Accéder au contenu principal

Deepfake, décryptage d’une arnaque

Par Thomas Mannierre, Directeur EMEA Sud de BeyondTrust L’IA a fait entrer les braquages dans une nouvelle dimension. Plus besoin d’une cagoule noire désormais. En améliorant les attaques d'ingénierie sociale modernes, l’IA a donné naissance à un autre type de menaces : les deepfakes. Bienvenue dans ce qui pourrait être un épisode de Black Mirror ! Le faux CFO de Hong Kong En début d’année, une entreprise à Hong Kong s’est vue escroquée de 25,6 millions de dollars par un hacker utilisant l’IA et la technologie deepfake pour usurper l’identité d’un directeur financier. Si l'on en croit les rapports d’enquête, l'attaque a simulé un environnement de vidéoconférence complet et utilisé une fausse identité d'un important directeur financier de Hong Kong et d'autres participants à la réunion. La victime ciblée du département financier s'est d'abord méfiée d'un e-mail de phishing prétendant provenir du directeur financier. Cependant, la victime a rejoint une con

Lutte contre la fraude : l’IA n’est pas encore une réalité

ia


 Par Adrien Basso-Blandin, Lead Data-Scientist chez Finexkap

Alors que l’intelligence artificielle continue à faire couler beaucoup d’encre, ses applications concrètes en termes de lutte contre la fraude restent pour le moment limitées au sein des entreprises. Pour franchir le pas technologique, c’est sur l’expérience client que la bataille se jouera.

En 2018, une entreprise sur cinq a été visée par plus de dix tentatives de fraude, contre seulement une sur dix l’année précédente. C’est ce qu’a révélé l’une des dernières enquêtes d’Euler Hermes, acteur référent de l’assurance-crédit. Qu’elle soit due à un manque de sécurité dans les systèmes d’information ou à de la manipulation des clients, la fraude ne cesse de prendre de l’ampleur et pénalise durement les entreprises de tout secteur. Un phénomène encore renforcé par le boom du e-commerce et de l’achat en ligne, terrain propice notamment aux escroqueries aux moyens de paiement.

Pourtant, l’enquête pointe du doigt que seules quatre entreprises sur dix ont alloué un budget spécifique pour faire face à ce risque de fraude et de cybercriminalité. Qui plus est, les entreprises prenant à bras le corps le problème utilisent encore majoritairement des approches algorithmiques anciennes, avec des systèmes de scoring, de monitoring ou d’analyse financière qui ont certes su faire leurs preuves mais qui ne reflètent pas forcément l’évolution de l’état de l’art. A l’heure où les possibilités offertes par les nouvelles technologies, et en particulier l’intelligence artificielle, ne cessent de s’ouvrir, la réalité au cœur des entreprises est encore toute autre.

Faire le virage de la data, un pari pas si simple

Certes, comparées aux méthodes traditionnelles, les applications issues de l’intelligence artificielle permettent d’améliorer considérablement le temps de détection et le périmètre de contrôle de la fraude, mais aussi de diminuer les frictions dans le parcours utilisateur. Cependant, qui dit IA, dit traitement de la data. Et c’est là où le bât blesse, principalement. En effet, avant même de penser à implémenter de l’IA dans ses systèmes, il s’agit pour les entreprises de se constituer des bases de données saines et structurées. Un prérequis qui découle d’un travail absolument titanesque de traitement, d’analyse et de structuration, coûteux en temps, en argent mais aussi en compétences. Car même si une appétence pour ces nouveaux métiers se fait sentir chez les jeunes talents, dont témoigne l’explosion du nombre de formations spécialisées en Data Science., les experts « data » restent encore une denrée rare, loin d’être à la portée de toutes les entreprises.

Ce travail de la donnée représente donc un vrai coût d’opportunité pour des sociétés encore trop peu « data driven ». Un coût qu’elles estiment bien souvent trop élevé. Cette situation explique pourquoi aujourd’hui les entreprises possédant des masses conséquentes de data ont rarement entamé le virage nécessaire à leur traitement. Et même si ces dernières tentent de se faire accompagner, elles se retrouvent là encore face à un blocage : le manque de solutions adéquates proposées par les prestataires du secteur, positionnés soit dans l’ultra-spécialisation, soit dans la globalisation à l’image d’un IBM à la compétence technologique de pointe mais qui reste trop éloigné de problématiques métiers précises.

Vers une plus grande démocratisation des outils

Tout n’est pas pour autant perdu, loin de là. Après tout, en prenant un peu de recul sur le cours de l’histoire, les entreprises ont déjà su faire un bond technologique gigantesque en moins de 20 ans. Pour que l’IA devienne maintenant une réalité dans leur lutte quotidienne contre la fraude, une étape indispensable est celle de la pédagogie face à des technologies qui ne sont aujourd’hui comprises que par des cercles restreints d’experts de la data. A titre d’exemple, seules 18% des entreprises utilisent aujourd’hui des techniques de « text mining »[Rapport de l’ACFE “Anti-fraud technology : benchmarking report” - 2019], appartenant au domaine de l’intelligence artificielle, comme les technologies d’OCR (reconnaissance optique de caractères) et de recherche sémantique. Et ce, en raison d’une méconnaissance des outils disponibles qui perpétuent le travail humain sur des tâches chronophages et à faible valeur ajoutée. Face à une telle marge de progression, on ne peut qu’espérer une accélération de la démocratisation de ces méthodes dans les années à venir.

Les prestataires de services ont tous leur rôle à jouer dans ce processus de compréhension et de mise à disposition des technologies. Déjà, des acteurs comme Ingenico ou Paypal proposent aux petits e-commerçants des outils de détection de fraude clé en main. Pour convaincre les entreprises et rendre ces technologies attractives, la bataille va désormais se jouer autour de l’expérience client, notamment lors de l’onboarding, et la proposition de services à valeur ajoutée. Car ce que les entreprises cherchent, au-delà de la seule quantification de leur seuil de fraude, c’est la valeur à tirer de la connaissance de la donnée en termes d’opportunités commerciales et d’augmentation du chiffre d’affaires. Car in fine, c’est là le but à la fin de la journée.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl

Des conseils d'administration inquiets et mal préparés face à la menace cyber

Alors que les Assises de la Sécurité ouvrent leurs portes ce mercredi 11 octobre, pour trois jours de réflexion sur l’état de la cybersécurité en France, la société de cybersécurité Proofpoint f ait le point sur le niveau de préparation des organisations face à l’avancée de la menace.  Cette année encore, les résultats montrent que la menace cyber reste omniprésente en France et de plus en plus sophistiquée. Si les organisations en ont bien conscience,  augmentant leur budget et leurs compétences en interne pour y faire face, la grande majorité d’entre elles ne se sont pour autant, pas suffisamment préparées pour l’affronter réellement, estime Proofpoint. En France, 80 % des membres de conseils d’administration interrogés estiment que leur organisation court un risque de cyberattaque d’envergure, contre 78 % en 2022 – 36 % d’entre eux jugent même ce risque très probable. Et si 92 % d’entre eux pensent que leur budget lié à la cybersécurité augmentera au cours des 12 prochains mois, ces

L’Europe veut s’armer contre la cybercriminalité avec le Cyber Resilience Act

  Par  Patricia Mouy , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Sébastien Bardin , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) Assez des cyberattaques  ? La loi sur la cyberrésilience, ou Cyber Resilience Act a été adoptée par les députés européens le 12 mars dernier et arrive en application dans les mois à venir, avec l’ambition de changer la donne en termes de sécurité des systèmes numériques en Europe. Alors que les systèmes numériques sont littéralement au cœur des sociétés modernes, leurs potentielles faiblesses face aux attaques informatiques deviennent des sources de risques majeurs – vol de données privées, espionnage entre états ou encore guerre économique. Citons par exemple le cas de Mirai , attaque à grande échelle en 2016, utilisant le détournement de dispositifs grand public comme des caméras connectées pour surcharger des domaines Internet d’entreprise, attaque de type DDoS (déni de service distribué)