Le « métavers » sera-t-il une nouvelle étape révolutionnaire ou un mirage sur internet ? Depuis que Mark Zuckerberg, le patron de Facebook a annoncé l’an dernier vouloir tout miser sur ce concept de monde virtuel imaginé en 1992 par l’écrivain Neal Stephenson – au point de rebaptiser Facebook en Meta – le métavers, contraction de meta et d’univers, ne cesse d’agiter la Silicon Valley et au-delà.
Un fashion week virtuelle
Car si Zuckerberg, fort de ses quelque 3 milliards d’utilisateurs, rêve d’un espace à sa main tout entier dévolu aux échanges et à la consommation – une sorte de Facebook dans lequel on s’immergerait en chaussant des lunettes de réalité virtuelle – il aura de la concurrence. Baidu, la multinationale équivalente de Google en Chine, a ainsi lancé Xi Rang (Terre d’espoir).
Decentraland, créé en 2015 par les argentins Ari Meilich et Esteban Ordanoun dispose de sa propre monnaie virtuelle (la cryptomonnaie Mana) et se prépare à héberger sa première Fashion Week virtuelle en mars prochain. Et lors du CES 2022, le plus grand salon de l’électronique grand public qui s’est achevé la semaine dernière à Las Vegas, le géant Samsung a dévoilé son univers virtuel, Samsung 837X, un immeuble de trois étages dans Décentraland pour présenter ses nouveaux produits.
Reste que si l’enthousiasme des géants de l’internet et des marques est lui bien réel, il restera à convaincre les internautes de basculer dans ces univers en faisant œuvre de pédagogie.
35 % des Français seulement savent de quoi il s'agit...
Selon un sondage Ifop pour Talan paru jeudi seulement 35 % des Français déclarent voir de quoi il s’agit, dont 14 % « précisément ». « Les plus jeunes montrent ainsi une meilleure connaissance du sujet (42 % des 18-24 ans voient ce que sont les métavers, contre 28 % des 65 ans et plus), tout comme les catégories socio-professionnelles supérieures (59 % des diplômés du supérieur contre 27 % des personnes sans diplômes). Ces deux fractures, générationnelle et sociale, se manifestent d’ailleurs également dans les représentations associées aux métavers et dans les potentiels usages », explique Frédéric Dabi, directeur général Opinion de l’Ifop.
Les usages perçus des métavers restent principalement centrés autour du divertissement, les Français ne percevant pas encore la diversité des débouchés proposés par les métavers, 21 % les jugeant même inutiles. 8 % seulement envisagent de créer son double numérique et une nette minorité de Français se dit prête à investir de son argent dans des biens et services numériques…
... et 75 % sont inquiets
Le concept en lui-même n’est pas rassurant : les métavers suscitent la crainte d’une nette majorité de Français (75 %), même au sein des catégories de population les plus en pointe sur le sujet (49 % des 18-24 ans sont craintifs). En conséquence, 50 % des personnes ayant des craintes vis-à-vis des métavers sont favorables à une législation (contre 39 % de ceux qui n’ont pas de crainte). Les Français semblent de plus avoir conscience des limites de la virtualisation de nos activités : huit sur dix estiment qu’un monde virtuel ne permettrait pas de réduire les émissions de carbone du monde réel, ce que vantent leurs promoteurs des métavers.
Le défi pour Facebook et les autres sera donc de convaincre le grand public de l’utilité des métavers, de leur sécurité et de leur accès abordable pour tous, et pour les Etats de garantir un cadre précis. On n’en est qu’aux débuts.
(Article paru dans La Dépêche du Dimanche du 16 janvier 2022)