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Les entreprises ne sont pas prêtes à réussir le déploiement de l’IA générative

Une nouvelle étude commandée par Alteryx , la plateforme d'IA pour l'analyse d'entreprise en France, révèle que les organisations ne sont pas prêtes à tirer parti de l'IA générative en raison de leurs données. Le rapport " Data Stack Evolution : Legacy Challenges and AI Opportunities", qui a interrogé 3 100 leaders mondiaux de l'informatique, a mis en évidence des obstacles qui empêchent le déploiement réussi de l'IA générative, notamment la gestion des piles de données, la stratégie technologique et les cultures d'entreprise. Un manque de confiance envers les piles de données L’étude souligne un décalage important entre la confiance que les responsables informatiques mondiaux accordent à leurs données et la réalité de leurs piles de données. En France, alors que 43% des répondants qualifient la maturité de leurs données comme étant "bonne" ou "avancée" et que 68% ont confiance dans leurs données, un cinquième a tout de même évo

Mieux penser le fact-checking en temps d’infodémie

 

Le fact-checking a connu une poussée extraordinaire à partir de 2016, et plus encore à partir de 2020 dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Pexels
Par Angeliki Monnier, Université de Lorraine

Loin de faire l’unanimité, la pratique du fact-checking soulève des questions épistémologiques qui sont au cœur à la fois du journalisme et de la sociologie des sciences. L’analyse d’un corpus d’articles scientifiques pendant la pandémie de Covid-19, contexte propice au développement de cette pratique, révèle l’existence de plusieurs approches pour étudier le fact-checking.

La vérification des faits a toujours été une activité centrale de la routine journalistique. Cependant, le fact-checking moderne, c’est-à-dire la pratique systématique de la vérification des déclarations politiques, des canulars, des rumeurs, etc. comme moyen de lutter contre la désinformation, s’est fortement développé depuis les années 2000. Considéré comme la conséquence de l’expansion de l’internet participatif et des médias sociaux numériques, il a connu une poussée extraordinaire à partir de 2016 (Brexit, élection du président Donald Trump aux États-Unis), et plus encore à partir de 2020 dans le contexte de la pandémie due au coronavirus SARS-CoV-2.

La pandémie de Covid-19 : un contexte propice au développement du fact-checking

En effet, face à l’« infodémie » au sujet du Covid-19, plusieurs rédactions et médias d’information, observatoires et régulateurs, instituts de recherche, les Nations unies, ainsi que l’Organisation mondiale de la santé ont pris de initiatives pour lutter contre la désinformation en tentant d’identifier et de réfuter les fausses nouvelles. Les organisations et équipes dédiées au fact-checking (FactCheck.org, First Draft, PolitiFact, Taiwan Fact-Check Center, PesaCheck, BoomLive, Dubawa, Lead Stories, Pagella Politica, EUFactcheck.eu, etc.) ont également travaillé sur la vérification de contenus suspects.

La CoronaVirusFacts Alliance a été mise en place par l’International Fact-Checking Network (IFCN), ralliant progressivement des fact-checkeurs dans 110 pays, ayant effectué plus de 17 000 vérifications dans 40 langues, à l’heure où nous écrivons ces lignes. Des initiatives à l’instar du projet pilote CALYPSO (Collaborative AnaLYsis, and exPOsure of disinformation, 2021-2022), dans le cadre duquel cette étude a été menée – attribué en réponse à l’appel de la DG Connect/2020/5464403 de la Commission européenne–, ont également vu le jour.

Une pratique contestée

Cependant, des voix s’élèvent pour mettre en garde contre les attentes surdimensionnées vis-à-vis du fact-checking et contre un certain engouement de nos sociétés contemporaines pour cette pratique. Elles pointent des problèmes fondamentaux liés à cette dernière : sa légitimité épistémologique, la logistique de son implémentation, ses biais inhérents et les limites de son efficacité, sa prétendue objectivité et sa difficulté de prendre en compte les ambiguïtés de réalités complexes, etc.

Vérifier des faits conduit en effet à questionner les règles qui déterminent ceux-ci et la manière dont les contextes matériels, sociaux et discursifs structurent l’enquête du factuel. Néanmoins, ainsi que d’autres le soulignent, les réserves sur les limites du processus de vérification ne signifient pas pour autant que l’effort doit être abandonné.

La recherche sur le fact-checking : trois approches, trois thématiques

Si la recherche académique s’est très tôt intéressée au fact-checking, les années de pandémie ont consolidé l’intérêt scientifique pour cet objet.

Notre analyse d’un corpus de 120 articles de recherche (en langue anglaise et contenant le terme « fact-check » et ses dérivés), publiés dans des revues académiques entre 2020 et 2022, confirme que la recherche sur ce sujet a répercuté le contexte et les préoccupations sociétales dans le domaine de la santé publique. En effet, les mots-clés les plus récurrents pendant cette période ont notamment été : « Covid-19 », « désinformation », « médias sociaux », « santé », « politique », « risque », « éducation », « vaccins », etc. Bien évidemment, d’autres aspects liés au fact-checking ont aussi été investigués (contextes d’élections, immigration, etc.)

L’analyse a aussi révélé l’existence de trois approches pour étudier le fact-checking, avec des prémisses et des questions de recherche sous-jacentes spécifiques : fonctionnelle, organisationnelle, épistémique. Au-delà d’une simple posture « pour ou contre » le fact-checking et au-delà de la question – déjà ancienne – du rapport à la vérité, elles dévoilent les problématiques de recherche que cette pratique soulève actuellement. Ces approches sont brièvement présentées ci-dessous, accompagnées de renvois vers des exemples de travaux.

Approche fonctionnelle

L’approche fonctionnelle du fact-checking s’appuie sur la définition durkheimienne de la « fonction » en tant que correspondance entre une institution et les besoins de l’organisme social, c’est-à-dire la contribution que la première apporte à la vie de l’organisme dans son ensemble.

Dans ce cadre, l’approche fonctionnelle du fact-checking s’intéresse et questionne son efficacité au sein d’un contexte de désordre informationnel.

Les articles de cette catégorie s’appuient principalement sur des études empiriques. Ils introduisent des variables qui tentent de comprendre le rôle des formats et des méthodes (nous appellerons cette approche « descendante »), comme, par exemple, l’impact des alertes, des métriques ou celui de la longueur des fact-checks.

D’autres études se penchent davantage sur la « consommation » des informations, les perceptions, les motivations des publics et la manière dont elles interfèrent avec l’efficacité du fact-checking. Il s’agit d’explorer, par exemple, le rôle de la confiance envers les sources ou celui des affinités politiques de ceux qui sont pour ou contre la vérification, ou bien encore l’importance des émotions dans le partage de fact-checks (approche « ascendante ».

La recherche sur les techniques automatisées (ou semi-automatisées) fait partie de cette catégorie, car ces articles traitent généralement de l’efficacité des modèles et méthodologies proposés (deep learning, etc.).

Approche organisationnelle

L’approche organisationnelle s’intéresse au fact-checking en tant qu’activité professionnelle et explore le milieu, les infrastructures et les méthodes de travail, à savoir les procédures, les stratégies et les perceptions qui sous-tendent cette pratique au sein des rédactions et autres organisations (organismes de fact-checking, médias sociaux numériques, etc.), parfois entre différents pays.

Elles mettent en évidence la complexité des articulations entre les dimensions matérielles et symboliques du fact-checking. En ce sens, les approches organisationnelles se concentrent principalement sur les relations et interactions entre journalistes/fact-checkeurs, leurs pratiques de travail, comme, par exemple, les grilles et critères utilisés, les thématiques privilégiées, leurs sources de financements, ainsi que leurs regards sur leur propre activité.

Approche épistémique

Cette position analyse les compréhensions et les cadrages qui façonnent le fact-checking en tant que construction symbolique, objet de connaissance et de recherche. Évidemment, tous les articles scientifiques réfléchissent à la signification et à la définition de la vérification des faits et du fact-checking, mais cette visée n’est pas nécessairement leur objectif principal ; dans cette catégorie cependant, c’est le cas.

Le fact-checking est ici étudié dans une approche « méta », à savoir réflexive, parfois critique, à la fois en termes de légitimité scientifique, de significations sociales (croyances sous-jacentes sur les connaissances existantes sur ce sujet), d’acceptation par des publics, d’aptitudes et de compétences impliquées. Se fait sentir dans certains de ces travaux l’écho des débats sur l’intérêt et la pertinence du fact-checking, et les questions épistémiques que ce dernier soulève, notamment le rapport à la vérité.

Lorsqu’elles sont combinées, ces trois approches clés au sein desquelles la recherche académique étudie le fact-checking (fonctionnelle, organisationnelle, épistémique) tendent à révéler trois domaines thématiques qui définissent également le fact-checking en tant qu’objet d’investigation scientifique :

  • les routines et les pratiques des fact-checkeurs/praticiens ;

  • les outils, techniques, méthodes et protocoles : humains, automatisés ou semi-automatisés ;

  • les attitudes pour comprendre le sens du fact-checking, son rôle ou son efficacité.

Inévitablement, plusieurs approches et thématiques peuvent se recouper au sein d’un même article et les catégorisations proposées ici ne constituent que des « types idéaux », au sens wébérien, soulignant leurs éléments les plus saillants. Même si le corpus analysé est certes loin d’être exhaustif et concerne uniquement une littérature en langue anglaise, ces observations permettent de mieux appréhender le débat sur fact-checking, ainsi que les apports de la recherche au sujet de cette pratique, qui est loin de faire l’unanimité.The Conversation

Angeliki Monnier, Professeure en Sciences de l'information et de la communication, directrice du Centre de recherche sur les médiations, Université de Lorraine

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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