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Le bitcoin : une « valeur refuge » peut-elle être virtuelle ?

  Les fortes variations du cours du bitcoin sont-ils le signe de sa folle jeunesse ? Shutterstock Oatawa Par  Hervé Alexandre , Université Paris Dauphine – PSL Pour quelles raisons le cours de l’or et celui du bitcoin se sont-ils envolés au mois de février 2024 ? Faut-il voir dans cette concordance davantage qu’un hasard, l’un devenant après l’autre une valeur refuge prisée des particuliers et bientôt des institutionnels comme semblait l’indiquer la chroniqueuse économique de France Infos ? Avant de tenter d’apporter quelques éléments de réponse à cette question, rappelons que, de manière générale, notre monde se numérise inexorablement. À part quelques nostalgiques et autres collectionneurs, nous n’achetons plus de disque en vinyle ni de CD. Nous téléchargeons des morceaux de musique, quand nous ne les écoutons pas tout simplement en streaming . Dans ce dernier cas, moyennant le paiement d’un abonnement, nous pouvons écouter un morceau sans

La digitalisation de la presse écrite : quelles conséquences sur l’expérience des lecteurs ?

 

presse


Arnaud Rivière, Université de Tours et Mencarelli Rémi, Université Savoie Mont Blanc

Selon la dernière étude de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) publiée en octobre 2021, plus de 96 % des Français lisent chaque mois au moins une marque de presse. Ce chiffre rappelle la place centrale que la presse écrite occupe dans le quotidien des Français. Toutefois, au-delà de cet intérêt non démenti, les comportements de lecture sont devenus plus complexes et erratiques au cours des dernières années dans un contexte de digitalisation croissante.

Pour faire face à une fragmentation des comportements de lecture couplée à une baisse des revenus publicitaires et des ventes au numéro, les acteurs de la presse écrite – en France comme à l’étranger – sont en perpétuelle transformation et à la recherche de modèles économiques soutenables. Ainsi, si quelques rares acteurs ont décidé d’investir a minima Internet (à l’image du Canard enchaîné), d’autres ont décidé de basculer l’ensemble de leur offre en version numérique (tels que France Soir, The Independent au Royaume-Uni, La Presse au Canada, etc.).

Entre ces deux stratégies radicales, la plupart des grands opérateurs historiques sur le marché de la presse écrite – qu’il s’agisse du Figaro, de Libération ou du Monde en France ; du New York Times, du Times ou de Der Spiegel à l’étranger – proposent une multiplicité de contenus (versions print et digital, foisonnement de contenus éditoriaux prenant la forme de vidéos, podcasts, évènements live, etc.) accessibles via de nombreux supports ou devices (ordinateur, mobile, tablette, site, application, etc.).

Mais, dans cet environnement fortement digitalisé où les contenus et les accès se multiplient, comment se comporte le lecteur ? Cet écosystème numérique permet-il, finalement, d’améliorer l’expérience de lecture ? Le lecteur circule-t-il de manière aisée entre ces différentes offres qui lui sont présentées comme complémentaires ? Et dans ce contexte, comment les acteurs de la presse peuvent-ils assurer la fluidité de l’expérience de leurs lecteurs ?

« Effet millefeuille »

Deux articles scientifiques que nous avons publiés récemment, s’appuyant sur des enquêtes réalisées auprès du panel propriétaire de 5 400 lecteurs du journal Le Monde, apportent des éléments de réponses sur la manière dont les lecteurs perçoivent l’écosystème numérique qui leur est proposé. Plus précisément, les modèles actuels invitent les acteurs de la presse à déployer une variété de contenus et d’accès, supposant l’existence d’un effet de synergie c’est-à-dire des bénéfices clairs et distincts associés à chaque contenu et à chaque device qui permet de proposer des offres complémentaires.

Or, les principaux résultats des enquêtes viennent remettre en cause ce principe de complémentarité. Tout d’abord, il n’existe pas d’effet de complémentarité entre l’offre print et l’offre digitale du titre de presse alors que cet effet est régulièrement souligné compte tenu des bénéfices spécifiques de chacune des offres (fonctionnalités et contenus différents). Les études réalisées montrent que les lecteurs « mixtes » (consommant à la fois l’offre print et digitale) ne valorisent pas davantage le journal que les lecteurs « exclusifs » (consommant soit l’offre print, soit l’offre digitale).

Ensuite, pour les lecteurs « mixtes », si la multiplication des supports d’accès (ordinateur fixe ou portable, smartphone, tablette) a renforcé l’attractivité de l’offre digitale, elle a contribué parallèlement à diminuer l’attrait de l’offre print.

Enfin, les lecteurs ne perçoivent pas systématiquement de synergies entre les différents supports proposés pour accéder à l’offre. Plus exactement, un device mobile (smartphone ou tablette) pourra être source de création de valeur pour le lecteur par contraste avec un device non ou faiblement mobile (ordinateurs fixes ou portables) compte tenu de caractéristiques sensiblement différentes (taille, portabilité, ubiquité, etc.).

A contrario, les lecteurs ne perçoivent pas d’intérêt à l’utilisation conjointe de supports aux caractéristiques similaires – tels que le smartphone et la tablette – pour accéder au titre de presse. Ces devices sont perçus comme redondants, générant alors de la complexité et un moindre intérêt pour l’offre. Dans les environnements numériques, c’est ce que certains chercheurs ont appelé « l’effet millefeuille ».

Améliorer la gestion de l’expérience du lecteur

Les résultats obtenus à la suite de ces enquêtes invitent donc les acteurs de la presse écrite à penser leur stratégie en adoptant une vision centrée sur l’expérience du lecteur plutôt que de favoriser des stratégies de démultiplication massive des contenus et des accès.

Dans le contexte de la presse écrite, les résultats obtenus conduisent tout d’abord à rappeler qu’il existe une variété d’expériences que les acteurs du secteur doivent prendre en compte et piloter. En effet, l’émergence d’un écosystème couplant offre print et offre digitale a conduit à accroître l’intérêt porté aux lecteurs mixtes. Il convient toutefois de ne pas ignorer les lecteurs exclusifs (digitaux ou print) qui valorisent très fortement l’expérience centrée sur un seul contenu.

Par exemple, et alors que depuis la crise sanitaire on proclame régulièrement la victoire définitive de la presse numérique, les acteurs de la presse doivent continuer à valoriser les offres print sur leurs zones d’excellence (mise en avant de grandes signatures journalistiques, haute qualité formelle, confort de lecture, importance de l’expérience sensorielle associée au support de lecture), notamment pour les lecteurs qui n’achètent le journal qu’en format papier.

Par ailleurs, le déploiement d’un nouveau device – principalement pour accéder à l’offre digitale – ne doit pas seulement être analysé à la lumière de son potentiel de création de valeur pour les offres digitalisées. Les praticiens doivent également tenir compte de son possible impact négatif sur l’offre print, cette dernière étant alors satellisée dans l’expérience proposée au lecteur qui est devenue principalement digitale.

Enfin, la contribution d’un nouveau device doit être examinée à l’aulne des autres accès déjà mobilisés pour consulter l’offre digitale. Plus particulièrement, l’accumulation de plusieurs devices mobiles (smartphone, tablette) n’apparaît pas être une combinaison pertinente en raison de leur redondance dans les usages. Afin d’offrir une expérience client fluide, les praticiens de la presse écrite doivent veiller à clarifier l’usage de chaque device additionnel, en soulignant ses bénéfices spécifiques au regard de ceux déjà mobilisés par les lecteurs pour accéder à l’offre digitale.The Conversation

Arnaud Rivière, Professeur des Universités en Sciences de Gestion (marketing), Université de Tours et Mencarelli Rémi, Professeur des Universités - Marketing, Université Savoie Mont Blanc

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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