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Sur Internet, des adolescents confrontés de plus en plus jeunes à des images pornographiques

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DeepSeek : entre enthousiasme et scepticisme, que disent les commentateurs sur les réseaux sociaux ?

 

Deepseek

Par Sabrine Mallek, ICN Business School

En janvier 2025, le lancement de DeepSeek-R1, un chatbot open source chinois, a suscité un engouement similaire à celui de ChatGPT en 2022, alimentant débats en ligne et réactions sur les marchés financiers, en particulier américains. Les réactions émanent d’un public plus large que celui qui s’est approprié ChatGPT à ses débuts. Elles sont également contrastées, entre enthousiasme et inquiétude, mais pas forcément pour les mêmes raisons.


Contrairement aux modèles propriétaires d’OpenAI, Google ou Anthropic, DeepSeek-R1 se distingue par son ouverture, permettant aux développeurs d’examiner son code et d’adapter son architecture. Les premières comparaisons indiquent que DeepSeek-R1 utiliserait un nombre de paramètres inférieur à ses concurrents, tout en affichant des performances impressionnantes notamment en raisonnement et en codage. L’annonce a provoqué une baisse des actions des géants américains de la tech, illustrant les enjeux économiques d’un concurrent chinois dans l’IA.

Mais que pensent réellement les utilisateurs de DeepSeek ? Une analyse des sentiments, réalisée sur un million de publications provenant de divers médias, enrichie par une exploration approfondie des émotions et des thèmes des 20 000 tweets (publications sur X) les plus engageants, a permis de dresser un portrait détaillé des réactions globales et d’affiner notre compréhension de la perception publique de cette IA.

Un aperçu des tendances globales : entre espoirs technologiques et craintes économiques

L’étude des perceptions des IA génératives comme ChatGPT, encore émergente, révèle une polarisation entre fascination et inquiétudes sur ses limites et usages détournés.

Dans le cas de DeepSeek, nous avons recensé plus de 3,5 millions de publications mentionnant l’outil dans différents types de médias, tels que Twitter (X), Reddit, Facebook, YouTube, ainsi que divers forums et blogs en ligne, entre le 26 décembre 2024 et le 29 janvier 2025. Notre étude repose sur l’analyse des sentiments d’un échantillon d’un million de publications les plus engageantes, afin de capturer les principales tendances de perception du public et d’en comprendre les motivations. Cette approche met en évidence une forte polarisation : tandis que certains commentateurs doutent des capacités de DeepSeek et s’inquiètent de la sécurité des données, d’autres soulignent ses atouts, notamment son accessibilité accrue grâce à son caractère open source et son écosystème décentralisé, à l’inverse des modèles d’OpenAI.

L’évolution des sentiments suit une dynamique similaire à celle observée pour ChatGPT en 2022. Les premières discussions étaient majoritairement positives, mettant en avant une curiosité technologique et une opportunité de diversification dans l’IA. Après le lancement officiel, l’optimisme a été tempéré par des inquiétudes liées à la chute des valeurs boursières des géants technologiques américains et aux implications géopolitiques d’une IA chinoise avancée.

infographie
Professions des répondants au sondage. Sabrine Mallek et Sabrine Ben Abdrabbah, Fourni par l'auteur

Contrairement à ChatGPT, dont les premiers utilisateurs étaient principalement des développeurs, chercheurs et étudiants, DeepSeek séduit un public plus diversifié, incluant notamment des cadres dirigeants et des professionnels des secteurs économiques et financiers. Cette attractivité s’explique par son influence directe sur les marchés financiers. Par exemple, après le lancement de ChatGPT en novembre 2022, Nvidia a vu sa valeur multipliée par huit. En revanche, le lancement de DeepSeek-R1 en janvier 2025 a entraîné une baisse de 17 % de l’action Nvidia.

Un engouement pour une alternative à ChatGPT

Une analyse avancée de fouille de texte et d’apprentissage automatique des 20 000 publications sur X les plus engageantes mentionnant DeepSeek révèle une opposition marquée entre enthousiasme technologique et scepticisme sur la gestion des données personnelles.

De nombreux commentateurs considèrent DeepSeek-R1 comme un « game-changer » capable de rivaliser avec ChatGPT tout en étant open source. L’émotion dominante est la curiosité et l’excitation face à un modèle performant, accessible et potentiellement plus transparent.

Plusieurs benchmarks, tels que Codeforces et GPQA-diamond, montrent que DeepSeek-R1 excelle, surpassant notamment le modèle OpenAI-o1 dans le test MATH-500. Cette dynamique rappelle l’enthousiasme initial qui a entouré ChatGPT, lors de son lancement en 2022, quand les utilisateurs saluaient ses capacités à générer des textes de qualité et à répondre à des requêtes complexes.

Un scepticisme autour de la protection des données

Les réactions négatives se concentrent sur des inquiétudes réglementaires et éthiques. Les commentateurs s’interrogent sur la collecte des données personnelles, notamment celles des utilisateurs en dehors de la Chine. Le fait que les litiges liés à DeepSeek-R1 soient réglés sous la juridiction chinoise suscite une forte réticence en Occident.

À la différence de ChatGPT, dont les critiques portaient sur les implications éthiques et l’impact sociétal de l’IA, DeepSeek soulève des questions sur la souveraineté numérique et la sécurité des infrastructures.

Certains commentateurs pointent la persistance de biais idéologiques et de formes de censure, soulevant des questions sur la transparence et l’impartialité du modèle.

En outre, DeepSeek est perçu comme une menace pour les entreprises américaines du secteur technologique, notamment celles regroupées dans l’indice FANG+ (Facebook, Amazon, Netflix, Google, etc.). L’arrivée de cet acteur open source pourrait redéfinir les dynamiques concurrentielles, forçant les entreprises occidentales à repenser leurs stratégies.

Les discussions révèlent également des débats sur l’impact potentiel de DeepSeek sur diverses industries, notamment la blockchain et l’écosystème Ethereum, où DeepSeek pourrait être utilisé pour automatiser des processus de vérification et de développement.

Le cas de la France : entre fascination et méfiance

L’arrivée de DeepSeek-R1 en France s’inscrit dans un contexte où le pays tente de développer ses propres alternatives en intelligence artificielle, comme le montre le cas du chatbot Lucie. Lucie a fait l’objet de nombreuses critiques en raison de réponses jugées absurdes, conduisant même à une fermeture temporaire. L’analyse des publications liées à Lucie révèle une dominance de la frustration et du scepticisme, avec un vocabulaire marqué par la controverse et la critique.

En comparaison, les discussions autour de DeepSeek-R1 sont plus équilibrées, mettant en avant des attentes technologiques élevées et des interrogations sur l’impact géopolitique. L’analyse des émotions montre que DeepSeek suscite à la fois de la confiance et de l’anticipation, tandis que les publications sur Lucie sont davantage corrélées à des sentiments négatifs, notamment la colère et le mépris.

En France, les débats sur l’IA se concentrent sur deux points :

  • le développement d’une IA souveraine face aux limites des initiatives nationales face aux géants mondiaux,

  • et la méfiance envers les modèles non européens, en raison des enjeux de souveraineté et de régulation des données.

L’utilisation de DeepSeek-R1 en local est vue comme une solution pour limiter les risques de fuite. Cette tension entre innovation et scepticisme reflète la volonté européenne de réguler l’IA malgré des avancées technologiques rapides ailleurs.

Implications : une reconfiguration du paysage de l’IA ?

L’essor de DeepSeek-R1 marque une étape clé pour l’IA, montrant la capacité de la Chine à rivaliser avec les modèles occidentaux. Cela pourrait redéfinir le leadership en IA et pousser les entreprises américaines et européennes à ajuster leurs stratégies.

Bien que son caractère open source attire les développeurs, il soulève des questions sur la transparence, la confidentialité et la gouvernance des données. La méfiance envers DeepSeek-R1 reflète une défiance plus large envers les IA étrangères et pourrait accélérer la régulation en Europe. Ce modèle incarne ainsi des enjeux technologiques, économiques et géopolitiques majeurs.


Cet article a été écrit avec Sabrine Ben Abdrabbah, cheffe de projet R&D à Audensiel.The Conversation

Sabrine Mallek, Professeure Assistante en Transformation Digitale, ICN Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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