrées. Au niveau local, les communes danoises mettent en place des procédures de démocratie participative visant la consultation régulière et l’implication constante des citoyens dans certaines prises de décision.

Maturité critique sur les impacts sociétaux du numérique

Dans un tel horizon, le déploiement d’universités populaires du numérique serait sans nul doute une manière de faciliter des appropriations plus éclairées et contributives des innovations technologiques, à l’image de ce qui existe déjà sur certains territoires en France.

Le déploiement de tels projets au sein des nombreuses écoles d’ingénieurs que nous avons sur le territoire national serait une manière de créer des synergies fructueuses entre les visions du progrès portées par la culture des élèves-ingénieurs et les visions du futur désirées par les citoyens. C’est au travers de telles interactions que nos sociétés technologiques seront les plus à même de gagner en maturité critique, qui sera essentielle au niveau européen pour faire face à certains modèles d’innovation hégémoniques, qui s’incarnent notamment aujourd’hui par l’autoritarisme numérique, tel qu’il s’affirme par exemple en Chine.

Sur le plan intellectuel, la France dispose d’atouts pour faire entendre la voix d’une culture numérique éthiquement soutenable, par exemple avec les travaux menés à l’Institut de Recherche et d’Innovation ou plus amplement avec le courant des études digitales. Mais, pour les faire valoir, elle doit réaffirmer, dans les processus d’innovation eux-mêmes, les valeurs auxquelles elle est démocratiquement attachée.The Conversation

Pierre-Antoine Chardel, Professeur de sciences sociales et d'éthique, Institut Mines-Télécom Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

Midi-Pyrénées l’eldorado des start-up

Le mouvement était diffus, parfois désorganisé, en tout cas en ordre dispersé et avec une visibilité et une lisibilité insuffisantes. Nombreux sont ceux pourtant qui, depuis plusieurs années maintenant, ont pressenti le développement d’une économie numérique innovante et ambitieuse dans la région. Mais cette année 2014 pourrait bien être la bonne et consacrer Toulouse et sa région comme un eldorado pour les start-up. S’il fallait une preuve de ce décollage, deux actualités récentes viennent de l’apporter. La première est l’arrivée à la tête du conseil de surveillance de la start-up toulousaine Sigfox , spécialisée dans le secteur en plein boom de l’internet des objets, d’Anne Lauvergeon, l’ancien sherpa du Président Mitterrand. Que l’ex-patronne du géant Areva qui aurait pu prétendre à la direction de grandes entreprises bien installées, choisisse de soutenir l’entreprise prometteuse de Ludovic Le Moan , en dit long sur le changement d’état d’esprit des élites économiques du pay

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl

Ce que les enfants comprennent du monde numérique

  Par  Cédric Fluckiger , Université de Lille et Isabelle Vandevelde , Université de Lille Depuis la rentrée 2016 , il est prévu que l’école primaire et le collège assurent un enseignement de l’informatique. Cela peut sembler paradoxal : tous les enfants ne sont-ils pas déjà confrontés à des outils numériques, dans leurs loisirs, des jeux vidéos aux tablettes, et, dans une moindre mesure, dans leur vie d’élève, depuis le développement des tableaux numériques interactifs et espaces numériques de travail ? Le paradoxe n’est en réalité qu’apparent. Si perdure l’image de « natifs numériques », nés dans un monde connecté et donc particulièrement à l’aise avec ces technologies, les chercheurs ont montré depuis longtemps que le simple usage d’outils informatisés n’entraîne pas nécessairement une compréhension de ce qui se passe derrière l’écran. Cela est d’autant plus vrai que l’évolution des outils numériques, rendant leur utilisation intuitive, a conduit à masquer les processus in

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé