Accéder au contenu principal

Cybersécurité : l’Europe est devenue la cible privilégiée des hacktivistes alertent Orange Cyberdefense et Kaspersky

  Une véritable tempête cybernétique s’abat sur le Vieux Continent, avec une augmentation de 18 % des attaques par rapport à l’année précédente, selon la sixième enquête annuelle et internationale de référence en sécurité Security Navigator 2025, pilotée par Orange Cyberdefense. Les pays d’Europe les plus touchés sont l’Italie (19 %), l’Allemagne (19 %), la France (16 %), l’Espagne (13 %) et la Belgique (8 %). L’Europe est ainsi devenue la première cible mondiale des hacktivistes, en particulier ceux pro-russes. Par exemple, l’un des groupes d’hacktivistes prorusses les plus actifs a mené 6 600 attaques depuis début 2022, visant dans 96 % des cas des pays en Europe, selon le rapport. Evolution des tactiques employées Mais ce qui inquiète particulièrement les experts, c’est l’évolution des tactiques employées. Les hacktivistes ne se contentent plus de perturber des systèmes informatiques, ils mènent désormais des "attaques cognitives" visa...

Transformation numérique et émergence d'une cyber-mafia



Par Wieland Alge, VP et DG EMEA Barracuda Networks

Le cliché persistant du pirate informatique associable et portant un sweatshirt à capuche a conduit à sous-estimer les cybermenaces. Pourtant, il y a un fond de vérité : les cyberpirates des années 80, 90 et 2000 présentaient, certes d'excellentes compétences techniques, mais, en revanche, de faibles aptitudes criminelles. Ils étaient parfaitement capables de lancer des attaques mais il leur était quasiment impossible - car bien trop difficile - de les monnayer. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si on découvre souvent aujourd'hui des vols de données commis bien des années auparavant. Ils ne sont tout simplement pas parvenus à trouver rapidement des clients pour écouler leurs enregistrements. Et lorsqu'ils y sont parvenus, les autorités les ont facilement appréhendés – grâce à leur manque d'expérience criminelle - en retraçant les flux monétaires.

Les spammeurs ont été les premiers cyberdélinquants à véritablement pouvoir vivre de leur activité. Mais cela restait des débuts modestes. Au bout de quelques années, ils pouvaient peut-être s'acheter une voiture, sans toutefois être en mesure de s'offrir un yacht. En comparaison du niveau de menace actuel, les hackeurs des décennies passées font bien pâle figure.

Car les cybercriminels d'aujourd'hui ne font pas les choses à moitié. Les possibilités offertes par les modèles économiques numériques des organisations criminelles sont immenses. Tout comme les entreprises professionnelles, les organisations mafieuses se fixent des objectifs, élaborent des plans et des stratégies, et réfléchissent à l'optimisation de leurs processus opérationnels. Elles n'ont pas mis longtemps à découvrir que nombre de leurs processus pouvaient être parfaitement dématérialisés : blanchiment de capitaux, contrebande, espionnage, racket et extorsion de fonds, prise d'otages, vol, sabotage et bien sûr l'ensemble du marché noir, notamment le trafic de drogues et d'armes. Cette révolution numérique présente de nombreux avantages : disparition des contentieux territoriaux, élargissement des zones d'intervention, baisse de la pression répressive, recrutement de personnel local dans les régions offrant les conditions les plus avantageuses.

Les initiateurs de cette mutation numérique du crime organisé ne sont pas des spécialistes de l'informatique. Ils ne possèdent pas forcément un haut niveau de compréhension technique, mais ce sont des délinquants expérimentés. Pour mettre en œuvre leurs modèles économiques, ils mobilisent des légions d'informaticiens bien formés - aux perspectives de carrière restreintes dans les pays émergents et à bas salaires - en leur proposant d'emblée une rémunération permettant des conditions de vie agréables.

En outre, il est facile pour des criminels bien entourés d'acquérir sur le Darknet des logiciels de piratage préconfigurés : packages de menaces avancées, vulnérabilités Zero day ou encore programmes de pénétration dans les infrastructures informatiques. Tout est disponible et souvent guère plus difficile à utiliser qu'une application pour smartphones. Rappelons au passage qu'outre ces organisations criminelles, les États et les gouvernements figurent parmi les principaux acquéreurs de ce type d'outils.

Le ransomware Locky constitue l'illustration parfaite de la manière dont le crime organisé aborde la transformation numérique. Ce ransomware a toutefois bien peu de choses à voir avec un hack tel qu'il a pu être pratiqué par le passé par des collectifs de bénévoles comme Anonymous. Locky s'apparente plutôt à un lancement de produit savamment organisé. Une organisation basée sur la division du travail s'est occupée du marketing, de la commercialisation et de l'assistance technique. Ses inventeurs ont manifestement procédé à une minutieuse étude de marché. Dès les premiers jours, leurs mailings ont enregistré un taux de conversion incroyable de plusieurs dizaines de milliers de « clients ». Un tel succès aurait submergé la plupart des jeunes entreprises – mais pas les créateurs de Locky, dont l'identité demeure toujours mystérieuse. Ils se sont en effet parfaitement préparés à cette forte demande. Le service « commercial » a veillé à ce que des milliers de « clients » fassent usage de ce logiciel de chiffrement avant la mise en place des premières parades. Le département « Produits » de son côté n'a pas ménagé sa peine en matière d'ergonomie, de performance et de « sécurisation » du chiffrement. Le « marketing » a fait en sorte que même le FBI recommande aux intéressés de verser la rançon en échange du décryptage. Le « service clients » s'est, lui, assuré que chaque client ayant payé obtienne le bon code de déverrouillage. Le « support technique », pour sa part, s'est mobilisé lorsqu'un « client » a signalé un problème de décodage de ses données. Prodiguant leurs conseils par chat, les techniciens ont eu manifestement à cœur de satisfaire entièrement les « clients ». La « direction » a scrupuleusement veillé à ce que les clients n'ébruitent pas leurs problèmes sur les réseaux sociaux au risque de faire capoter le modèle économique mis au point. En d'autres termes, seule une poignée d'entreprises dans l'économie légale sont à même de réussir un lancement de produit aussi rigoureusement organisé.

À la différence du hackeur d'antan, la cyber-mafia sait précisément comment extorquer de l'argent à chaque internaute. Nul besoin d'un motif ou d'une occasion particulière. Il suffit d'être simplement présent. Autrefois, chaque commerçant de quartier devait s'acquitter de la « taxe de protection » au coin de la rue. Il pourrait se produire un phénomène similaire sur Internet.

Ce n'est pas seulement au racket que le crime organisé a fait prendre le tournant du numérique, mais à toutes les activités criminelles qu'il pratique avec succès dans le monde réel. Ainsi, les devises au cœur de la technologie blockchain facilitent grandement le blanchiment des capitaux. La prochaine étape de cette transformation s'observe actuellement dans le domaine du sabotage. De plus en plus d'organisations criminelles – probablement en partie soutenues et contrôlées par des États – seraient en mesure de paralyser des infrastructures régaliennes comme les réseaux de distribution d'électricité ou de télécommunications en menant des attaques par déni de service distribué d'une ampleur inimaginable. La quasi-totalité d'entre elles prendra le train du numérique au cours des prochaines années.

Jusqu'à encore quelques années, les PME étaient souvent épargnées par ces attaques sophistiquées. Aujourd'hui, le coût marginal d'une attaque personnalisée pour le crime organisé est insignifiant puisqu'elles se comptent par dizaines de milliers chaque jour. Tout le monde peut être une cible, le crime organisé n'a plus besoin de choisir qui il va dépouiller.

Pour lutter contre ce fléau, les organisations et les entreprises doivent rattraper leur retard en termes de transformation numérique et de sécurisation. Il est urgent d'adopter une approche de type « Security by Design ». Autrement dit, les mesures et systèmes de sécurité essentiels doivent être envisagés dès la phase d'étude et de conception, et non pas une fois le produit finalisé ou la faille déclarée. Les possibilités d'attaque se révèlent alors très limitées, les coûts pour les assaillants extrêmement élevés et leurs chances de réussite plutôt faibles.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté...

Quelle technologie choisir pour connecter les objets ?

Par Frédéric Salles, Président et co-fondateur de Matooma   En 2021, le nombre total d'objets connectés utilisés atteindra les 25 milliards selon Gartner. Il est ainsi légitime de se demander quelles sont les technologies principales permettant de connecter les objets, et quelle pourrait être celle la plus adaptée pour sa solution. Un projet de vidéosurveillance par exemple n'aura absolument pas les mêmes besoins qu'un projet basé sur le relevé de température au milieu du désert. Ainsi pour trouver la meilleure connectivité pour son objet, de nombreuses questions peuvent se poser : mon objet fonctionne-t-il sur batterie ou est-il alimenté ? Mon objet restera-t-il statique ou sera-t-il mobile ?  Mon objet est-il susceptible d'être dans un endroit difficile d'accès ou enterré ? A quelle fréquence mes données doivent-elles remonter ? Etc. Voici les différentes solutions actuellement disponibles sur le marché. Courte distance : RFID/Bluetooth/WiFi La RFID (Ra...

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est poss...

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl...

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance lo...

Deepfakes, vidéos truquées, n’en croyez ni vos yeux ni vos oreilles !

Par  Divina Frau-Meigs , Auteurs historiques The Conversation France Les spécialistes en fact-checking et en éducation aux médias pensaient avoir trouvé les moyens de lutter contre les « deepfakes » , ou hypertrucages , ces manipulations de vidéos fondées sur l’intelligence artificielle, avec des outils de vérification comme Invid-Werify et le travail des compétences d’analyse d’images (littératie visuelle), avec des programmes comme Youverify.eu . Mais quelques cas récents montrent qu’une nouvelle forme de cyberattaque vient de s’ajouter à la panoplie des acteurs de la désinformation, le deepfake audio. Aux États-Unis, en janvier 2024, un robocall généré par une intelligence artificielle et prétendant être la voix de Joe Biden a touché les habitants du New Hampshire, les exhortant à ne pas voter, et ce, quelques jours avant les primaires démocrates dans cet État. Derrière l’attaque, Steve Kramer, un consultant travaillant pour un adversaire de Biden, Dean ...