Tribune de Bernardo Cabrera, Directeur de la BU Objenious (Bouygues Telecom).
La e-santé fait parler d’elle depuis de nombreuses années. Déjà en 2018, la France s’est dotée d’une stratégie ambitieuse à travers la loi Ma Santé 2022, visant à rassembler les soignants en ville et à l’hôpital autour de projets de santé plus adaptés à l’ensemble du territoire. La pandémie a considérablement accéléré l’adoption des soins à distance. Malgré un marché déjà bien structuré, le personnel de santé et la patientèle restent toujours en attente d’outils pour faciliter les tâches, et surtout la prise en charge ainsi que le suivi des patients. 2022 sera-t-elle l’année de l’e-santé ?
Faciliter la prise en charge et le suivi à distance des patients : le leitmotiv
Ces dernières années, les objets connectés dédiés au domaine médical n’ont cessé de se développer. Selon un rapport réalisé en juin dernier par l’Institut Montaigne, associé au cabinet McKinsey, le marché annuel potentiel de l’e-santé en France se chiffrerait à 22 milliards d’euros.
Ces outils de santé connectés, grâce à l’IoT, permettent de suivre le patient à chaque étape de son traitement, et ce, même à distance. Depuis la crise sanitaire, la téléconsultation s’est popularisée, mais il ne s’agit pas du seul atout de la santé connectée. Les soins quotidiens sont aussi facilités grâce à la télé observance, permettant de relever les constantes précises d’un patient à l’aide d’un simple boîtier (par exemple, pour suivre des patients atteints d’apnées du sommeil ou de diabète).
L'IoT optimise également le suivi des personnes à pathologie chronique ou plus vulnérables grâce à la téléassistance. Les personnes âgées qui vivent seules notamment, peuvent émettre un appel d’urgence en cas de chute ou de malaise grâce à une simple pression sur un bracelet ou médaillon connectés à une assistance 24/7. Les médecins aussi, dans le cadre de la télé expertise, ont la possibilité de solliciter à distance un ou des confrères spécialisés pour compléter un examen médical.
L’objectif ? Lutter contre le désert médical et faciliter l’accès aux soins pour tous. En limitant leurs déplacements les soignants ont plus de temps pour leurs patients, écourtant ainsi les délais d’attente. Le suivi et le contrôle de ces patients gagnent en précision et permettent même d’anticiper les situations à risque et d’intervenir au plus vite.
La vigilance française renforce l’intérêt des patients et soignants pour les nouvelles technologies.
La réglementation encadrant les données de santé issues des objets connectés est très stricte. Depuis 2017 en Europe, tous les objets connectés e-santé doivent obtenir une licence spécifique et les constructeurs sont audités chaque année. En France, depuis 2021, les mandataires, les importateurs et les distributeurs sont également soumis à des contrôles réguliers. L’ensemble des dispositifs médicaux technologiques doivent être certifiés CE, selon les nouveaux règlements 2017/745 européens.
Du côté des patients et également des soignants, la technologie a désormais fait ses preuves et rassure. Le corps médical y voit l’opportunité d’être plus efficace et d’améliorer ses conditions de travail. La nouvelle génération de soignants, qui a grandi avec les nouvelles technologies, réclame une assistance technologique pour réaliser certaines tâches quotidiennes et fluidifier les process.
Mais, en parallèle, des réglementations complexifient le paysage de la santé connectée. Certaines lois, comme la norme HQE, freinent largement les débits cellulaires sur site hospitalier, rendant extrêmement difficiles la connectivité à l’intérieur des bâtiments et donc l’usage des objets connectés. Heureusement, de nouvelles technologies IoT cellulaires dédiées à l’IoT (LTEM, NB-IoT) peuvent répondre à ces contraintes.
Les hôpitaux et maisons de santé en ordre de marche
Certains hôpitaux, comme le CHU de Caen ou de Maubeuge ont déjà commencé à intégrer des capteurs e-santé au sein de leurs structures, et constatent les bénéfices de cette transition digitale.
L’objectif à long terme est aussi d’équiper les maisons de santé, passerelles indispensables entre le patient et l’hôpital. Ces centres régionaux où médecins, auxiliaires médicaux et pharmaciens se regroupent, peuvent traiter 80% des soins et permettent de désengorger les hôpitaux.
Un patient suivi à domicile grâce à la télé observance peut se rendre rapidement en Maison de Santé pour effectuer une consultation à un rythme adapté à son évolution.
Les soignants quant à eux pourraient bénéficier du soutien d’assistants vocaux qui pourraient leur rappeler les informations relatives à un patient en temps réel et faciliter la rédaction des rapports. Un meilleur suivi, avec des analyses optimisées… La digitalisation au service du patient et du corps médical promet de nettes améliorations pour le secteur de la santé sur les prochaines années. La croissance du secteur des technologies au service de la santé s’est largement accélérée avec la crise sanitaire et la France semble enfin se doter d’une législation plus adaptée. La e-santé pourrait apporter une partie des réponses nécessaires à la modernisation et à la transformation du système de santé.