Premier pollueur mondial mais aussi géant des renouvelables, la Chine vient de réussir le vol d’essai de son éolienne volante S1500, un dirigeable équipé de douze turbines capables de produire 1,2 mégawatt à 1 500 mètres d’altitude. Développé par la start-up SAWES Energy Technology, ce prototype marque une étape clé vers une production éolienne plus efficace, mobile et accessible aux régions isolées.
La Chine est actuellement le premier pollueur de la planète en termes d’émissions totales de dioxyde de carbone (CO2) et en 2024, elle représentait 32 % des émissions globales mondiales, avec quelque 11,4 milliards de tonnes de CO2 émises chaque année. Et pourtant, le pays innove à vitesse grand V et investit massivement dans les énergies renouvelables et notamment l’éolien.
Sous le vent sec du désert du Xinjiang, un immense dirigeable blanc s’est ainsi élevé, lentement, avant de s’immobiliser à 1 500 mètres d’altitude. Relié au sol par un câble unique, le ballon portait dans ses flancs douze turbines, capables à elles seules de produire 1,2 mégawatt. Ce test, mené du 19 au 21 septembre sur la base du lac Hami Nao Mao, consacre le premier vol d’essai réussi d’un système d’énergie éolienne aéroportée d’un mégawatt.
Derrière cette prouesse technologique se trouve Beijing SAWES Energy Technology, une start-up qui développe depuis 2016 une série de prototypes baptisés S500, S1000 puis désormais S1500. Ce dernier – 60 mètres de longueur, 40 de diamètre – est le premier à atteindre une altitude de croisière de 1 500 mètres, où les vents sont plusieurs fois plus puissants et stables qu’en surface.
6 millions de kilowattheures par an
Conçu sous forme de dirigeable gonflé à l’hélium, le S1500 intègre douze groupes électrogènes de 100 kilowatts chacun. Le câble qui le relie au sol sert à la fois d’attache et de ligne de transmission électrique. Selon ses concepteurs, cette architecture permet d’économiser jusqu’à 40 % de matériaux par rapport aux éoliennes terrestres classiques et de réduire d’environ 30 % le coût de production par kilowattheure. Le dispositif a été mis au point avec le concours de Beijing Linyi Yunchuan Energy Technology, partenaire de recherche de SAWES. L’équipe a dû surmonter plusieurs défis techniques : stabilité des aérostats, légèreté des moteurs, transmission haute tension sur un kilomètre, etc.
Les ingénieurs affirment avoir validé la résistance du système à des vents forts de jour comme de nuit. Facile à transporter et à monter, l’éolienne volante pourrait être déployée en trois jours seulement. Pour les ingénieurs du programme, il s’agit de rendre l’énergie éolienne disponible « partout où le vent souffle ».
Si le calendrier est respecté, le S1500 pourrait devenir, dès 2026, la première éolienne volante commerciale connectée au réseau électrique chinois. Elle pourrait générer plus de 6 millions de kilowattheures par an, de quoi alimenter environ 6 000 foyers. Le blog technologique Quanqiu Zhizao y voit déjà « la fin des pénuries d’électricité dans les zones reculées » et qualifie cette sorte de Zeppelin du XXIe siècle de « batterie aérienne ».
Un projet stratégique pour le pays
Mais le S1500 est aussi un projet stratégique pour le pays, dont la politique énergétique nationale vise autant l’autonomie que la démonstration technologique. En Chine, où la capacité éolienne et solaire doit être multipliée par six entre 2020 et 2030, les technologies aéroportées offrent, en effet, une solution complémentaire pour les zones isolées ou sinistrées. Les collaborations entre entreprises innovantes, universités (notamment Tsinghua) et Académie chinoise des sciences confirment cette volonté d’intégrer rapidement ces systèmes au mix énergétique du pays.
Bien que la Chine soit la plus avancée et ambitieuse sur le développement industriel d’éoliennes volantes d’autres pays investissent dans la recherche et le développement de technologies comparables (États-Unis, Japon, Taïwan). En Europe, plusieurs initiatives de recherche financées par l’Union européenne développent des éoliennes volantes ou des drones éoliens, notamment des prototypes au Danemark et en Allemagne.
