Tribune de Constance Blanc, fondatrice de l'agence "Évidemment l'Agence"
Notre avenir dépend-il de la technique ? La question posée ce matin à plus de 500 000 candidats au bac philo semble aussi planer, en silence, au-dessus de toutes les professions dites « intellectuelles ». Car derrière la technique d’hier — le livre, l’imprimerie, l’ordinateur — se cache aujourd’hui un nom qui ne laisse personne indifférent : l’intelligence artificielle.
Et si cette intelligence-là n’était plus un simple outil, mais une nouvelle force motrice de sélection ? Une nouvelle manière de trier ce qui compte et ce qui ne compte pas, ce qui mérite d’être vu, diffusé, relayé… ou non. Ce qui est dit. Et ce qui est effacé.
Dans les relations presse, le bouleversement est total. L’IA n’est pas un simple assistant. Elle devient un filtre, un moteur, un juge silencieux. Elle scrute les mots-clés, hiérarchise les informations, décide qui « mérite » une visibilité. Et ce n’est plus seulement l’œil humain qui décide de l’actualité — ce sont les algorithmes qui amplifient, accélèrent, ignorent. Ce sont eux qui font exister, dans une temporalité toujours plus rapide, toujours plus technique.
Dans ce nouveau monde, ne pas être préparé, c’est disparaître. Un pitch qui ne contient pas les bons marqueurs ? Invisible. Une entreprise qui n’optimise pas ses prises de parole ? Inaudible. Un dirigeant qui n’alimente pas sa présence numérique ? Inexistant. L’IA ne crée pas le contenu, mais elle décide de ce qu’elle en fait.
Et pourtant, paradoxalement, jamais l’intelligence humaine n’a été aussi essentielle.
Car dans un écosystème où la forme prend parfois le pas sur le fond, où la rapidité l’emporte sur la nuance, la parole humaine — incarnée, pensée, stratégique — est un acte de résistance. Elle est ce qui donne du relief à l’information, ce qui crée de la mémoire, ce qui provoque le débat.
Les métiers de la communication, du journalisme, des contenus — longtemps pensés comme menacés par la technologie — sont en réalité appelés à muter. Pas à mourir. Ce sont ceux qui sauront faire dialoguer l’intelligence artificielle et l’intelligence sensible, l’intelligence émotionnelle et l’intelligence narrative, qui sortiront du lot. Non pas parce qu’ils seront les plus techniques. Mais parce qu’ils auront compris que l’IA ne remplace pas la voix : elle amplifie celle qui porte.
Alors oui, notre avenir dépend de l’intelligence. Mais pas seulement de celle qui code. De celle qui sent, qui pense, qui devine. De celle qui sait que derrière chaque algorithme, il faut une intention, un élan, une idée. L’IA est une main. Encore faut-il savoir quoi lui faire écrire.