Par Laurence Corroy , Université de Lorraine Si les adolescentes et adolescents se retrouvent confrontés de plus en plus précocement à de la pornographie en ligne, il leur est très difficile d’aborder le sujet avec des adultes. Retour sur une enquête de terrain alors que les éditeurs de sites sont sommés d’instaurer un contrôle d’âge pour l’accès à ces contenus sensibles. Dès que l’on parle des adolescents et de leurs relations au numérique, les débats se polarisent, sans qu’il y ait nécessairement le réflexe de recueillir leur témoignage. En recherche, il est pourtant extrêmement important de leur donner la parole, ce qui permet de mieux mesurer leur capacité d’analyse et de distance vis-à-vis des messages médiatiques. Dans le cadre de l’étude Sexteens , menée en Grand Est, nous avons rencontré plus d’une soixantaine d’adolescents pour évoquer avec eux les représentations de la sexualité et de l’amour dans les séries pour ados qu’ils regardent. Ces séries on...
C’était le dimanche 21 septembre dernier. Alors que le débat s’envenime dans le Tarn entre partisans et opposants à la construction du barrage de Sivens, quelque 30 sites internet publics ou para-publics ne répondent plus à ceux qui les consultent. À la place de la page d’accueil des sites des Musées départementaux, des Archives du département ou encore des zones humides, du musée de la mine ou des archives des ponts et chaussée, les internautes découvrent une vidéo anti-barrage réalisée par les Anonymous. Ce groupe d’hacktivistes (hackers et activistes) s’est rendu célèbre ces dernières années par des attaques informatiques contre les serveurs de certains pays (Arabie Saoudite, Syrie, et.) ou de certaines sociétés (Mastercard, Sony, etc.). Cette fois, c’est bien une collectivité territoriale qui était visée. Des attaques qui ont ensuite été réitérées le 20 novembre et qui démontrent, si besoin était, que les cybermenaces frappent n’importe où, à la ville comme à la campagne.
Si l’action des Anonymous n’a pas fait plus de dégâts que le changement de la page d’accueil des sites, il est des attaques qui peuvent être beaucoup plus dommageables, pour les administrations, comme pour les entreprises et bien sûr les particuliers.
C’est que les territoires ruraux jadis à l’écart des autoroutes de l’information ont depuis largement rattrapé leur retard. Grâce à des plans de couverture haut débit consentis par les opérateurs télécoms et impulsés par des départements et municipalités souvent précurseurs ; par un plan numérique régional ambitieux dont le réseau Cyberbase est un beau symbole, par le dynamisme d’un tissu économique qui participe pleinement à la FrenchTech, les campagnes répondent désormais aux besoins des entreprises comme des habitants. Revers de la médaille, ceux-ci sont devenus des cibles de choix pour les hackers.
Sensibiliser, prévenir, donner les clefs pour se prémunir face à ces cybermenaces : tel est tout l’objectif du colloque « Cybersécurité et territoires », organisé ce vendredi à Fleurance, dans le Gers, en présence des meilleurs experts français, notamment ceux de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, de la gendarmerie, de la réserve citoyenne Cyberdéfense, etc. Trois tables rondes vont permettre de cerner les risques : services publics et sécurité numérique ; entreprises et protection numérique ; ruralités, numérisation et sécurité. Ce colloque inédit sera conclu par le vice-amiral Arnaud Coustillière, officier général à la Cyberdéfense. Car depuis le livre blanc de la Défense de 2008, renforcé en 2013, la cyberdéfense est devenue une priorité de notre Défense nationale.
«La cybersécurité est devenue une vraie priorité»
Comment définissez-vous la cybersécurité ?
On a une définition de principe qui est incluse dans la stratégie nationale de cybersécurité publiée en 2011. La cybersécurité, c’est trois domaines. C’est la sécurité des systèmes d’information, avec un certain nombre de techniques dont font partie la cryptographie, la connaissance des protocoles, des systèmes d’exploitation, etc. Ce sont des connaissances scientifiques et techniques. Le 2e domaine, c’est la lutte contre la cybercriminalité. Et enfin, la cyberdéfense, c’est-à-dire défendre un système attaqué, en temps réel éventuellement. La cybersécurité est la confluence de ces trois éléments.
L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) est récente et peu connue du grand public. Quel est son rôle ?
L’ANSSI est une jeune agence créée en 2009, construite sur la base d’une direction du secrétaire général de la défense nationale à l’époque et qui est issue du service du Chiffre créé en 1943. La base de l’ANSSI, c’est la cryptographie. En 2009, à la suite des attaques contre l’Estonie, dans le Livre blanc de la Défense de 2008, il est écrit que la France va se doter d’une agence qui défendra les systèmes d’information nationaux contre les attaques du type de celles subies par l’Estonie. En 2009, l’ANSSI a ainsi été créée avec une mission de prévention et une mission de défense.
La prévention sera justement au cœur des débats à Fleurance. Quelles sont les menaces principales aujourd’hui qui visent les administrations, les entreprises et les particuliers ?
Il y a trois grands types de menaces. Le premier type, c’est la menace de tous les jours qui frappe tout le monde, le grand public et les PME. C’est la défiguration de sites web. Par exemple, celui de la mairie de Fleurance qui aurait pu se faire attaquer au moment des attentats terroristes de janvier dernier. Il y a eu une campagne menée par divers individus dont l’objectif était de défigurer le plus grand nombre de sites internet français en affichant un message favorable au djihad. Ce type d’attaques peut concerner des sites de collectivités territoriales ou de PME.
Pour le grand public, la menace principale, c’est le vol de données bancaires. A distance, on installe un cheval de Troie sur votre ordinateur qui va dérober vos données personnelles, par exemple vos codes d’accès à votre compte bancaire.
Pour une PME, les pirates peuvent repérer l’organigramme de la société et, avec une adresse internet bidon, créer un message soi-disant issu du président de l’entreprise qui demande un virement à tel ou tel moment.
Tout cela, ce sont des attaques de premier niveau.
Les attaques sont ensuite beaucoup plus sophistiquées ?
Oui. Lesattaques plus sophistiquées, plus difficiles à détecter, sont des attaques pour voler des informations à des fins d’espionnage économique, financier ou politique. Cela touche des administrations, des grandes entreprises ou des PME très innovantes. Il s’agit de pénétrer le système d’information, de la même façon qu’avec des attaques de premier niveau, et leur dérober les données recherchées. Quand on voit que le système d’information d’une entreprise porte toute sa chaîne de valeur, une attaque peut faire des dégâts. Les attaquants sont d’ailleurs très divers : le crime organisé, un hacker des pays de l’Est, un petit geek, un service de renseignement étranger.
Enfin, il y a un 3e niveau dont on a eu des traces avec le virus Stuxnet, en 2010, sur la centrale d’enrichissement nucléaire iranienne où là, c’est du destructif. C’est-à-dire qu’il s’agit, à partir du système d’information, de casser quelque chose. Par exemple, dans le Gers, des pirates pourraient changer la composition d’une recette dans une usine agroalimentaire ; ou changer la chaîne de distribution de produits pharmaceutiques ; ou encore perturber les feux rouges ou le tramway à Toulouse ; ou faire exploser une usine Seveso, etc.
La France est-elle particulièrement visée ?
C’est très difficile d’avoir des chiffres car selon que l’on se place dans le premier, le deuxième ou le troisième type d’attaques, cela n’a pas le même sens. Tous les pays sont attaqués. Et plus les pays sont informatisés, comme la France, plus ils sont attaqués. Si ce sont des attaques en déni de service (on cherche à saturer un site), il y en a des milliers par minute sur certains sites ; si ce sont des attaques sophistiquées d’espionnage, il y en a quelques dizaines par an. La France est très attaquée, comme le sont beaucoup de particuliers ou d’entreprise qui s’en rendent compte parfois trop tard. Le ministère de l’Intérieur est en train de mettre en place des statistiques sur ce sujet.
Les moyens financiers, humains engagés aujourd’hui sont-ils suffisants ?
Le Livre blanc de la Défense de 2013 indique que tout ce qui est attaque cybernétique arrive en 3e position dans le classement des menaces, après l’invasion du territoire et les attaques terroristes. Donc les cybermenaces sont placées assez haut. En 2009, l’ANSSI avait une centaine d’agents, aujourd’hui on est un peu plus de 400 et on sera près de 600 en 2017. Dans un contexte budgétaire contraint, les gouvernements successifs ont considéré que c’est important. Fin 2017, on sera au niveau de nos partenaires allemands et anglais. On se met dans une bonne dynamique. La cybersécurité est devenue une vraie priorité.
Cybermenaces : tous concernés
Les particuliers
Les particuliers, souvent moins sensibilisés aux cybermenaces que peuvent l'être les administrations et les entreprises, sont les premières cibles des pirates et des escrocs. Selon l'Agence nationale de la sécurité des systèmes l'information (ANSSI), l'hameçonnage (phishing) est en plein développement. «Il reste l'un des principaux vecteurs de la cybercriminalité. Ce type d'attaque vise à obtenir du destinataire d'un courriel d'apparence légitime qu'il transmette ses coordonnées bancaires ou ses identifiants de connexion à des services financiers, afin de lui dérober de l'argent», explicite l'agence. Mais les autres types de virus sont eux aussi en pleine expansion. Sur la seule année 2014, l'éditeur de logiciels antivirus Kaspersky Lab a bloqué 6,2 milliards d'attaques malveillantes (un milliard de plus qu'en 2013) sur des ordinateurs et, surtout, les appareils mobiles comme les smartphones, nouveau terrain de jeux des pirates. L'ANSSI comme la CNIL invitent à respecter des règles simples pour protéger ses données et mieux naviguer sur internet.
Les administrations
L'administration électronique en France n'est pas nouvelle puisqu'elle a été lancée en 1997 par Lionel Jospin avec le Programme d'action gouvernemental pour la société de l'information. Depuis, municipalités, offices de tourisme, départements, régions ont pris le train du numérique, TGV pour certains, TER pour d'autres. Chacun à son rythme a adopté le numérique pour sa simplicité et les nouveaux rapports aux citoyens : de la dématérialisation des procédures – celle des marchés publics par exemple – à la télétransmission d'actes vers l'État ou des entreprises ; de la mise en place de points d'accès public à internet à celle d'espaces publics numériques pour lutter contre la fracture numérique. La multiplication de données hébergées par ces services publics en fait des cibles de choix pour les pirates. Les élus s'organisent, s'associent aux spécialistes de la sécurité. À l'instar de l'association des maires ruraux, qui a lancé le pack Campagnol pour doter les petites communes d'un site web.
Les entreprises
«Les problématiques rencontrées par les petites et moyennes entreprises pour la sécurité de leurs systèmes d'information sont nombreuses : protection des fichiers clientèle, des données personnelles et du savoir-faire technologique, sécurité des systèmes de production… Or, les TPE/PME sont confrontées, chaque jour, à de nouveaux risques menaçant leur intégrité, leur image et leur compétitivité : vol de données, escroqueries financières, sabotage de sites d'e-commerce» énumère l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI). Avec l'expertise de terrain de la Commission Économie Numérique de la CGPME, l'Agence vient d'éditer le mois dernier un «Guide des bonnes pratiques de l'informatique» qui présente douze recommandations à destination des non-spécialistes, issues de l'analyse d'attaques réussies et de leurs causes. Bon choix des mots de passe, sauvegarde des données sensibles, mobilité, etc. Des conseils précieux pour les PME.
Midi-Pyrénées, troisième région d'Europe la plus espionnée
Midi-Pyrénées, terre emblématique de l'aéronautique mais aussi territoire d'accueil de nombreuses PME innovantes du numérique, est la 3e région d'Europe la plus espionnée. «Nous sommes toujours aussi vulnérables : récupérer des informations confidentielles sur les réseaux ou lancer des attaques d'envergure sur une infrastructure restent, aujourd'hui encore, facilement réalisables.
Ce sont nos entreprises, nos emplois, notre patrimoine informationnel qui sont menacés, nous devons réagir», s'exclame Jean-Nicolas Piotrowski, PDG de la société toulousaine ITrust, qui doit participer le 16 avril au Cyber@Hack de Toulouse pour parler cybercriminalité. ITrust, créé en 2007, est aujourd'hui un acteur majeur de la sécurité informatique avec IKare, un outil pour détecter les failles informatiques prisées par les pirates. ITrust amorce d'ailleurs son implantation aux États-Unis.