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Téléphone, mail, notifications… : comment le cerveau réagit-il aux distractions numériques ?

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La pandémie de Covid-19 a renforcé l’hégémonie des plates-formes numériques globales


Disney Plus, le nouveau service de streaming vidéo de Disney a atteint plus de 50 millions d’abonnés début avril. Ivan Marc / Shutterstock

Par Antonios Vlassis, Université de Liège

La pandémie mondiale affecte le fonctionnement des industries culturelles et les flux mondiaux du contenu culturel numérique.

Prenant comme cas d’analyse les plates-formes numériques et leur place dans les écosystèmes de l’audiovisuel et de la musique, nous pourrions constater que même si l’univers des nouvelles plates-formes affiche des opportunités majeures – telles que des gammes de biens culturels abondantes et abordables et une accessibilité accrue des contenus sur le web – le contexte actuel amplifie des dynamiques de concentration du secteur culturel due à l’action omniprésente de certaines plates-formes en ligne (Netflix, Disney Plus, Spotify ou YouTube Music entre autres).

Ces dernières ont acquis une longueur d’avance sur leurs concurrents en matière de positionnement sur des marchés numériques en forte croissance. Par ailleurs, l’action omniprésente des plates-formes numériques américaines crée un fort contraste avec la politique étrangère de l’administration Trump qui se veut de plus en plus unilatéraliste et nationaliste.

Une vague de nouveaux abonnements

Selon le rapport trimestriel de Netflix, dans les trois premiers mois de 2020, la firme multinationale basée en Californie a cumulé 15,77 millions de nouveaux abonnés payants à travers le monde (+9,4 %) contre une prévision de 7 millions. Durant le grand confinement, la plupart des nouveaux abonnés étaient issus du marché international.

Aujourd’hui, Netflix totalise 182,9 millions d’abonnés, mais sa domination est mise à l’épreuve par Disney Plus, le nouveau service de streaming vidéo de Disney, lancé en novembre 2019 aux États-Unis, au Canada et aux Pays-Bas.

Début avril, Disney Plus a atteint plus de 50 millions d’abonnés contre 28,6 millions d’abonnés payants le 3 février. Il est clair que Disney Plus est aussi un bénéficiaire majeur du changement de consommation culturelle et de l’augmentation des heures de streaming à domicile à la suite de la pandémie de Covid-19. Notons que Disney Plus avait initialement fixé un objectif de 60 à 90 millions d’abonnés d’ici la fin de 2024.

Répartition du nombre d’utilisateurs actifs mensuels (MAU’s) de Spotify par zone géographique au premier trimestre 2020. Communiqué de presse Spotify

De son côté, Spotify a atteint 130 millions d’abonnés payants au premier trimestre de 2020 soit une augmentation de 6 millions d’abonnés soit une hausse de 31 %, supérieur aux prévisions initiales.

En outre, le nombre total d’utilisateurs actifs mensuels (MAU) de Spotify a augmenté de 31 % pour atteindre 286 millions, cumulant ainsi trois trimestres consécutifs de croissance supérieure à 30 %. Les régions de l’Amérique latine et du reste du monde continuent de connaître la croissance la plus rapide, ces segments progressant respectivement de 36 % et 65 %.

Enfin, en avril 2020, Apple a rendu Apple Music disponible dans 52 pays supplémentaires – notamment en Afrique, en Amérique latine et dans les Caraïbes – offrant un essai du service gratuit pendant six mois.

Alors que durant la période du confinement, il n’y a pas de données concrètes sur YouTube Music, il est révélateur qu’au cours du premier trimestre de 2020, les revenus publicitaires de YouTube soient passés de 3,02 milliards dollars US à 4,03 milliards dollars US, en hausse de 25 % par rapport au même trimestre de l’année dernière.

YouTube représente ainsi plus de 10 % des revenus globaux de Google, ce qui illustre à quel point la plate-forme vidéo est devenue indispensable pour la société de San José.

Soft power et diplomatie

La diplomatie publique est un élément clé de la stratégie de ces acteurs numériques dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Alors que récemment, dans plusieurs pays, les appels à mettre en œuvre des politiques de contenu local et des mesures fiscales destinées aux acteurs numériques se multiplient, la stratégie de diplomatie publique cherche à promouvoir une image bienveillante de ces acteurs mondiaux.

Il s’agit ainsi de susciter un mouvement d’opinion favorable à leurs priorités de la part des régulateurs publics, des organismes de l’industrie numérique et des professionnels de la culture.

Dans le contexte du grand confinement, en mars 2020, Netflix a mis en place un fonds de 100 millions de dollars US pour aider à surmonter les difficultés dans les industries culturelles.

Dans les efforts de la société californienne de consolider sa place de l’acteur incontournable dans les secteurs culturels, ce fonds comprend des dons de 1 million de dollars US chacun destinés à de nombreuses associations aux États-Unis et au Canada, mais aussi à un grand nombre d’organisations publiques telles que le British Film Institute, la Commission du film italien, l’Institut brésilien du contenu audiovisuel, l’Académie mexicaine des arts et des sciences cinématographiques, l’Instituto de la Cinematografía y de las Artes Audiovisuales, l’Acción Cultural et la Film Academy en Espagne, ainsi que le Netherlands Film Fund.

Dans la même veine, Amazon Studios a fourni 1 million de dollars US à l’équipe de restauration du groupe de restaurants Jon & Vinny pour préparer et livrer des repas à des associations, dont le Motion Picture & Television Fund.

Par ailleurs, en avril 2020, Spotify a introduit une nouvelle fonction permettant aux artistes de recevoir de l’argent de la part des fans ou de faire un don à un organisme de charité. Le 25 mars, Spotify a également lancé le projet Spotify Covid-19 Music Relief. Dans ce cadre, Spotify s’est associé à des organisations, qui offrent un soulagement financier à la communauté créative à travers le monde. La contribution totale de Spotify s’élève à 10 millions de dollars US.

Capture d’écran du site Spotify Covid-19 Music Relief permettant de faire des dons. Site web

Les plates-formes visent aussi à développer une stratégie du patrimoine cinématographique. En avril 2020, Netflix a établi un nouveau partenariat avec MK2 Films, la société de vente et de distribution cinématographique basée à Paris. Il couvrira un catalogue de 50 films réalisés par François Truffaut, David Lynch, Michael Haneke, Xavier Dolan, Charlie Chaplin, etc.

À la suite de sa stratégie d’exploitation des œuvres du patrimoine cinématographique, en janvier 2020, Netflix a acquis les droits exclusifs de diffusion en streaming du catalogue complet de films de la maison d’animation japonaise, y compris les films d’animation de Hayao Miyazaki.

Concurrence imparfaite

Pour finir, malgré leur concurrence, les plates-formes en ligne globales sont reliées par une forte interdépendance stratégique bénéficiant d’avantages technologiques, d’une large base de consommateurs, d’économies d’échelle, de stratégies de diplomatie publique, d’une forte capitalisation boursière, ainsi que d’un cadre normatif fondé largement sur l’autorégulation.

Dans ce contexte, comme l’a montré la réforme récente de la directive européenne sur les services médias audiovisuels (SMA), les autorités publiques sont face à un enjeu majeur : garantir l’ouverture des marchés numériques aux contenus culturels transnationaux d’une part, et, d’autre part, impliquer les grandes plates-formes en ligne dans le financement, la visibilité et la découvrabilité des contenus culturels locaux, nationaux ou régionaux.

Cependant, à la lumière de la pandémie de Covid-19, la forte asymétrie d’accès aux données reste cruciale. Les plates-formes globales traitent d’une énorme quantité de données, qui échappe largement aux instituts de statistique culturelle, aux chercheurs et décideurs politiques.

L’accès restreint aux données sur l’offre et la consommation soulève des questions majeures en matière de transparence, de mise en place de conditions de concurrence équitable dans le marché, ainsi que de définition des politiques appropriées visant à améliorer les conditions économiques et sociales des créateurs et promouvoir la diversité des expressions culturelles dans un contexte changeant.The Conversation

Antonios Vlassis, Senior Researcher-Lecturer, Center for International Relations Studies (CEFIR)/Department of Political Science, Université de LiègeCet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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