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Les droits d’auteur en danger ? Ce que l’affaire « Bartz contre Anthropic » risque de changer aux États-Unis… et ailleurs

  Par  Maximiliano Marzetti , IÉSEG School of Management Aux États-Unis, un premier jugement autorise l’usage d’œuvres légalement acquises pour l’apprentissage des modèles d’intelligence artificielle, mais le recours à des contenus piratés est, lui, explicitement condamné. Un coup d’arrêt pour les auteurs, et un bouleversement juridique aux enjeux internationaux ? En 2024, les auteurs Andrea Bartz, Charles Graeber et Kirk Wallace Johnson ont porté plainte contre Anthropic, l’un des géants de l’intelligence artificielle (IA), l’accusant d’avoir utilisé leurs ouvrages pour entraîner son modèle de langage Claude . Cette affaire s’inscrit dans une série de litiges similaires : au moins 47 procès ont déjà été engagés aux États-Unis, visant différentes entreprises consacrées à l’IA. La question principale ? Les modèles d’IA auraient été entraînés à partir d’œuvres protégées par le droit d’auteur, sans autorisation préalable des auteurs,...

Le bitcoin : une « valeur refuge » peut-elle être virtuelle ?

 

Les fortes variations du cours du bitcoin sont-ils le signe de sa folle jeunesse ? Shutterstock Oatawa
Par Hervé Alexandre, Université Paris Dauphine – PSL

Pour quelles raisons le cours de l’or et celui du bitcoin se sont-ils envolés au mois de février 2024 ? Faut-il voir dans cette concordance davantage qu’un hasard, l’un devenant après l’autre une valeur refuge prisée des particuliers et bientôt des institutionnels comme semblait l’indiquer la chroniqueuse économique de France Infos ?

Avant de tenter d’apporter quelques éléments de réponse à cette question, rappelons que, de manière générale, notre monde se numérise inexorablement. À part quelques nostalgiques et autres collectionneurs, nous n’achetons plus de disque en vinyle ni de CD. Nous téléchargeons des morceaux de musique, quand nous ne les écoutons pas tout simplement en streaming. Dans ce dernier cas, moyennant le paiement d’un abonnement, nous pouvons écouter un morceau sans le posséder physiquement. Les exemples de ce type, nombreux, constituent la toile de fond des mutations aussi à l’œuvre dans le monde financier.

Revenons quelques dizaines d’années en arrière, dans un monde de biens physiques, où l’or était depuis longtemps considéré comme LA valeur refuge par excellence. Détenir de l’or signifiait être propriétaire d’un bien particulier, se caractérisant par sa rareté lors de son acquisition ainsi que par la reconnaissance de sa valeur par de nombreuses personnes et organisations. L’acheteur d’or encourait un risque faible de ne pas pouvoir revendre son actif, même en période de forte volatilité. L’immobilier, les œuvres d’art, le vin prétendent également au statut de valeurs refuges avec des succès plus ou moins mitigés.

600 % de hausse pour l’once d’or

Les valeurs refuges sont des actifs stables, qui permettent très souvent de dégager un bénéfice lors de leur revente. En 2000, le cours de l’once d’or était de 300 dollars. En 2024, l’once atteint plus de 2150 $ soit une hausse de 600 % quasi ininterrompue à l’exception des années 2012-2013 et de l’année 2020. Cette propriété emporte une conséquence logique : la valeur refuge sécurise le patrimoine de ses détenteurs, y compris lorsque les conditions politiques et économiques sont instables. Cela était particulièrement vrai jusqu’en 1971, année de l’abandon de la convertibilité du dollar en or et de la fin des accords de Bretton Woods.

Plus volatile depuis, la valeur de l’or conserve dans l’esprit des gens cette propriété de valeur refuge. Ce n’est pas tant la stabilité de sa valeur qui est désormais en jeu, mais plutôt sa matérialité et sa rareté. Le symbolique a pris le pas sur l’économique.

Qu’en est-il alors du bitcoin ? Cet actif particulier possède au moins un point commun avec l’or : sa quantité est limitée. Ce n’est sûrement pas un hasard si on trouve une référence à l’or dans le « white paper » fondateur de Satoshi Nakamoto – l’inventeur présumé du bitcoin -.

Il y rappelle le travail des mineurs découvrant régulièrement de nouveaux filons, un peu comme sont mis sur le marché de nouveaux bitcoins.

Dans le cas du bitcoin, ces découvertes potentielles sont limitées, puisqu’il n’y aura jamais plus de 21 millions de Bitcoins en circulation à l’horizon prévisible de 2140. Cette règle le rend potentiellement et intrinsèquement rare et bientôt précieux. Une autre similitude réside dans le fait que ni l’or ni le Bitcoin ne sont contrôlés par des gouvernements ou des institutions financières qui pourraient en fixer sa valeur arbitrairement.

Un système direct entre les individus

Ces caractéristiques du bitcoin sont liées aux conditions de sa naissance. Satoshi Nakamoto a expliqué avoir créé un système de paiements électroniques directs entre individus, sans avoir besoin d’une autorité centrale comme une banque ou un gouvernement pour produire de la confiance. Ce système doit préserver la vie privée des utilisateurs, résister à la censure et se prémunir contre la double dépense, problème courant dans les systèmes numériques non protégés. Pour cela, le bitcoin utilise un réseau décentralisé et un registre public de toutes les transactions, connu sous le nom de blockchain.

Reste qu’il existe des différences notables entre l’or et le bitcoin. La première, triviale, réside dans le fait que l’or est un actif avec une réalité physique, tandis que le bitcoin est un actif numérique. L’or a une histoire de plusieurs milliers d’années, quand le bitcoin est nouveau, quinze ans à peine. Sa perception en tant qu’éventuelle monnaie internationale est toujours en développement. Si l’or est accepté dans le monde entier, ce n’est pas encore le cas pour le bitcoin, même si son inventeur l’a pensé à l’ère du réseau numérique mondial.

Une autre différence, que certains assimilent à un défaut, réside dans le fait que cet actif par nature virtuel n’a pas de valeur intrinsèque. C’est ignorer la valeur de la confiance et surtout surévaluer la valeur de l’or comme intrant industriel. En effet, 10 % seulement de la demande mondiale d’or correspondent à des besoins destinés aux industriels (médecine, électronique, aérospatiale).

Transport et transfert facilités

Face à ces potentiels inconvénients, le bitcoin possède des avantages : il est beaucoup plus facile à transférer et à stocker que l’or. Il peut être envoyé n’importe où dans le monde instantanément et presque gratuitement. À l’inverse, l’or doit être transporté physiquement et sa valeur oblige à le protéger lors du transport qui est long et coûteux.

On lit régulièrement que le cours du bitcoin est actuellement beaucoup plus volatile que celui de l’or et ne peut donc prétendre au même statut. Le prix du bitcoin a bien connu des fluctuations importantes au fil des ans, allant de quelques centimes à des dizaines de milliers de dollars. Cette volatilité rend le bitcoin assurément risqué pour les investisseurs et les utilisateurs, mais rien n’indique qu’il s’agit d’une caractéristique intrinsèque. Cela pourrait être très lié à l’agitation propre au jeune âge.

Parler de valeur refuge à propos du bitcoin peut sembler provocateur tant il est parfois associé à un actif très spéculatif dans la presse. Certes, mais les cours de l’or varient aussi. Une valeur refuge peut connaître de fortes fluctuations en période d’incertitude.

Alors, le bitcoin pourrait-il devenir l’or du XXIe siècle ? Pour répondre à cette question, il faut introduire une nouvelle dimension à notre raisonnement. Jusqu’ici, nous avons considéré la notion de valeur refuge dans un contexte d’accès aisé à la finance, dans un environnement fortement bancarisé, ce qui est loin d’être le cas partout dans le monde. Le bitcoin offre ce que ne permet pas l’or. Pour les personnes aux revenus modestes qui ont le malheur d’habiter dans des pays qui ne sont ni une démocratie ni un état de droit, le bitcoin peut être un refuge, et ce d’autant qu’y sévit une hyperinflation destructrice de valeur.

Le bitcoin dans un contexte d’hyperinflation

La notion de valeur refuge n’est pas la même selon qu’on se trouve à New York ou Paris, plutôt qu’à Caracas ou à Lagos. Dans le monde, il existait en 2023, 20 pays où l’inflation a dépassé le taux de 20 % parmi lesquels on peut citer le Zimbabwe, le Liban, le Soudan, l’Argentine, la Turquie ou encore le Venezuela. En 2019, l’inflation y a dépassé les 19 900 % par an. Par ailleurs, ce pays est classé à la 147e place sur 167 selon l’indice de démocratie établi par le Economist Intelligence Unit.

Dans un tel contexte politico-économique, la question qui se pose n’est pas la même que celle qui se pose dans une Europe où l’inflation à 4 % est jugée excessive. L’impact de la hausse des prix sur la valeur des patrimoines et sur le pouvoir d’achat n’a rien de comparable.

Dans le cas du Venezuela, la valeur d’une unité de monnaie locale fond comme neige au soleil. Il devient évident que les Vénézuéliens, les plus modestes notamment, ne vont pas utiliser l’or comme refuge. En 2019, un nombre significatif d’entre eux a acheté des bitcoins, afin de se protéger contre l’hyper inflation que subissait leur monnaie. Cette même année, l’adoption de bitcoin dans ce pays a franchi une étape supplémentaire, avec l’acceptation par la chaîne de magasins d’alimentation Traki des paiements en bitcoin, mais aussi dans d’autres cryptomonnaies.

La comparaison entre bitcoin et l’or suscite aujourd’hui des débats très animés, mais dans un monde numérisé et mondialisé, les valeurs refuges vont obligatoirement être amenées à s’adapter. L’or, certaines œuvres d’art, les voitures de luxe ne verront pas leurs valeurs s’effondrer, mais ne paraît-il pas juste que la technologie offre une protection aux aléas politiques et économiques à un plus grand nombre d’individus dans les années à venir ?The Conversation

Hervé Alexandre, Profesesur, Université Paris Dauphine – PSL

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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