Accéder au contenu principal

Deepfake, décryptage d’une arnaque

Par Thomas Mannierre, Directeur EMEA Sud de BeyondTrust L’IA a fait entrer les braquages dans une nouvelle dimension. Plus besoin d’une cagoule noire désormais. En améliorant les attaques d'ingénierie sociale modernes, l’IA a donné naissance à un autre type de menaces : les deepfakes. Bienvenue dans ce qui pourrait être un épisode de Black Mirror ! Le faux CFO de Hong Kong En début d’année, une entreprise à Hong Kong s’est vue escroquée de 25,6 millions de dollars par un hacker utilisant l’IA et la technologie deepfake pour usurper l’identité d’un directeur financier. Si l'on en croit les rapports d’enquête, l'attaque a simulé un environnement de vidéoconférence complet et utilisé une fausse identité d'un important directeur financier de Hong Kong et d'autres participants à la réunion. La victime ciblée du département financier s'est d'abord méfiée d'un e-mail de phishing prétendant provenir du directeur financier. Cependant, la victime a rejoint une con

L'économie numérique va-t-elle provoquer une « fuite des cerveaux » à l’envers ?

numerique

Par Clément Marinos, Université de Bretagne Sud

Digitalisation de l’économie, développement des transports low-cost et télétravail sont autant de facteurs ayant œuvré à l’émergence d’un nouveau mode de vie mêlant emploi et voyage touristique. Celles et ceux qui exercent leur activité professionnelle à l’aide des nouvelles technologies de l’information et de la communication tout en effectuant des migrations fréquentes sont nommés « nomades digitaux » et ce depuis plus de 25 ans. On doit l’appellation à Tsugio Makimoto et David Manners, respectivement docteur en informatique et écrivain, auteurs d’un ouvrage du même nom en 1997.


Bien qu’il reste difficile d’estimer aujourd’hui leur nombre précisément, plusieurs millions de personnes dans le monde seraient concernées. Certains choisissent de tout lâcher pour vivre comme un « back packer » (ce que l’on peut traduire littéralement en « porteur de sac à dos » ou en « routard » éventuellement) ; d’autres préfèrent y consacrer seulement quelques semaines dans leur carrière en passant par des agences spécialisées.

Dans les pays occidentaux, la généralisation du télétravail a déjà conduit des centaines d’entreprises à revoir leur politique immobilière en délaissant les grands centres d’affaires métropolitains : on ne compte plus, par exemple, les mètres carrés de bureaux vides à La Défense. La frange de leurs salariés ayant choisi le nomadisme bénéficie d’une liberté d’installation, dans la mesure où ils répondent aux contraintes imposées par leur employeur.

Cette liberté bénéficie à certains territoires à fort potentiel touristique et où le coût de la vie reste moindre, particulièrement favorables à l’idée d’accueillir cette population qualifiée pour une durée plus longue que des vacances. De là à assister à un exode et à un décentrement géographique inédit ?

Des nomades qui se sédentarisent

Comme nous avons pu le constater au cours de nos recherches, la répartition géographique des lieux privilégiés par ces nomades s’avère très inégale. On voit émerger des « capitales » du nomadisme digital. Elles se trouvent le plus souvent dans des pays du Sud où les prix des biens du quotidien restent relativement faibles comparativement aux revenus des nomades. Il y a par exemple Chiang Mai en Thaïlande ou Medellín, deuxième ville de Colombie en nombre d’habitants.

Encore considérée comme dangereuse il y a quelques années, base opérationnelle du cartel dirigé par Pablo Escobar des années 1970 à sa mort en 1993, la cité colombienne au climat exceptionnel jouit aujourd’hui d’une excellente réputation auprès des nomades numériques. L’arrivée massive de ces individus exerçant leur activité à distance y a modifié la vie de certains quartiers spécialisés dans le tourisme et a conduit à des mutations dans la structure de leur économie.

A Bali où les espaces de coworking et coliving sont légion, on trouve même, comme preuve de l’institutionnalisation du phénomène, une école accueillant les enfants de nomades digitaux. Avec une partie des nomades numériques qui se sédentarise et, progressivement, cherche à s’ancrer localement, il semble que l’on assiste en fait à une sorte de « fuite des cerveaux à l’envers ».

À la manière des néoruraux, ces individus transportent leur capital social, intellectuel et culturel dans leur bagage. Partant d’un scénario où la transformation de séjours courts en déménagements (de migrations temporaires en migrations résidentielles pour utiliser les termes plus techniques) s’amplifie, cela conduira vraisemblablement certains territoires à atteindre une masse critique, avec l’émergence de véritables clusters de compétences.

Ces derniers bénéficieront aux entrepreneurs désireux de mettre à contribution une main-d’œuvre formée et disponible dans leur projet. Dès lors, cela pourrait renforcer une forme de renversement : les travailleurs qualifiés, souvent occidentaux, quitteront leur pays d’origine pour une installation durable dans certains pays du Sud jouissant d’aménités résidentielles et touristiques.

C’est ici la localisation des facteurs de production qui est questionnée. Après avoir attiré des capitaux pour développer leur industrie, certains territoires cherchent volontairement à capter ce flux de travailleurs mobiles.

Vigilance tout de même

À court terme, le phénomène apporte une manne financière supplémentaire avec l’arrivée d’un nouveau type de touristes-résidents séjournant plus longtemps. C’est pourquoi, sur l’archipel portugais de Madère, le gouvernement régional mène un projet pilote de « village de nomades » en visant des retombées positives pour les habitants.

[Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Cet effet d’aubaine ne peut cependant pas être pris à la légère. L’attractivité nouvelle induit des conséquences négatives telles que la hausse du prix de l’immobilier accompagnée d’une forme d’« airbnbisation », voire de gentrification. Les ambitions ne doivent pas écarter, à plus long terme, la nécessité pour les territoires concernés de faire preuve de vigilance pour éviter le renforcement d’inégalités économiques et sociales déjà conséquentes en de nombreux endroits. Si une cinquantaines de pays développe aujourd’hui des visas spécifiques pour nomades, ils doivent aussi se préoccuper de la façon dont ils gèrent l’arrivée de populations dont les revenus sont nettement supérieurs à ceux des populations locales.

Comment s’assurer de la bonne articulation avec les écosystèmes locaux et éviter le risque d’aboutir à des bulles d’activités économiques, des communautés hors sol, dont la production ne ruisselle pas localement, sans externalités positives ? Certaines initiatives tentent déjà d’y répondre. Au Angkor Hub à Siem Réap, au Cambodge, est poursuivi l’objectif d’un encastrement territorial par la rencontre des entrepreneurs locaux avec les nomades numériques, du mentorat et des formations. Pour les territoires concernés, l’institutionnalisation de cette pratique offre en tout cas sans doute autant d’opportunités que de problèmes à résoudre.The Conversation

Clément Marinos, Maître de conférences en économie régionale, membre du Laboratoire d'Economie et de Gestion de l'Ouest, Université de Bretagne Sud

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl

Des conseils d'administration inquiets et mal préparés face à la menace cyber

Alors que les Assises de la Sécurité ouvrent leurs portes ce mercredi 11 octobre, pour trois jours de réflexion sur l’état de la cybersécurité en France, la société de cybersécurité Proofpoint f ait le point sur le niveau de préparation des organisations face à l’avancée de la menace.  Cette année encore, les résultats montrent que la menace cyber reste omniprésente en France et de plus en plus sophistiquée. Si les organisations en ont bien conscience,  augmentant leur budget et leurs compétences en interne pour y faire face, la grande majorité d’entre elles ne se sont pour autant, pas suffisamment préparées pour l’affronter réellement, estime Proofpoint. En France, 80 % des membres de conseils d’administration interrogés estiment que leur organisation court un risque de cyberattaque d’envergure, contre 78 % en 2022 – 36 % d’entre eux jugent même ce risque très probable. Et si 92 % d’entre eux pensent que leur budget lié à la cybersécurité augmentera au cours des 12 prochains mois, ces

L’Europe veut s’armer contre la cybercriminalité avec le Cyber Resilience Act

  Par  Patricia Mouy , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Sébastien Bardin , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) Assez des cyberattaques  ? La loi sur la cyberrésilience, ou Cyber Resilience Act a été adoptée par les députés européens le 12 mars dernier et arrive en application dans les mois à venir, avec l’ambition de changer la donne en termes de sécurité des systèmes numériques en Europe. Alors que les systèmes numériques sont littéralement au cœur des sociétés modernes, leurs potentielles faiblesses face aux attaques informatiques deviennent des sources de risques majeurs – vol de données privées, espionnage entre états ou encore guerre économique. Citons par exemple le cas de Mirai , attaque à grande échelle en 2016, utilisant le détournement de dispositifs grand public comme des caméras connectées pour surcharger des domaines Internet d’entreprise, attaque de type DDoS (déni de service distribué)