Jamais VivaTech n’avait autant misé sur l’intelligence artificielle : plus de 40 % des exposants présentaient cette année des solutions fondées sur des technologies d’IA, qu’elles soient génératives, prédictives, embarquées ou souveraines. L’AI Avenue, animée notamment par Salesforce, a vu défiler une foule dense autour des démonstrations de startups comme Buddyo, Vrai AI ou Next. Plusieurs annonces ont également rythmé ces quatre jours, à commencer par la création de “Mistral Compute” – une nouvelle infrastructure européenne de calcul IA lancée en partenariat entre NVIDIA et Mistral AI. Pour la première fois, le GTC Paris – grand-messe technologique de NVIDIA – s’est tenu dans le cadre de VivaTech, symbolisant la convergence des écosystèmes. Un carrefour mondial d’entrepreneuriat Avec plus de 14 000 jeunes pousses venues de 120 pays et 50 pavillons nationaux, VivaTech s’est imposé comme le cœur battant du capital-risque européen. Les investisseurs les plus influents (Accel, Sequo...
Par Thierry de Vulpillières, cofondateur de la start-up EvidenceB et ancien directeur des Partenariats Education Microsoft
Les GAFAM n'ont pas de vision de l’éducation, ni du rôle que le numérique pourrait y apporter. Le lobbying qu’ils y consacrent est exclusivement orienté à partir de leurs offres : en quoi les produits et services qu'ils développent pourraient servir des projets utiles à l'éducation ? Jusque-là, rien de grave.
Néanmoins, les investissements colossaux consentis en lobbying pour prouver que leurs produits et services sont la clé de l’éducation peuvent avoir un effet dévastateur sur l'éducation. Imaginez avoir à votre disposition une kyrielle de responsables des affaires publiques disponibles pour arpenter les cabinets des ministères, de l'OCDE ou encore de Bruxelles, pour expliquer que les soft skills, l’apprentissage du code, les « compétences du 21e siècle » ou encore les plans tablettes et maintenant l’accès au cloud sont le sésame de l’éducation.
Imaginez être en mesure de payer des recherches de laboratoires publiques sur les vertus du social learning – quand vous développez des réseaux sociaux – ou sur celles de l’apprentissage collaboratif – quand vous vendez des outils de collaboration.
Le premier effet négatif des GAFAM est de détourner les objectifs que se donnent les politiques éducatives. Ils ne nourrissent pas un discours faux, ils contribuent à créer un effet de sidération qui occultent les priorités des politiques éducatives. Apprendre à coder dans un monde numérique est louable et présente de nombreux intérêts, dont celui d'avoir pléthores de codeur pour baisser la pression aux salaires pour les entreprises informatiques… Néanmoins, cela ne doit pas forcément se faire au détriment de l’enseignement de l'histoire. Là où l'UNESCO alerte sur des objectifs autour de la maitrise de la literacy / numeracy (lire, écrire, compter), là où les enquêtes internationales (PISA, Pirls, Timss…) mesurent encore ces compétences structurelles, là même où le besoin de data scientistes passe par une grande maîtrise des mathématiques, personne n’investit des millions de dollars pour renforcer l'apprentissage de l'histoire, des littératures ou même des mathématiques. De même, il est surprenant que les discours récents sur l’importance de l’éducation dans les plans français concernant l’intelligence artificielle semblent s'en tenir à un objectif de former parmi les meilleurs chercheurs au monde, sans s’interroger pourquoi ces mêmes chercheurs signent leur contrat chez les GAFAM.
- Leçon 1 : Il ne sert à rien d’écouter les GAFAM sur la conduite de l'éducation.
- Leçon 2 : Leur puissance financière de détournement doit inviter à une prudence critique, à mesure qu’ils interfèrent avec ces organismes internationaux.
- Leçon 3 : En ces temps de marketing de la « responsabilité sociale » des entreprises, il faut bien garder à l'esprit que le but des GAFAM restera de développer les produits les plus excellents, générant les profits les plus abondants. L’excellence des systèmes éducatifs ou la promesse de mobilité et de réussite pour tous qu'ils portent ne constitue pas leur objectif – ce sont des entreprises multi-secteurs. Là encore, il convient de ne pas se laisser abuser par la récupération marketing des « AI for Humanity » ou « Tech for Good ». Non, le rôle des GAFAM n’est pas de travailler pour le « bien » ou pour « l’humanité » : c’est un peu trop ambitieux et un peu trop mensonger.
- Leçon 4 : Ces mouvements autour de l’éthique de la donnée, les avancées du RGPD ou les codes de bonne conduite sont malheureusement des dispositifs bien faibles, dès lors qu'une entreprise détient une quantité considérable de données sur ses utilisateurs. Aussi strict requerra-t-on le cloisonnement des données, aussi vaines seront ces mesures. Il convient, particulièrement dans l'éducation, de limiter enfin l’omniprésence croissante de ces acteurs dans l’authentification et le suivi des élèves : la connaissance qu'ils acquièrent de chacun des élèves ne sera pas contrôlable.
C'est bien un écosystème d’entreprises européennes, dédiées à l'EdTech, qui permettra à la fois de renforcer le travail des enseignants pour la réussite de chaque élève, sans risquer de voir détourner gravement les objectifs des systèmes éducatifs.