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L’IA au travail : un gain de confort qui pourrait vous coûter cher

Par  Kathleen Desveaud , Kedge Business School L’intelligence artificielle promet un soulagement face à l’ennui des tâches répétitives au travail, mais son usage excessif pourrait entraîner une déqualification progressive et une nouvelle forme de frustration professionnelle. Entre automatisation bénéfique et risque de « travail zombie », comment faire de l’IA un allié du développement des compétences plutôt qu’une source d’appauvrissement cognitif ? L’impact de l’intelligence artificielle (IA) sur les métiers est un sujet majeur , qui a été traité dans de nombreuses études . Si la question de la disparition des emplois retient souvent l’attention, une autre question de fond mérite d’être considérée : comment ces technologies transforment et transformeront-elles concrètement le quotidien, les compétences et la motivation des travailleurs ? L’IA, un remède contre l’ennui au travail ? L’IA est parfois présentée comme un parfait remède a...

Football : quand les données se mettent au service de la performance

football


Par Stéphane Perrey, Université de Montpellier; Gérard Dray, IMT Mines Alès – Institut Mines-Télécom et Jacky Montmain, IMT Mines Alès – Institut Mines-Télécom

Notre société est de plus en plus digitalisée grâce à l’utilisation d’un large éventail de technologies numériques qui génèrent d’importants flux de données regroupés sous le terme big data. C’est notamment le cas des données liées au sport collectées par le biais de montres connectées, d’applications pour smartphones, de systèmes de suivi par satellites, ou encore via des textiles intelligents.

Ces données permettraient notamment d’identifier les indicateurs clés de la performance tout comme les mouvements des sportifs sur le terrain : nombre et grandeur des sprints et des changements de direction, distance parcourue à certaines vitesses, évolution de la fréquence cardiaque ou trajectoire du joueur.

Elles peuvent ainsi guider la stratégie d’entraînement. De là à devenir un outil essentiel pour améliorer les performances ou prévenir les blessures, il n’y a qu’un pas. Ce type d’informations peut donc intéresser un large éventail d’acteurs : athlète, entraîneur, préparateur physique, professeur en activités physiques adaptées, médecin ou agent sportif. Ces données, et les méthodologies qui les accompagnent, ouvrent de nouvelles perspectives pour la recherche en sciences du sport et dans les sciences du numérique.

Les récents développements en matière de capteurs portables et connectés, de stockage de la donnée via le cloud et d’outils d’intelligence artificielle ont été les piliers d’un changement majeur dans la manière d’effectuer les analyses des données liées au sport. Cette dernière décennie, les travaux de recherche en sciences du sport ont bénéficié de la réduction de la taille des capteurs et de l’augmentation conséquente de la capacité à recueillir, puis analyser des mesures simultanées, insufflée par les immenses progrès de la transmission sans fil.

Le football est l’un des sports les plus populaires au monde, et au fil des années, de plus en plus d’informations sont disponibles, ce qui a accru l’intérêt des analystes de données pour ce sport. Les métiers associés, data scientist, se sont développés avec des compétences spécifiques en statistiques et informatique afin de recueillir, traiter, analyser et faire parler les données massives… dans le but de trouver des informations utiles à la prise de décision.

Dans le sport, on parle de Data Analyst du Sport et plusieurs groupes de réflexion, écoles universitaires et thématiques au sein d’unités de recherche (EuroMov Digital Health in Motion) réunissant des expertises pluridisciplinaires se sont mises en place. Comment les sciences du sport et les sciences du numérique, de la collecte à la modélisation prédictive d’une performance ou d’une blessure en passant par la gestion des données, peuvent-elles impacter le domaine du sport ?

La prolifération des données du mouvement

Ces dernières années ont vu l’essor des systèmes de détection de position pour fournir des données de suivi spatio-temporel des joueurs sur le terrain. Bien que des systèmes de caméra semi-automatiques aient été utilisés pour suivre la position des joueurs lors de matchs professionnels en football, des systèmes de suivi automatique utilisant des systèmes de positionnement par satellites (GNSS pour Géolocalisation et navigation par un système de satellites) ou des systèmes de mesure de positionnement local sont couramment adoptés par les structures et équipes professionnelles en sports collectifs (football, rugby, basketball, handball, hockey sur glace). Certains systèmes de positionnement ont même équipé des ballons avec des capteurs intégrés.

Mesures de différentes séquences de mouvement chez des stagiaires en formation de préparation physique avec des capteurs portables intégrés dans une brassière. Stephane Perrey, Fourni par l'auteur

Une des avancées les plus visibles dans de nombreuses disciplines sportives est l’introduction des centrales inertielles autonomes (IMU pour Inertial Measurement Unit) permettant la mesure des accélérations linéaires (accéléromètres), des vitesses de rotation (gyroscopes) et le champ magnétique terrestre pour l’orientation de la centrale (magnétomètres) d’un point en trois dimensions.

La fusion de ces capteurs portables (IMU-GNSS) est une tendance constante dans le développement des systèmes de suivi et détection du mouvement humain avec des applications dans le domaine sportif comme en football pour suivre les actions motrices des joueurs. De manière générale, les déplacements (vitesse, distance et mesures dérivées) sont quantifiés prioritairement à partir de données GNSS, alors que la détection des chocs/impacts et leur caractérisation est réservée aux données IMU. Malgré ces progrès, est-il possible de libérer le joueur de ces capteurs dans la quantification du mouvement ? Il semblerait que oui.

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Les systèmes et algorithmes de capture de mouvement sans marqueur ont été constamment améliorés au cours des cinq dernières années pour mesurer la cinématique (c.-à-d. la description du mouvement en termes de position, vitesse ou accélération) dans le sport. Les algorithmes modernes de vision par ordinateur utilisant des réseaux de neurones ont été adaptés pour évaluer différentes formes d’actions motrices, fournissant des moyens pratiques pour une analyse plus rapide des données avec une validité en conditions réelles, c’est-à-dire en dehors de l’environnement restrictif des laboratoires.

La classification des typologies des activités locomotrices humaines sous l’angle de la performance sportive peut être améliorée lorsque les signaux acquis sont utilisés comme les entrées d’algorithmes d’apprentissage automatique. La capacité des algorithmes actuels à analyser et extraire de la connaissance de tels jeux de données peut par exemple identifier les changements de direction, souvent décisifs en match. L’exploitation d’algorithme d’apprentissage profond (sous-domaine de l’apprentissage automatique qui s’intéresse aux algorithmes inspirés de la structure et du fonctionnement du cerveau, appelés réseaux neuronaux artificiels) sur des images vidéo, permettrait avec une grande précision de reconnaître différents types de frappe au football.

À l’aide de plusieurs capteurs fusionnés IMU-GNSS et de différents algorithmes d’apprentissage automatique, Reilly et coll. ont développé un modèle de classification automatisé pour identifier avec précision les mouvements des joueurs avec changements de direction pendant les matchs de compétition. Les améliorations des modèles de classification dans le sport comme le football sont toujours mises à mal par la variabilité des schémas de mouvement, celle-ci a un impact direct sur la qualité et la quantité des jeux de données disponibles.

De la donnée à la prédiction d’un état de performance ou de blessure

Alors comment le big data pourrait-il augmenter la performance du sport de haut niveau ? Les données collectées par les outils et équipements précités permettent de caractériser avec détail les mouvements produits puis d’en déterminer la dose d’entraînement physique du sportif. Largement utilisée pour le suivi des joueurs de football, la demande physique peut être déterminée grâce à des paramètres mécaniques objectifs, calculés à partir de signaux GNSS-IMU couplés à ceux de la fréquence cardiaque par exemple. Les données collectées à partir de ces dispositifs portables fournissent des informations utiles pour comprendre l’activité d’un joueur, sa performance en compétition ou prévenir les risques de blessures à l’entraînement.

Pour se faire, une approche consiste à réaliser des analyses descriptives, de sorte à caractériser les intensités d’exercice cibles en lien avec les performances physiques au fil du temps et d’en faire émerger des relations analytiques interprétables. Avec suffisamment d’informations recueillies sur plusieurs mois voire plusieurs années, des analyses prédictives peuvent être déployées pour estimer une performance le jour « J » ou encore apporter des informations utiles aux entraîneurs, à l’équipe ou aux joueurs dans le but d’orienter les protocoles d’entraînement pour optimiser la prescription (volume, intensité et type d’exercices) et ainsi la performance.

Concernant la performance physique individuelle chez le footballeur professionnel, des chercheurs ont présenté une approche prédisant les profils individuels d’accélération-vélocité à partir des mesures de données GNSS dans des situations réelles de match. Ces profils peuvent fournir des informations pertinentes concernant la force maximale théorique des extenseurs de la hanche et la capacité à produire une force horizontale importante à des vitesses de course élevées ; ces facteurs étant des déterminants clés de l’apparition de blessures musculaires, ou encore de la performance au sprint.

Dans le contexte des blessures sportives, la capacité à prédire les facteurs de risque et d’évaluer l’état de préparation d’un athlète après une opération ou toute autre intervention est essentielle. L’application de techniques d’apprentissage automatique apparait être en mesure d’informer sur les risques de blessures sans contact en prenant en compte les évolutions des doses d’entraînement sur une semaine (court terme) et un mois (moyen terme) basées sur des données collectées par GNSS et IMU couplées à des questionnaires. Les résultats d’une étude au cours d’une saison sportive chez des joueurs de football professionnels en Ligue 2 montrent qu’en fonction de la complexité du modèle prédictif, la performance de classification pour prédire les risques de blessures peut approcher 100 %, en particulier à un horizon temporel d’un mois.

En outre, il apparaît que les variables subjectives (telles que la qualité du sommeil, la forme, l’humeur, la satisfaction et le plaisir) s’avèrent être des facteurs importants dans la prédiction des risques de blessure, tout comme peut l’être la distance parcourue. Ces premières informations permettent de guider la programmation individualisée des entraînements de façon à réduire le risque de blessure.

Aujourd’hui, les dispositifs mobiles portables permettent d’obtenir les informations nécessaires à l’analyse des performances réalisées par les joueurs à l’entraînement et en compétition. De plus, de nouveaux algorithmes d’apprentissage automatique, notamment l’apprentissage profond et d’exploration de données permettent un mode d’évaluation de la progression des joueurs dans toutes les phases de leur entraînement.

Cependant, il reste à déterminer si les avancées technologiques et scientifiques actuelles sont d’ores et déjà suffisamment matures pour matérialiser en direct des systèmes de prise de décision automatisés en conditions réelles de compétition et influencer l’issue de la rencontre.The Conversation

Stéphane Perrey, Professeur des Universités en Physiologie de l'Exercice / Neurosciences Intégratives, Directeur Unité Recherche EuroMov Digital Health in Motion, Université de Montpellier; Gérard Dray, Professeur, IMT Mines Alès – Institut Mines-Télécom et Jacky Montmain, Professeur - EuroMov Digital Health in Motion, IMT Mines Alès – Institut Mines-Télécom

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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