Accéder au contenu principal

Les deepfakes au cœur de la guerre informationnelle russo-ukrainienne

Par  Christine Dugoin-Clément , IAE Paris – Sorbonne Business School Vladimir Poutine annonçant le retour de la Crimée à l’Ukraine et sa propre démission, ou Volodymyr Zelensky déclarant la reddition intégrale de son pays : ces vidéos totalement fabriquées, et d’autres du même type, ont été visionnées pour certaines des millions de fois sur les réseaux sociaux. Si la Russie a, dans ce domaine comme sur le terrain militaire, lancé les hostilités dès 2014, l’Ukraine a désormais appris à employer ces méthodes – et d’autres outils de la guerre informationelle –, dont l’objectif est toujours de semer la confusion au sein de l’opinion publique du pays ennemi. Depuis son invasion massive de l’Ukraine, la Russie a lancé de nombreuses attaques informationnelles visant aussi bien différentes sphères de la société ukrainienne que des pays soutenant Kiev – à travers des opérations comme Döppelganger ou Portal Kombat – ainsi que des pays africains, moyen-orientaux ou asiatiques où Moscou a c

Décryptage de l'attaque par ransomware du Centre Hospitalier de Versailles

 

hopital

Par Cassie Leroux, Directrice Produit chez Mailinblack

Après l’hôpital de Corbeilles Essonnes, c’est au tour de l'établissement hospitalier de Versailles, situé au Chesnay-Rocquencourt (Yvelines), d’être visé depuis samedi soir par une cyberattaque. Comment s’est-elle déroulée, quelles conséquences pour ses patients, et aurait-elle pû être évitée ? Décryptage de Cassie Leroux, Directrice Produit chez Mailinblack.

Que savons-nous de cette attaque ?

Cette cyberattaque vise l’ensemble de l'établissement, dont l'hôpital André-Mignot, la maison de retraite Despagne et l'hôpital Richaud à Versailles. L’hôpital continue de fonctionner, mais au ralenti ce lundi, ce qui perturbe sérieusement son activité. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour tentative d'extorsion. 

Cette cyberattaque est de type Ransomware, un logiciel malveillant qui bloque l’accès à aux outils informatiques et aux données en les chiffrant. Dans ce type d’attaque, le hacker demande généralement ensuite le paiement d’une rançon en échange, par exemple, d’une clé de décryptage. Cette attaque est principalement véhiculée par email, premier vecteur des cyberattaques en entreprise, via des pièces jointes malveillantes contenues dans ces derniers. 

Dans ce cas, un simple clic suffit pour que l’attaque aboutisse. Depuis 2020, les attaques par ransomware ont augmenté de +255% d'après une étude de l'ANSSI et c’est d’ailleurs la principale menace identifiée en 2022. Le secteur de la santé fait partie des plus visés par ces types d’attaques. 

Pourquoi les hôpitaux sont-ils une cible de choix des cyber malveillants ?

Un établissement de santé utilise environ 200 applications différentes. La majeure partie de ces dernières communique entre elles et échange de nombreuses données de santé. Si un hacker s’introduit dans une ou plusieurs de ces applications, il peut non seulement dérober les données échangées mais aussi mettre à mal le système de partage d’informations au sein de l’établissement. 

En plus de nuire directement aux capacités opérationnelles d’un hôpital, une cyberattaque peut donc viser ces données de santé stockées dans l’établissement pour les revendre à prix d’or sur des marchés parallèles et illégaux. Le prix des données de santé est bien plus élevé que celui des données bancaires, un dossier médical pouvant être revendu entre 250 et 700€ (source : Le business des données médicales. Enquête sur un scandale d’État, Eugène Favier-Baron). C’est ce qui incite les hackers à viser ce secteur d’activité. 

Quels moyens peuvent être mis en place pour prévenir ces attaques ?

Le logiciel identifié comme étant à l'origine de l'attaque appartient à une famille de virus qui semble être connue. Le rançongiciel qui touche le Centre Hospitalier de Versailles a pénétré le système d’information et bloque actuellement l’accès aux moyens de communication (messagerie). Cela aurait pu être évité grâce à une protection stricte du système d’information et notamment de ses boîtes email. 

Pour prévenir ce type de cyberattaques, il est nécessaire de penser une cybersécurité complète, intégrant des solutions de protection et de formation des employés. La technologie est un allié de poids pour protéger les organisations mais elle ne vaut rien sans le soutien et la formation du personnel de santé. Rappelons-le, 90% des incidents de sécurité sont liés à une erreur humaine.

Quelles pourraient être les conséquences sur le fonctionnement de l'hôpital, ses patients et leurs données ?

Actuellement, le système informatique a été coupé et l’entrée des malades a été restreinte. Les premières conséquences sont les suivantes : l'hôpital André Mignot a déclenché son plan blanc et a donc partiellement déprogrammé les activités du bloc opératoire. Les équipes mettent actuellement tout en œuvre pour maintenir les soins ambulatoires et les consultations. 

Les conséquences pourraient être plus graves :

  • Atteinte à la qualité des soins et transfert de patients : déjà 6 transferts de patients lourds ont été réalisés, provenant du service réanimation et de néonatologie. Selon le ministre de la Santé, d'autres transferts pourraient avoir lieu ;
  • Sous-effectifs et sur-sollicitations du personnel : les machines de soins fonctionnant sans réseau, une personne par chambre doit surveiller les écrans. Une réorganisation totale de l’hôpital est en marche ;
  • Diminution des entrées et accueil limité : les prescriptions devant être faites à la main, les médecins perdent en productivité et les accès doivent être restreints ;
  • Vol de données : tout comme l’attaque contre l'hôpital de Corbeilles Essonnes, nous nous attendons à voir les hackers diffuser les données volées sur le "dark web" ;
  • Perte d’argent : dans le cas d’une attaque par rançongiciel, un montant de rançon devrait être annoncé par les hackers afin de procéder au déblocage du système informatique.

En plus de la santé des patients à risque, l’impact financier est également important puisque les coûts cachés sont de 5 à 10 fois plus élevés que celui de la rançon : coûts d’interventions, rachat de matériel, frais d’interruption de l’activité, dégradation de la réputation, perte de confiance, investissements technologiques, formation, recrutements de profils cyber, etc. Ce sont autant de frais additionnels que l’hôpital doit envisager. 

Cet événement souligne à nouveau le lien entre la santé des patients et le niveau de protection IT.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Quelle technologie choisir pour connecter les objets ?

Par Frédéric Salles, Président et co-fondateur de Matooma   En 2021, le nombre total d'objets connectés utilisés atteindra les 25 milliards selon Gartner. Il est ainsi légitime de se demander quelles sont les technologies principales permettant de connecter les objets, et quelle pourrait être celle la plus adaptée pour sa solution. Un projet de vidéosurveillance par exemple n'aura absolument pas les mêmes besoins qu'un projet basé sur le relevé de température au milieu du désert. Ainsi pour trouver la meilleure connectivité pour son objet, de nombreuses questions peuvent se poser : mon objet fonctionne-t-il sur batterie ou est-il alimenté ? Mon objet restera-t-il statique ou sera-t-il mobile ?  Mon objet est-il susceptible d'être dans un endroit difficile d'accès ou enterré ? A quelle fréquence mes données doivent-elles remonter ? Etc. Voici les différentes solutions actuellement disponibles sur le marché. Courte distance : RFID/Bluetooth/WiFi La RFID (Ra

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl

Deepfakes, vidéos truquées, n’en croyez ni vos yeux ni vos oreilles !

Par  Divina Frau-Meigs , Auteurs historiques The Conversation France Les spécialistes en fact-checking et en éducation aux médias pensaient avoir trouvé les moyens de lutter contre les « deepfakes » , ou hypertrucages , ces manipulations de vidéos fondées sur l’intelligence artificielle, avec des outils de vérification comme Invid-Werify et le travail des compétences d’analyse d’images (littératie visuelle), avec des programmes comme Youverify.eu . Mais quelques cas récents montrent qu’une nouvelle forme de cyberattaque vient de s’ajouter à la panoplie des acteurs de la désinformation, le deepfake audio. Aux États-Unis, en janvier 2024, un robocall généré par une intelligence artificielle et prétendant être la voix de Joe Biden a touché les habitants du New Hampshire, les exhortant à ne pas voter, et ce, quelques jours avant les primaires démocrates dans cet État. Derrière l’attaque, Steve Kramer, un consultant travaillant pour un adversaire de Biden, Dean Phillips. En