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Téléphone, mail, notifications… : comment le cerveau réagit-il aux distractions numériques ?

  Par  Sibylle Turo , Université de Montpellier et Anne-Sophie Cases , Université de Montpellier Aujourd’hui, les écrans et les notifications dominent notre quotidien. Nous sommes tous familiers de ces distractions numériques qui nous tirent hors de nos pensées ou de notre activité. Entre le mail important d’un supérieur et l’appel de l’école qui oblige à partir du travail, remettant à plus tard la tâche en cours, les interruptions font partie intégrante de nos vies – et semblent destinées à s’imposer encore davantage avec la multiplication des objets connectés dans les futures « maisons intelligentes ». Cependant, elles ne sont pas sans conséquences sur notre capacité à mener à bien des tâches, sur notre confiance en nous, ou sur notre santé. Par exemple, les interruptions engendreraient une augmentation de 27 % du temps d’exécution de l’activité en cours. En tant que chercheuse en psychologie cognitive, j’étudie les coûts cognitifs de ces interruptions numériques : au

Antarctique, l'ultime odyssée



En ce début du XXIe siècle, l'homme a-t-il exploré tous les recoins de notre planète ? Existe-t-il encore une forêt, une montagne, une plage qui n'ait été foulée ? Si l'on excepte la découverte fortuite d'une peuplade au cœur de l'Amazonie ou celle d'une forêt vierge repérée par un satellite, l'on serait tenté de répondre que tout est connu sur Terre. Et pourtant, il existe un territoire, une zone immense qui reste méconnue : l'Antarctique. Contrairement à son contraire, l'Arctique, ce continent blanc de quelque 14,1 millions de kilomètres carrés dont 280 000 libres de glace est quasiment dans son état d'origine.

Percer les mystères du continent blanc

Balayé par des vents glaciaux – un record de température y a été enregistré le 10 août 2010 à -93, 2 °C – ce continent préservé des activités humaines par le traité sur l'Antarctique de 1959 et le protocole de Madrid en 1991, est entouré de l'océan austral que l'on connaît encore bien mal. Percer les mystères de l'Antarctique constitue, d'évidence, l'ultime odyssée de l'humanité. Une aventure qui ne pouvait pas laisser indifférent Jean-Louis Étienne. Le médecin tarnais, qui fut le premier explorateur à atteindre seul le pôle Nord en 1986, connaît bien le pôle Sud.

Du 25 juillet 1989 au 3 mars 1990, durant l'été austral, Jean-Louis Étienne et cinq compagnons traversèrent avec leurs chiens et leurs traîneaux les 6 300 kilomètres du continent antarctique, via le pôle Sud géographique. Cette expédition, baptisée Transantarctica fut suivie par une série d'expéditions scientifiques, menée à bord de la goélette Antarctica entre 1991 et 1996. C'est donc peu dire que l'Antarctique passionne Jean-Louis Étienne, comme elle passionna avant lui Jules Dumont-d'Urville, qui donna son nom à la base française de la Terre-Adélie, ou Paul-Emile Victor. Pas étonnant alors que son nouveau défi, Polar Pod, se déroule là. Et quel défi ! «C'est mon plus gros projet» confiait récemment Jean-Louis Étienne à La Dépêche. Un projet qui mêle intérêt scientifique et technique.

Le Polar Pod, en effet, est le nom d'une plateforme océanographique ultramoderne d'un nouveau genre, librement inspirée du FLIP (FLoating Instrument Platform), une plateforme dérivante de la flotte océanographique américaine, toujours en activité après 60 ans au service de la recherche. Tracté à l'horizontale jusqu'à la zone à étudier, le Polar Pod, qui mesure 100 mètres de long pour 720 tonnes, bascule alors en position verticale par remplissage des ballasts à l'eau de mer. Il peut alors dériver en étant capable d'affronter les plus grosses vagues des Cinquantièmes hurlants.

À Brest, on reconstitue les Cinquantièmes hurlants

Le concept de cette plateforme à «énergie positive» – elle dispose de quatre éoliennes – équipée pour héberger sept personnes avec six mois d'autonomie est étudié depuis 2012, notamment à l'École centrale de Nantes, et entre cette année dans sa phase de réalisation. «On a passé tous les stades aujourd'hui. On termine une maquette qui va être essayée à Brest à l'Ifremer (Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer) dans un bassin d'essai où l'on va reconstituer les Cinquantièmes hurlant. Ce sont les derniers essais qui se feront en décembre», explique Jean-Louis Étienne.

«C'est un vaisseau très technique que l'on va construire l'année prochaine. Je veux que ce soit un produit français. J'ai plusieurs possibilités», poursuit le médecin, attaché à ce que le Polar Pod soit made in France ; et attaché aussi au partage des données qui seront collectées. «Les données acquises par le Polar Pod seront envoyées aux scientifiques à terre qui les traiteront, et elles seront en open data. Il faut qu'elles soient accessibles à tout le monde», estime Jean-Louis Étienne.

L'intérêt des universités du monde entier


La mission Polar Pod va se concentrer sur trois sujets d'études. Le climat tout d'abord. «L'océan austral, qui entoure l'Antarctique est un régulateur du climat car il absorbe beaucoup de gaz carbonique, c'est un moteur de la circulation océanique mondiale. Le second sujet d'étude sera la biodiversité. On va faire un inventaire de la faune de cet océan : baleines, crevettes, etc. par acoustique. On va écouter ; chaque animal ayant sa signature.

Enfin le troisième sujet d'étude sera la validation en mer des mesures faites par les satellites. Ces derniers ont besoin de cette validation mais il y a tellement peu de bateaux dans le secteur que ça ne se fait pas.»

Ces trois grands domaines de recherches ont en tout cas suscité un énorme intérêt de la communauté scientifique mondiale. «J'ai une demande qui est surprenante. On va emmener pour la première fois des chercheurs à rester longtemps sur cet océan encore méconnu, ce qui n'a jamais été fait. J'ai des demandes bien sûr de grandes universités françaises, de l'Ifremer, de l'Agence spatiale européenne. Beaucoup d'universités américaines, australiennes et chinoises se sont aussi manifestées» se réjouit Jean-Louis Étienne qui doit se rendre en Chine bientôt. Un intérêt mondial à la mesure de ce qui sera l'une des plus grandes aventures du siècle.


«C'est mon plus grand projet»L'exploration de l'océan austral n'est bien sûr pas la première expédition de Jean-Louis Étienne – et sans doute pas la dernière – mais elle est sans conteste la plus importante. «C'est mon plus gros projet. 12 millions d'euros pour quatre ans, qui incluent la construction du Polar Pod et le fonctionnement de la mission qui devrait durer trois ans environ. Tous les deux mois il y aura des relèves des sept personnes à bord (trois marins et quatre ingénieurs ou techniciens). L'intérêt, c'est qu'on va y passer du temps à un coût abordable. Car aujourd'hui l'homme de sciences est très cher en mer. Les budgets de recherches pour les bateaux diminuent. Avec le Polar Pod, on offre à la communauté scientifique une présence en mer à un coût qui est très abordable.»



2012-2014 / Etudes techniques
Depuis 2012, conception et étude technique du Polar Pod, notamment à l'École centrale de Nantes. Recherche de partenaires et élaboration du projet scientifique.

2015 / Construction
Etape de la construction du Polar Pod. D'abord sous forme de maquette, testée à Brest avec la reproduction des conditions de l'océan austral. Puis construction du Polar Pod.

2015 / Essai en mer
Essais en mer dans le Courant des Aiguilles qui longe la côte Sud-Est de l'Afrique du Sud.

2016 / Début de l’expédition
Départ dans le Courant Circumpolaire pour une année de dérive autour du continent Antarctique.

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