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Célébrer la Journée mondiale de la sauvegarde des données, un impératif à l'ère du tout numérique

Par Arnaud Marquant, directeur des opérations KB Crawl SAS À l'aube d'une nouvelle ère numérique, la Journée mondiale de la sauvegarde des données, célébrée le 31 mars, nous offre un moment de réflexion critique sur notre rapport aux données. Dans une époque marquée par une digitalisation accrue, la sauvegarde des données se positionne au cœur des débats sur la sécurité, la conformité et la continuité des activités. De bonnes pratiques de sauvegarde essentielles La sauvegarde des données commence par des gestes simples mais cruciaux d'hygiène numérique, préconisés par des institutions telles que l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) en France. Ces mesures de base incluent la réalisation de copies de sauvegarde régulières, la mise à jour des systèmes et des applications, ainsi que la sensibilisation à la cybersécurité. Le renforcement du cadre juridique autour de la gestion des données personnelles, comme le Règlement général sur la pro

Ukraine : la guerre se joue également dans le cyberespace

 

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Par Christine Dugoin-Clément, IAE Paris – Sorbonne Business School

L’espace cyber est traditionnellement conçu comme pouvant se diviser en trois couches principales : la couche physique (câbles, serveurs, ordinateurs, etc.) ; la couche logique (données numériques et moyens de transmission afférents comprenant les applications, les protocoles, les interfaces et les applications) ; et la couche sémantique constituée des utilisateurs, de leurs échanges y compris en temps réel, ce qui englobe les contenus circulant sur les réseaux sociaux. Ces trois couches peuvent toutes être l’objet d’attaques.

L’Ukraine a subi depuis 2014 de nombreuses cyberattaques visant ces différentes couches. Ces attaques avaient participé à une prise de conscience internationale quant à l’utilisation massive du cyber qui pouvait être faite dans les conflits modernes. En effet, si on se souvient des attaques de 2015 et 2016 qui ont visé des centrales électriques, le conflit avait également permis de mettre au jour des tentatives d’attaque lors de diverses consultations électorales, ainsi que de pratiques d’influence, notamment avec la découverte de l’usine à trolls russes d’Olguino.

Par ailleurs, les opérations cyber peuvent s’appuyer sur la guerre électronique pour devenir particulièrement dévastatrices. En effet, si le volet électronique s’attaquera aux ondes du signal électromagnétique permettant la transmission de la donnée (ce qui intègre le WIFI et la 5G), le volet cyber et informatique visera la donnée elle-même - de différentes manières selon la couche visée.

Concernant la guerre en cours, les soupçons pesant sur l’utilisation faite par le Kremlin de hackers prétendument indépendants, notamment les groupes APT 28 et 29. Les réformes de l’armée russes menées en 2004 et 2008 laissaient craindre une utilisation massive de cyberattaques de toute nature, visant autant les systèmes que les couches sémantiques, afin d’obtenir l'immobilisation de l’Ukraine, mais aussi la cybercoercition des États la soutenant. Le lancement d’une ou de plusieurs attaques cyber montrant que l’attaquant est en mesure d’infliger de très lourdes pertes serait en mesure de dissuader l’État ou l’entité attaquée d’agir comme elle le prévoyait initialement : c'est ce que l'on appelle une action de cybercoercition.

Alors que l’Ukraine fait face simultanément à ces attaques et à une agression militaire de grande ampleur, le président Zelensky a lancé un appel au volontariat pour lever une cyberarmée qui réunirait, selon les estimations, près de 260 000 personnes. Les Anonymous ont annoncé qu'ils entraient dans le conflit aux côtés de l’Ukraine pour contrecarrer les attaques menées dans le domaine cyber. La guerre qui enflamme le cyber outrepasse désormais largement l’Ukraine et la Fédération de Russie.

Les trois couches du cyber attaquées ?

Si les bombardements peuvent impacter les couches physiques du cyber, une crainte se fait jour dans les états-majors occidentaux : la possibilité que la Russie, dans un mouvement maximaliste, n’envisage de couper les câbles sous-marins par lesquels transitent près de 99 % de l’Internet et qui permettent de réaliser environ 10 000 milliards de dollars US de transactions quotidiennes.

Ce type d’opération pourrait être perçu comme un acte de guerre et emporterait de lourdes conséquences pour tous. Néanmoins, le nombre de navires battant pavillon russe (qu'ils soient militaires ou supposément civils) suivant précisément les câbles rend cette hypothèse tangible. Si couper des câbles engendrerait un black-out, une autre option serait, à l’aide de sous-marins (comme en possèdent la Chine, la Russie et les États-Unis) de s’y greffer pour intercepter, ou modifier, les données qui y transitent. Cette option serait extrêmement délicate à mener à bien, notamment d’un point de vue technique.

La possibilité d’altération des couches physiques du cyber est une des raisons qui ont poussé Elon Musk à ouvrir à l’Ukraine l’accès à Starlink, lui donnant accès à son réseau satellitaire, lequel est certes attaquable, mais de manière plus complexe.

En outre, de nombreuses attaques ont été observées visant les couches logique et sémantique. Ces attaques outrepassent largement les frontières de la géographie physique du conflit.

Concernant la couche logique, on a noté une explosion des attaques cyber subies par l’Ukraine dès le début du conflit, voire quelques heures avant qu’il ne démarre. Ainsi, la société de cybersécurité Wordfence, qui gère la sécurité de 8 320 sites WordPress comprenant ceux d’universités, du gouvernement et des organes judiciaires en Ukraine, a déclaré quelque 144 000 attaques pour la seule journée du 25 février.

Après HermeticWiper, HermeticWizard et WhisperGate, Kaspersky décrit début mars 2022 le composant de chiffrement de données HermeticRansom comme un « écran de fumée ». Pour la société de cybersécurité, il s’agit d’une attaque ciblée empêchant d’utiliser les données et agissant comme un « écran de fumée » permettant de nouvelles attaques. En outre, la simplicité du code, les erreurs de grammaire et d’orthographe présentes dans la demande de rançon sembleraient indiquer une opération de dernière minute, qui a pu être déployée pour renforcer l’effet d’autres cyberattaques conduites simultanément. Enfin, il apparaît que des rançongiciels supposés… ne permettaient pas de verser de rançons et étaient en réalité des malewares effaceurs de données visant à altérer profondément les structures attaquées.

En matière sémantique et informationnelle, on a pu observer une large vague de désinformation. Celle-ci a fait l’objet d’une réaction de plusieurs plates-formes, qui ont mis à jour des opérations de désinformation de grande ampleur. Nathaniel Gleicher, responsable de la sécurité chez Meta, déclarait ainsi avoir :

« bloqué le partage de leurs domaines sur notre plate-forme et partagé ces informations avec d’autres plates-formes technologiques, des chercheurs et des gouvernements. Ce réseau a utilisé de faux comptes et exploité des personnes et des marques fictives sur Internet – y compris sur Facebook, Instagram, Twitter, YouTube, Telegram, Odnoklassniki et VK – pour paraître plus authentique dans une tentative apparente de résister à l’examen minutieux des plates-formes et des chercheurs. »

En parallèle, des opérations de phishing ont été utilisées pour cibler des personnes, notamment des membres de structures gouvernementales, souhaitant venir en aide aux réfugiés ukrainiens. Dans ce cas, une adresse mail militaire ukrainienne compromise a été utilisée pour hameçonner des personnes, y compris des employés de l’UE impliqués dans la gestion de la logistique mise en œuvre pour porter assistance aux réfugiés fuyant l’Ukraine. À ce jour, les recherches sur cette attaque semblent montrer des correspondances avec le modus opérandi du groupe TA445 (alias UNC1151 ou Ghostwriter) soupçonné d’être lié au gouvernement de la Biélorussie.

Le 28 février, ce sera au tour du Threat Analysis Group de Google (TAG) de mettre au jour une opération d’influence liée à la Biélorussie, à la Moldavie et à l’Ukraine. Ce sont quatre chaînes YouTube, deux comptes AdSense – utilisés pour générer des revenus en affichant des publicités – et un blog qui ont été bloqués, car en lien avec ce réseau de désinformation. De même, six domaines ont été ajoutés à une liste visant à les empêcher d’apparaître sur Google News et Discover.

Les réponses ukrainiennes et pro-ukrainiennes

Dans ce contexte, le gouvernement ukrainien a demandé à Oracle et SAP, le 2 mars dernier, par la plume de son vice-premier ministre et ministre de la Transformation numérique, Mykhailo Fedorov, de mettre fin à leurs relations commerciales avec les entités liées à la Russie.

Le même jour, symbole de la mobilisation des hackers pour l’Ukraine, le groupe cybercriminel Conti, qui avait annoncé se mettre en mouvement contre les entités bellicistes hostiles à la Russie, connaissait un nouveau leak.

Un premier leak, qui avait eu lieu le 27 février et portait la mention « Gloire à l’Ukraine », avait fait fuiter des données de Conti à VX-Underground, un groupe de recherche spécialisé dans les logiciels malveillants. L’ensemble de données divulgué contient quelque 400 fichiers contenant des dizaines de milliers de journaux de discussion internes du groupe Conti en russe, y compris sur la messagerie Jabber depuis janvier 2021.

Le 2 mars dernier, un second leak touchait Conti, venant cette fois d’un chercheur ukrainien. Ce sont 393 fichiers JSON contenant plus de 60 000 messages internes et des messages extraits du serveur de chat XMPP privé du gang de rançongiciels Conti et Ryuk qui ont alors été divulgués. Ces données couvrent la période du 21 janvier 2021 au 27 février 2022, et comprennent les adresses bitcoin utilisées, le détail de l’organisation commerciale du groupe, ainsi que la manière dont ils échappent aux forces de l’ordre et mènent leurs attaques.

Au-delà, plusieurs plates-formes et applications ont décidé de ne pas coopérer avec la Russie, quitte à être exclues du marché, comme Netflix, qui refuse de se soumettre à la loi russe exigeant que des plateformes de vidéos dépassant le seuil des 100 000 abonnés en Russie de diffusent une vingtaine de chaînes russes. D’autres ont modifié leur interface pour permettre de fluidifier le versement de fonds à l’Ukraine. C'est le cas d'Airbnb, qui propose la mise à disposition de 100 000 logements temporaires pour les réfugiés ukrainiens.

L'implication des cryptomonnaies

Enfin, le monde des cryptomonnaies a également été engagé au travers de nombreuses escroqueries aux dons cryptographiques utilisant de vastes campagnes de phising à travers des e-mails semblant provenir des domaines npr.org voire du Bureau des Nations unies pour la coordination de l’aide humanitaire (OCHA). Ces escroqueries ont d’autant mieux marché que le gouvernement ukrainien à réalisé le tout premier effort de financement participatif crypto à grande échelle, levant au moment où ses lignes sont écrites quelque 37 millions de dollars en Bitcoins (BTC), Ether (ETH), Tether (USDT) et d’autres altcoins.

C’est dans ces circonstances que le 27 février, Mikhailo Fedorov demandait aux sociétés de cryptomonnaies de bloquer les adresses des utilisateurs russes, particulièrement de ceux liés à des personnalités politiques. Mais les entreprises ont argué qu’un blocage aveugle pourrait handicaper la population russe et ont préféré se contenter de bloquer les adresses liées à des personnes faisant l’objet de sanctions de la part des pays occidentaux.

Le conflit se durcissant malgré les sanctions prises et la désapprobation internationale à l’encontre de l’action russe, il est fort possible que le cyber, terrain d’attaque dépassant déjà les frontières du conflit cinétique, poursuive son expansion, notamment au travers d’actions purement militaires mêlant guerre électronique et cyberattaques.The Conversation

Christine Dugoin-Clément, Analyste en géopolitique, membre associé au Laboratoire de Recherche IAE Paris - Sorbonne Business School, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chaire « normes et risques », IAE Paris – Sorbonne Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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