Accéder au contenu principal

Le bitcoin : une « valeur refuge » peut-elle être virtuelle ?

  Les fortes variations du cours du bitcoin sont-ils le signe de sa folle jeunesse ? Shutterstock Oatawa Par  Hervé Alexandre , Université Paris Dauphine – PSL Pour quelles raisons le cours de l’or et celui du bitcoin se sont-ils envolés au mois de février 2024 ? Faut-il voir dans cette concordance davantage qu’un hasard, l’un devenant après l’autre une valeur refuge prisée des particuliers et bientôt des institutionnels comme semblait l’indiquer la chroniqueuse économique de France Infos ? Avant de tenter d’apporter quelques éléments de réponse à cette question, rappelons que, de manière générale, notre monde se numérise inexorablement. À part quelques nostalgiques et autres collectionneurs, nous n’achetons plus de disque en vinyle ni de CD. Nous téléchargeons des morceaux de musique, quand nous ne les écoutons pas tout simplement en streaming . Dans ce dernier cas, moyennant le paiement d’un abonnement, nous pouvons écouter un morceau sans

La reconnaissance faciale, du déverrouillage de téléphone à la surveillance de masse

 face

Comment marche la reconnaissance faciale? En fonction de la réponse, les risques de surveillance varient beaucoup. Jan Canty, Unsplash, CC BY
Par Elia Verdon, Université de Bordeaux

Les évènements intervenus au Stade de France dans le contexte de la finale de la Ligue des Champions en 2022 ont servi d’argument pour renouveler les discours prônant l’utilisation de la reconnaissance faciale pour la sécurisation de grands évènements, comme les Jeux olympiques ou la Coupe du Monde de rugby à venir en France.

Cette promotion de la reconnaissance faciale fait écho au dernier rapport du Sénat proposant le recours, à titre expérimental, à la reconnaissance « biométrique sur la voie publique en temps réel […] à des fins de sécurisation des grands évènements ».

Ces propositions d’expérimentations soulèvent des risques d’accoutumance des populations, facilitant par la suite une pérennisation de cette technologie, qualifiée par le professeur de droit et d’informatique Woodrow Hartzog de « mécanisme de surveillance le plus dangereux qui ait été inventé ». Les risques en matière de surveillance des individus et de protection des libertés induits par la reconnaissance faciale sont assurément importants.

Identification et authentification, deux finalités aux enjeux bien différents

L’identification biométrique vise à retrouver un individu au sein d’un ensemble de personnes, au moyen de sa biométrie (par exemple son visage). On compare alors le visage de la personne recherchée à tous les autres visages inscrits dans une base de données constituée au préalable. Cet usage peut s’effectuer en temps réel, ou bien_ a posteriori_ sur des séquences d’images enregistrées.

A contrario, l’authentification vérifie qu’une personne est bien celle qu’elle prétend être. Pour cela, on compare en temps réel sa biométrie préalablement enregistrée – et seulement celle-ci – avec les caractéristiques biométriques de la personne. C’est le cas par exemple pour déverrouiller certains smartphones ou encore pour le contrôle aux frontières via le système PARAFE (où les données de la personne ont été préenregistrées dans une puce au sein du passeport lors de sa fabrication).

Ces deux finalités, authentification et identification, n’impliquent pas le même degré de surveillance des individus : l’identification des individus par un système de reconnaissance faciale, notamment sur la voie publique, a des potentialités de surveillance bien plus importantes que l’authentification, qui s’effectue pour accéder à un lieu précis.

Quelle surveillance l’identification faciale rend-elle possible ?

L’identification rend nécessaire la constitution d’une base de données centralisant les « gabarits », c’est-à-dire des modèles informatiques quantifiant les caractéristiques essentielles des visages préenregistrés : positions et tailles relatives des yeux, menton, bouche, etc. En France, l’identification faciale est permise depuis 2012 à des fins d’enquête judiciaire par les services de police dans la recherche d’auteurs d’infraction : les visages de personnes suspectées d’infraction peuvent être comparés aux visages inscrits dans le fichier du « traitement des antécédents judiciaires », ou « TAJ ».

La centralisation des visages au sein d’une base de données soulève des risques de surveillance, car le couplage de ces données faciales avec des caméras de surveillance ou des drones est susceptible de permettre la mise en place d’un système de reconnaissance faciale à distance, en temps réel, dans l’espace public, et à l’insu des individus.

Cette technologie est particulièrement individualisante, au regard de la distinction qu’elle peut faire entre les individus au moyen de leurs caractéristiques faciales. Étant donné qu’il est interdit de dissimuler son visage dans l’espace public, le déploiement de caméras de surveillance à reconnaissance faciale automatique entraînerait le suivi continu et généralisé des populations. L’individu serait alors privé de son droit à la vie privée et à l’anonymat, tous deux des droits fondamentaux primordiaux en démocratie.

Bien que la reconnaissance faciale en temps réel dans l’espace public ne soit pas aujourd’hui autorisée en France, les diverses tentatives et expérimentations passées et à venir imposent de comprendre les risques de cette technologie. Si l’identification des individus par un système de reconnaissance faciale peut sembler louable pour des raisons de sécurité publique ou de résolution d’enquêtes, cela est plus discutable au regard de la généralisation de la surveillance faciale des individus.

Le choix d’une reconnaissance faciale protectrice

A contrario, l’utilisation de la reconnaissance faciale à des fins d’authentification d’un individu conduit à un degré de surveillance moindre, car il est alors possible de ne pas centraliser les visages au sein d’une base de données. En effet, l’authentification peut être effectuée en comparant le visage photographié en temps réel au gabarit du visage préalablement enregistré, soit dans un support physique (son passeport, sa carte d’identité, son téléphone, etc.), soit dans une base de données.

Système automatisé de contrôle des passeports à l’aéroport Charles de Gaulle, en 2016. 0x010C/Wikipedia, CC BY-SA

Utiliser une base de données centralisée pour l’authentification induit les mêmes enjeux que l’identification. En revanche, si le gabarit est inscrit au sein d’un support physique, il sera plus aisé d’écarter les risques d’une société de surveillance en redonnant à l’individu le contrôle sur sa biométrie (on parle alors de « biométrie à la main de l’usager »).

Légiférer pour mieux protéger les libertés

Au vu des risques de surveillance que fait peser cette technologie, il semble nécessaire de ne pas éroder nos libertés. Si le rapport du Sénat se veut force de propositions en la matière, il est parfois ambigu. En effet, il propose d’interdire « l’utilisation de la reconnaissance biométrique à distance en temps réel dans l’espace public », tout en posant directement des exceptions à ce principe (proposition 22).

Par ailleurs, dans un souci de préservation des libertés, il aurait pu préciser, voire imposer, l’authentification biométrique à la main de l’usager, lorsqu’il évoque l’utilisation de l’authentification biométrique à des fins de fluidification des flux de certains évènements (proposition 16).

Enfin, une interdiction de l’utilisation de la reconnaissance faciale dans l’espace public, comme à San Francisco, permettrait d’amoindrir les risques d’une société de surveillance. Le rapport du Sénat propose à plusieurs reprises des expérimentations (propositions 7, 14 et 22). Or, les expérimentations ont tendance à se généraliser. Tel fut le cas de PARAFE : il s’agissait à l’origine d’une expérimentation visant le passage rapide aux frontières extérieures par reconnaissance automatisée des empreintes digitales. Ce système a par la suite été pérennisé et s’est vu doter de nouvelles capacités d’authentification par reconnaissance faciale. Ces expérimentations, motivées par des arguments de praticité (fluidifier les accès et améliorer l’« expérience utilisateur »), entraînent des risques d’accoutumance et qui ne sont pas sans risque pour les libertés. Une légère facilité du quotidien permise par cette technologie vaut-elle le prix de nos libertés fondamentales (droit à la vie privée, liberté d’aller et venir anonymement, etc.) ?The Conversation

Elia Verdon, Doctorante en droit public et en informatique, CERCCLE (EA 7436) et LaBRI (UMR 5800), Université de Bordeaux

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé

Midi-Pyrénées l’eldorado des start-up

Le mouvement était diffus, parfois désorganisé, en tout cas en ordre dispersé et avec une visibilité et une lisibilité insuffisantes. Nombreux sont ceux pourtant qui, depuis plusieurs années maintenant, ont pressenti le développement d’une économie numérique innovante et ambitieuse dans la région. Mais cette année 2014 pourrait bien être la bonne et consacrer Toulouse et sa région comme un eldorado pour les start-up. S’il fallait une preuve de ce décollage, deux actualités récentes viennent de l’apporter. La première est l’arrivée à la tête du conseil de surveillance de la start-up toulousaine Sigfox , spécialisée dans le secteur en plein boom de l’internet des objets, d’Anne Lauvergeon, l’ancien sherpa du Président Mitterrand. Que l’ex-patronne du géant Areva qui aurait pu prétendre à la direction de grandes entreprises bien installées, choisisse de soutenir l’entreprise prometteuse de Ludovic Le Moan , en dit long sur le changement d’état d’esprit des élites économiques du pay

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl

Ce que les enfants comprennent du monde numérique

  Par  Cédric Fluckiger , Université de Lille et Isabelle Vandevelde , Université de Lille Depuis la rentrée 2016 , il est prévu que l’école primaire et le collège assurent un enseignement de l’informatique. Cela peut sembler paradoxal : tous les enfants ne sont-ils pas déjà confrontés à des outils numériques, dans leurs loisirs, des jeux vidéos aux tablettes, et, dans une moindre mesure, dans leur vie d’élève, depuis le développement des tableaux numériques interactifs et espaces numériques de travail ? Le paradoxe n’est en réalité qu’apparent. Si perdure l’image de « natifs numériques », nés dans un monde connecté et donc particulièrement à l’aise avec ces technologies, les chercheurs ont montré depuis longtemps que le simple usage d’outils informatisés n’entraîne pas nécessairement une compréhension de ce qui se passe derrière l’écran. Cela est d’autant plus vrai que l’évolution des outils numériques, rendant leur utilisation intuitive, a conduit à masquer les processus in