Une enquête publiée par l’Association nationale des Directeurs Financiers et de Contrôle de Gestion (DFCG) et Memo Bank montre combien les PME sont exposées aux fraudes bancaires. Près de 85 % des PME et ETI françaises interrogées déclarent avoir subi au moins une tentative de fraude au cours des douze derniers mois. Une progression spectaculaire de 25 points en cinq ans. Et surtout un basculement : le virement bancaire, pourtant outil fondamental du fonctionnement économique, devient le canal privilégié des escrocs.
La messagerie électrique : point d’entrée des cyberpirates
Dans 57 % des fraudes abouties, l’arnaque passe par ce vecteur. Rapide, souvent irréversible, le virement combine tous les risques : montants élevés, procédures parfois défaillantes, et surtout, une négligence préoccupante. Une entreprise sur deux ne vérifie pas systématiquement les IBAN de ses fournisseurs, selon l’étude. Une faille béante, d’autant plus que 23 % des entreprises subissent plus de dix tentatives d’attaque par an.
Le phishing – ou hameçonnage par messagerie – reste l’arme favorite des cybercriminels. Trois quarts des fraudes y trouvent leur point d’entrée. La messagerie électronique et les processus de validation interne forment un couple vulnérable. Ce n’est pas le système d’information dans sa globalité qui est pris pour cible, mais ses maillons humains, cognitifs, comportementaux.
Or, si les pertes directes restent modérées (inférieures à 50 000 euros dans 78 % des cas), les répercussions sont bien plus profondes : perturbation des équipes (75 %), tensions avec les partenaires (22 %), voire blocages d’activité (47 %). L’argent perdu ne revient presque jamais : deux tiers des entreprises ne parviennent pas à le récupérer.
Le levier de défense est dans une bonne gouvernance
Le diagnostic de la DFCG est sans appel : le véritable levier de défense ne se trouve pas dans la technologie seule, mais dans la gouvernance. Dans 42 % des cas, la responsabilité de la fraude remonte à la direction financière. Très loin devant les DSI (16 %). Un signal fort. Ce n’est pas seulement un problème de pare-feu ou de logiciels, c’est un enjeu de culture managériale et de rigueur procédurale.
Et pourtant, les fondamentaux ne sont pas tous en place. Moins de la moitié des entreprises disposent de procédures formalisées en cas d’attaque. À peine un quart sont assurées contre la fraude. Ce paradoxe, pointé par Christian Laveau (DFCG), résume l’état des lieux : la conscience du danger progresse, mais les actes ne suivent pas.
Montée en puissance de l’IA générative
La montée en puissance de l’intelligence artificielle (IA) générative et des deepfakes (vidéos truquées) ajoute une couche d’inquiétude : 83 % des directions financières considèrent cette menace comme prioritaire. Imitations de voix, vidéos falsifiées, usurpation de signature numérique : avec l’IA les techniques de manipulation prennent une nouvelle dimension. Et viennent amplifier les failles humaines, que 71 % des répondants désignent aussi comme risques majeurs.
Pourtant, certaines pratiques simples font leurs preuves : double validation des paiements (déployée dans 81 % des cas), formations annuelles (65 %), filtrage des e-mails suspects (65 %) et sensibilisation continue (57 %). Mais une mesure clé reste sous-utilisée : la double validation des bénéficiaires. Seules 53 % des entreprises y ont recours – précisément là où les fraudeurs concentrent leurs efforts, lors du changement de RIB.
Face à ces constats, DFCG et Memo Bank appellent à un sursaut. Une PME ne pourra pas affronter seule des menaces mondiales et sophistiquées, mais elle peut – et doit – mieux se défendre. Par la formation, la méthode et l’exigence.
La banque, elle aussi, est appelée à changer de posture. 87 % des entreprises attendent d’elle un rôle actif de veille sur les transactions anormales. Et 79 % souhaitent un système automatisé de vérification des IBAN.