C’est une nouvelle étape qui vient d’être franchie cette semaine par Jean-Louis Etienne : le chantier du Polar Pod, ce bateau révolutionnaire imaginé par le médecin-explorateur tarnais, a commencé sur les chantiers navals Piriou en association avec la société 3C Metal, sous la direction de l’Ifremer, maître d’ouvrage.
La "cathédrale" de Jean-Louis Etienne
« Plusieurs années ont été nécessaires depuis la désignation de l’Ifremer comme responsable de la construction du Polar Pod fin 2016, pour terminer les études d’avant-projet de conception avec le cabinet SHIP-ST et apporter la preuve de la faisabilité technique et opérationnelle aux financeurs étatiques », explique l’équipe du Polar Pod, qui a également développé un programme scientifique sous la conduite du CNRS « pour bien définir le cahier des charges de l’instrumentation à intégrer sur le Polar POD, lancer l’appel d’offres pour le choix du chantier et rechercher un équilibre financier final. »
La crise du Covid, la complexité à boucler le tour de table financier a ralenti la réalisation du projet mais la détermination de Jean-Louis et Elsa Etienne est restée intacte. « Polar POD est certainement ma plus imposante expédition sur laquelle je travaille depuis 2010. Je ne crains pas de dire que c’est ma cathédrale. Aussi l’officialisation de la construction de ce « navire vertical » est un grand moment de ma vie d’explorateur polaire, le fruit d’une persévérance, nourrie par l’enthousiasme de la communauté scientifique et du bureau d’ingénierie navale Ship ST qui, avec l’Ifremer, m’a accompagné sur cette construction audacieuse : oser, c’est engager son imagination au-delà des certitudes », s’est réjoui cette semaine Jean-Louis Etienne.
Construction en Bretagne et en Afrique du Sud
Pour rappel, le Polar POD est une plateforme océanographique ultramoderne d’un nouveau genre, librement inspirée du FLIP (FLoating Instrument Platform), une plateforme dérivante de la flotte océanographique américaine. Tracté à l’horizontale jusqu’à la zone à étudier, le Polar Pod, qui mesure 100 mètres de long pour 720 tonnes, bascule alors en position verticale par remplissage des ballasts à l’eau de mer. Il peut alors dériver en étant capable d’affronter les plus grosses vagues des Cinquantièmes hurlants. Cette plateforme « zéro émission » dispose d’une cabine de trois étages à 10 mètres au-dessus de l’eau capable d’accueillir 8 personnes (3 marins, 4 scientifiques et un cuisinier) et de nombreux instruments de mesure.
Les chantiers navals Piriou vont construire la nacelle en Bretagne et la société 3C Metal le treillis, le tore et le caisson de fond. 3C Metal supervisera l’assemblage final au Cap en Afrique du Sud. Plusieurs essais en mer au large des côtes sud-africaines seront nécessaires avant le départ de l’expédition prévu depuis Port Elizabeth en Afrique du Sud au dernier trimestre 2024.
2022 aura porté chance à Jean-Louis Etienne puisqu’il a également mis à l’eau fin novembre le bateau Persévérance à Hô-Chi-Minh au Vietnam. En cours d’aménagement, ce voilier éco-conçu de 42 mètres de long servira à avitailler le Polar Pod mais il pourra aussi proposer le reste du temps des croisières qui participeront à l’autofinancement du bateau.
Enfin, Jean-Louis Etienne a inauguré fi novembre le Polar Podibus, qui va sillonner la France à la rencontre des écoles, des collèges et lycées, notamment ceux de l’académie de Toulouse, pour expliquer la genèse de l’expédition et ses objectifs scientifiques.
Quatre objectifs scientifiques
Si loin, si difficile d’accès, si immense, l’océan Austral demeure encore méconnu. La communauté scientifique est unanime : on a besoin de mesures in situ de longue durée. Entrainé par le courant circumpolaire antarctique, le Polar POD fera deux tours du monde, soit trois années de campagne ininterrompue avec comme principaux objectifs :
- La mesure en continu des échanges atmosphère/océan, notamment la capacité d'absorption du CO2 de l'océan Austral qui est le principal puits de carbone océanique de la planète.
- L'inventaire de la biodiversité marine par acoustique, du krill jusqu’aux baleines.
- La calibration des mesures effectuées par les satellites : conditions météo, états de mer, couleur de l’océan, mesure du phytoplancton pour un suivi spatial de l’activité biologique.
- Le bilan de la pollution de cet océan si éloigné des activités industrielles et des zones de navigation : microplastiques, polluants organiques, métaux lourds et aérosols.