Depuis le référendum sur le Brexit au Royaume-Uni en 2016, l’élection de Donald Trump à la présidentielle américaine en novembre de la même année ou l’élection de Jair Bolsonaro au Brésil en 2018, l’on sait combien les publicités politiques ciblées, qui circulent sur les réseaux sociaux, et notamment Facebook et sa filiale WhatsApp, peuvent être ravageuses et bouleverser un scrutin, notamment lorsqu’elles sont mensongères.
L’Union européenne s’est très tôt intéressée à ces publicités politiques dans le cadre de sa lutte contre la désinformation. Un code de bonnes pratiques a été établi en 2018 pour les plateformes en ligne, les annonceurs et les autres acteurs clés pour lutter contre la désinformation en général. La Commission européenne a renforcé ce code de bonnes pratiques, notamment à l’approche des élections européennes de 2019. Facebook, Google et Twitter s’étaient ainsi engagés pour accroître la transparence en étiquetant les publicités politiques, en rendant accessibles au public des bibliothèques de publicités politiques (Ad Libraries) et en s’engageant dans des opérations de vérification des faits (fact checking).
Nouveau projet de réglementation de la Commission européenne
Des avancées encore insuffisantes, les publicités politiques continuant à pulluler comme on vient encore de le voir pour les récentes législatives au Canada. La Commission européenne veut aller plus loin avec, d’ici fin de 2021, un code de bonnes pratiques renforcé et une proposition législative sur la transparence de la publicité politique. Les GAFAM pourraient ainsi être obligés de fournir des données détaillées sur la manière dont les groupes politiques peuvent cibler des catégories d’électeurs bien déterminées via des publicités en ligne très précises.
Sans surprise, le projet de la Commission, qui devrait être présenté officiellement le 23 novembre prochain, a suscité une levée de boucliers des géants du web qui estiment que ces règles sont trop contraignantes pour leurs activités. La Commission n’a pourtant pas opté pour une interdiction des publicités politiques mais une régulation et donc des sanctions en cas d’infractions.
« En absence de lois précises sur la transparence, la seule façon de mettre les plateformes face à leurs responsabilités et se protéger de la publicité politique malveillante est d’aider la recherche en installant des outils comme AdAnalyst (qui permettent de repérer les publicités) », expliquait en juin dernier Oana Goga, chargée de recherches au CNRS, au Laboratoire d’informatique de Grenoble (CNRS/Univ. Grenoble-Alpes) qui a étudié le mécanisme des publicités politiques.
Forcer les géants du web à plus de transparence
« Nos mesures ont montré que les publicitaires peuvent sélectionner parmi plus de 250 000 attributs, dont beaucoup sont très spécifiques et parfois sensibles tels que l’intérêt dans les mouvements anti-avortement ou la conscience du cancer », indiquait la chercheuse pour montrer la puissance des outils de ciblage publicitaire mais aussi combien les règles prises par les GAFAM sont souvent contournées (une publicité politique étant déclarée comme normale).
Sous l’égide de l’EPD (Partenariat européen pour la démocratie), une trentaine d’organismes de la société civile a demandé la mise en place de mesures pour parvenir à une transparence publicitaire universelle par défaut. On en est encore loin…