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L’IA au travail : un gain de confort qui pourrait vous coûter cher

Par  Kathleen Desveaud , Kedge Business School L’intelligence artificielle promet un soulagement face à l’ennui des tâches répétitives au travail, mais son usage excessif pourrait entraîner une déqualification progressive et une nouvelle forme de frustration professionnelle. Entre automatisation bénéfique et risque de « travail zombie », comment faire de l’IA un allié du développement des compétences plutôt qu’une source d’appauvrissement cognitif ? L’impact de l’intelligence artificielle (IA) sur les métiers est un sujet majeur , qui a été traité dans de nombreuses études . Si la question de la disparition des emplois retient souvent l’attention, une autre question de fond mérite d’être considérée : comment ces technologies transforment et transformeront-elles concrètement le quotidien, les compétences et la motivation des travailleurs ? L’IA, un remède contre l’ennui au travail ? L’IA est parfois présentée comme un parfait remède a...

Transhumanistes : qui sont-ils ?

Le transhumanisme est constitué de courants variés. Le désir de retarder indéfiniment la mort est l'un des points sur lesquels ils se rejoignent. Julien Tromeur / Unsplash
Par Marouane Jaouat, Université de Caen Normandie

L’engouement autour de l’agent conversationnel ChatGPT attise le débat sur le rôle des technologies émergentes dans l’évolution de l’humanité. Devraient-elles aider à transcender les limites humaines ? Quel projet de société cela implique-t-il ? Ces questionnements mettent une fois encore les idéaux transhumanistes sur le devant de la scène.

Ces deux dernières décennies ont en effet connu un foisonnement éditorial autour de la notion du « transhumanisme ». Or, ce terme fait encore l’objet de nombreuses incompréhensions, comme en témoignent les débats houleux qu’il suscite. L’enquête sociologique menée dans le cadre de ma thèse de doctorat montre, entre autres, qu’il existe plusieurs acceptions de ce terme. La diversité des approches transhumanistes empêche de le résumer en une seule définition.

D’autant plus qu’il est en mouvement constant, s’appropriant percées technoscientifiques, théories philosophiques et un héritage culturel et humaniste revisité.

En effet, les transhumanistes reconnaissent dans l’humanisme des Lumières les germes d’une nouvelle philosophie. Celle-ci entendrait augmenter l’humain non seulement symboliquement, mais aussi physiquement et moralement.

La définition du transhumanisme qui fait un semblant de consensus chez les 20 transhumanistes étudiés est celle proposée par Wikipédia :

« Le transhumanisme est un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer la condition humaine notamment par l’augmentation des capacités physiques et mentales des êtres humains. »

Le transhumanisme n’est donc pas simplement un groupe de scientifiques travaillant sur la fabrication d’un futur technologique. Il s’agit plutôt d’un mouvement de pensée portant un certain récit sur la convergence des technologies NBIC (nanotechnologie, biotechnologie, informatique, sciences cognitives) et leur futur retentissement sur l’humanité. Selon Nick Bostrom, une figure importante du mouvement, le transhumanisme est :

« une façon de penser l’avenir qui part du principe que l’espèce humaine, dans sa forme actuelle, ne représente pas la fin de notre développement, mais plutôt une phase relativement précoce ».

Ainsi, le transhumanisme est plus un discours, voire un nouveau « grand récit » technocentré, qu’une pratique technoscientifique bien précise.

Le transhumanisme en 12 questions.

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Une diversité de représentants

Le caractère pluriel du transhumanisme se nourrit aussi de la diversité de ses représentants, et vice versa. Comme nous en a fait part Marc Roux, président de l’Association française transhumaniste technoprog (AFT), « il y a autant de transhumanismes qu’il y a de transhumanistes ».

Les « transhumanistes » sont des acteurs organisés en groupes pour développer des théories, communiquer avec des interlocuteurs, publier des écrits, etc. Leurs missions principales consistent à faire connaître le transhumanisme ; s’imposer comme interlocuteurs légitimes ; promouvoir un certain type de discours sur les technologies émergentes et le futur de l’humanité.

Chronologiquement, les « extropiens » étaient les premiers transhumanistes organisés autour de l’Extropy Institute (1988) sous l’égide de Max More, philosophe et futuriste anglais vivant aux États-Unis, où il dirige actuellement la plus grande organisation cryoniste ALCOR. Il s’agit de cryoconserver des corps humains (et des cerveaux) après leur décès, dans l’espoir de les ressusciter grâce aux futures technologies de réanimation.

Si l’entropie représente le désordre et l’incertitude dans un système, l’extropie (aussi appelée néguentropie) est un néologisme transhumaniste qui vise à produire de l’ordre et de la complexité malgré l’augmentation inévitable de l’entropie. Ainsi le mouvement extropien, première veine transhumaniste, croit en la possibilité d’augmenter l’ordre et la complexité grâce au développement des technosciences (par exemple, réduire les risques de maladies en développant des puces électroniques prévenant à l’avance de leur arrivée). L’extropie devient un emblème révolutionnaire contre les forces limitatives et désorganisatrices.

Dans les « Principes Extropiens », More soutient que l’humanité est « une phase de transition dans le développement évolutionnaire de l’intelligence » et non son aboutissement. Cette mouvance a cessé toute activité à partir de 2006 en déclarant sa mission comme « essentiellement accomplie », au profit d’une organisation plus globale : la World Transhumanist Association (WTA) fondée par Nick Bostrom et David Pearce en 1998.

Anciennement le principal organe du mouvement transhumaniste, la WTA a changé son nom pour Humanity+ (H+), se débarrassant ainsi de la connotation négative associée au « transhumanisme ».Le nouveau nom met davantage l’accent sur l’idée d’une amélioration positive de l’humanité grâce à la technologie. H+ a pour mission de :

« fournir une vision transhumaniste plus inclusive par rapport à d’autres visions transhumanistes antérieures comme l’Extropianisme et de mieux s’engager auprès des universitaires. »

C’est aujourd’hui l’organe représentatif des différentes sensibilités transhumanistes à l’échelle internationale.

L’avènement de la « singularité technologique »

Bien que H+ ait pour objectif d’être inclusif, il existe des divergences entre les différentes perspectives transhumanistes. Les singularitariens, par exemple, sont les transhumanistes qui croient en l’avènement de la « singularité technologique », terme emprunté aux mathématiques et à l’astrophysique et qui marque une rupture entre l’avant et l’après l’avènement d’une « superintelligence », aussi appelée « intelligence artificielle générale ».

La notion de la « singularité technologique » a été popularisée par Ray Kurzweil, surnommé « pape du transhumanisme », dans son livre « The Singularity is Near » (2005), la décrivant comme une explosion de l’intelligence faisant advenir un monde au-delà de l’entendement humain actuel : « cet instant de l’histoire où l’accélération technologique devient si rapide que tous nos modèles prédictifs actuels deviennent caducs. »

L’un des crédos singularitariens est « l’exponentielle » ou « l’accélération technologique » dans lesquelles tous les espoirs sont misés pour faire sortir l’humanité de sa condition biologique. Le singularitarianisme dessine les contours d’une nouvelle humanité qui ne serait probablement plus limitée par son carcan biologique. En ce sens, le singularitarianisme est un post-humanisme.

Une continuité anthropologique

Plus pondérés dans leurs discours et prospections, les transhumanistes « technoprogressistes » prônent une continuité anthropologique. C’est-à-dire qu’ils sont plus favorables au maintien de certaines caractéristiques humaines, à leur amélioration progressive plutôt qu’une rupture radicale avec elles. Ils critiquent des prédictions singularitariennes et défendent les valeurs démocratiques et la justice sociale. Initialement, le terme « technoprogressisme » a été forgé par les transhumanistes français de l’AFT.

En 2004, le transhumaniste américain James Hughes co-fonde avec Bostrom l’Institute for Ethics and Emerging Technologies (IEET), un think tank technoprogressiste qui considère que :

« Le progrès technologique peut être un catalyseur du développement humain positif, à condition de veiller à ce que les technologies soient sûres et équitablement distribuées. Nous appelons cela une orientation “technoprogressive”. »

Il existe d’autres sensibilités transhumanistes comme le transhumanisme religieux représenté par la Turing Church présidée par l’italien Giulio Prisco. Il considère qu’une compatibilité est possible entre les textes religieux et le développement technologique, puisant dans les travaux de Teilhard de Chardin, entre autres.

Malgré différentes approches, les transhumanistes partagent des points communs : un engouement pour la longévité ou l’amortalité, c’est-à-dire le fait de « retarder indéfiniment (mais non infiniment) la mort », selon Edgar Morin ; une technophilie cultivée par un imaginaire imprégné de productions science-fictionnelles ; et une conscience accrue des risques (existentiels) liés au développement technologique et aux progrès de l’intelligence artificielle, etc.

Enfin, le transhumanisme interpelle la société civile internationale sur les enjeux des technosciences qui permettent des possibilités de transformation radicale de l’humanité, de remise en question de notre compréhension traditionnelle de la vie, de la mort et de la nature humaine. De plus, il soulève des questions sur les implications éthiques et sociales des technosciences qui promettent de modifier le corps, inverser le vieillissement et potentiellement tutoyer la mort. Qu’on adhère à leurs idées ou non, les transhumanistes nourrissent un débat indispensable sur les enjeux technoscientifiques au XXIe siècle.The Conversation

Marouane Jaouat, Enseignant chercheur - UFR Santé - Université de Caen Normandie, Université de Caen Normandie

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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