Face aux escroqueries en ligne, le gouvernement a décidé de hausser le ton. Le 30 mai, une stratégie nationale de lutte contre la cybercriminalité a été dévoilée par le ministère de l’Intérieur, dans un contexte marqué par une explosion des arnaques en ligne et une professionnalisation inquiétante des acteurs criminels. Fraudes au faux conseiller bancaire, rançongiciels, usurpation d’identité, blanchiment par crypto-actifs : le champ d’action des cybercriminels ne cesse de s’étendre et de se structurer. En 2023, 278 770 atteintes numériques ont été recensées, en hausse de 40 % en cinq ans. Le préjudice est estimé à plusieurs milliards d’euros par an. Face à cette menace systémique, l’État engage une riposte à la fois technique, judiciaire et diplomatique. Placée sous l’égide du COMCYBER-MI, la stratégie s’articule autour de quatre piliers : anticipation, opérationnalité, expertise et coopération. Elle entend détecter plus tôt les signaux faibles, renfor...
Depuis plusieurs mois maintenant, pas un jour ne se passe sans que l’intelligence artificielle (ou IA) ne fasse l’actualité. Entreprises, chercheurs, politiques débattent sur le sujet, s’affrontent parfois à propos de perspectives économiques qui restent bien sûr à concrétiser. En Europe, l’Allemagne vient d’investir dans un plan de 3 milliards d’euros. En France, la remise du rapport de Cédric Villani en mars dernier et les annonces d'Emmanuel Macron sur l'intelligence artificielle ont ouvert des chantiers importants.
Dans notre région, Toulouse a été présélectionnée début novembre par l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour accueillir en 2019 l’un des instituts interdisciplinaires dédiés à l'intelligence artificielle (3IA). Le projet toulousain ANITI (Artificial and Natural Intelligence Toulouse Institute) rassemblera plus de 200 chercheurs issus de 33 laboratoires de recherche et une trentaine d’entreprises avec le soutien des collectivités locales et en collaboration avec le tissu socio-économique et associatif.
Derrière l'IA, un "antihumanisme numérique"
Mais quels sont les ressorts qui sont derrière l’IA ? Quelle est son histoire, ses caractéristiques propres, ses domaines d’applications et, surtout, les intérêts qui sont en jeu derrière elle ? C’est pour répondre à ses questions qu’Eric Sadin, l’un des meilleurs spécialistes du monde numérique, vient de publier “L’intelligence artificielle ou l’enjeu du siècle” aux éditions L’échappée, qui décrypte les conséquences de l'arrivée de l'IA dans de plus en plus de secteurs de la société (santé, médecine,transports, éducation, justice, assistance aux personnes, information, etc.)Auteur du remarqué, “La siliconisation du monde. L’irrésistible expansion du libéralisme numérique” il y a deux ans, Eric Sadin voit derrière l’IA un “antihumanisme radical”, une “main invisible automatisée où le moindre phénomène du réel se trouve analysé en vue d’être monétisé ou orienté à des fins utilitaristes.”
Vers la fin du politique ?
“Désormais, une technologie revêt un pouvoir injonctif entraînant l’éradication progressive des principes juridico-politiques qui nous fondent, soit le libre exercice de notre faculté de jugement et d’action”, explique Eric Sadin, qui livre au début de son livre l’exemple édifiant d’une femme qui chercherait un emploi. Aujourd’hui elle envoie ses CV et va à plusieurs entretiens d’embauche ou elle dialogue avec ses potentiels recruteurs. Demain, son assistant numérique, qui connaît tout d’elle, se charge des CV et les envoie à Recrutello, une IA chargée des recrutements selon des critères où l’humanité n’a guère sa place.Ce scénario, qui n’est pas sans rappeler le film "Her", de Spike Jonze avec Joaquin Phoenix, illustre selon Eric Sadin, la principale fonction de l’IA : énoncer la vérité. À coups d'algorithmes sans cesse améliorés et de machine learning, “l’intelligence artificielle concourt à organiser la fin du politique, entendu comme l’expression de la volonté générale d’arrêter des décisions, dans la contradiction et la délibération, en vue de répondre au mieux à l’intérêt général”, explique l’auteur, qui invite à s’opposer à cette “offensive antihumaniste” et à faire valoir au contraire des “formes de rationalité fondées sur la pluralité des êtres et l’incertitude inhérente à la vie.” Un appel à la compréhension de ce qu’est l’IA et à retrouver ce qui fonde l’humanité : l’humain.