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Le bitcoin : une « valeur refuge » peut-elle être virtuelle ?

  Les fortes variations du cours du bitcoin sont-ils le signe de sa folle jeunesse ? Shutterstock Oatawa Par  Hervé Alexandre , Université Paris Dauphine – PSL Pour quelles raisons le cours de l’or et celui du bitcoin se sont-ils envolés au mois de février 2024 ? Faut-il voir dans cette concordance davantage qu’un hasard, l’un devenant après l’autre une valeur refuge prisée des particuliers et bientôt des institutionnels comme semblait l’indiquer la chroniqueuse économique de France Infos ? Avant de tenter d’apporter quelques éléments de réponse à cette question, rappelons que, de manière générale, notre monde se numérise inexorablement. À part quelques nostalgiques et autres collectionneurs, nous n’achetons plus de disque en vinyle ni de CD. Nous téléchargeons des morceaux de musique, quand nous ne les écoutons pas tout simplement en streaming . Dans ce dernier cas, moyennant le paiement d’un abonnement, nous pouvons écouter un morceau sans

La France face au premier plan social lié à l’intelligence artificielle

IA

Les salariés d’Onclusive, une société française installée à La Défense, ne s’attendaient pas à devenir les acteurs du premier plan social en France provoqué par l’irruption de l’intelligence artificielle (IA) dans le monde du travail : 209 personnes vont quitter l’entreprise, qui compte aujourd’hui 383 postes, licenciés pour être remplacés par des ordinateurs dopés à l’IA… Huit postes vacants seront laissés sans remplacement et 23 « nouvelles fonctions seraient créées » selon Libération qui a révélé l’affaire la semaine dernière.

« On est tous tombés de notre chaise »

La société, longtemps connue sous le nom de Kantar et aujourd’hui propriété du fonds d’investissement américain STG, est spécialisée dans la fourniture de synthèses d’articles de presse et d’extraits audiovisuels qui sont envoyées à quelque 9 000 clients, de grands groupes privés notamment du CAC40 (Rolex, TotalEnergies, L’Oréal…) et publics (FranceTélévisions, la SNCF…) , mais aussi des ministères, le service d’information du gouvernement (SIG) ou des services publics comme Pôle Emploi, la Banque de France, etc.

Cette activité est de celles qui se prêtent parfaitement à une automatisation que peut fournir une intelligence artificielle. Surtout depuis que l’IA, ces derniers mois, a connu de spectaculaires et très médiatisées avancées, avec des outils d’intelligences artificielles génératives comme ChatGPT d’OpenAI et ses concurrents lancés par les géants d’internet comme Google ou Meta (Facebook).

Au siège d’Onclusive, à Courbevoie, on accuse le coup, les syndicats dénonçant « le premier plan social lié à l’intelligence artificielle. » « On est tous tombés de notre chaise, on ne s’attendait pas à une telle ampleur », assurait au Parisien l’un des salariés qui ont appris la nouvelle le 5 septembre par un e-mail du PDG Rob Stone, expédié depuis le siège mondial de STG à Londres.

Le PDG, qui ne parle ni de « suppressions de postes » ni de « licenciements », justifie les départs forcés par la nécessité « de devenir plus agiles et plus compétitifs » en adoptant « de nouvelles technologies et de nouveaux outils qui rationaliseront [les] opérations […] et amélioreront l’efficacité et la précision ». Et d’ajouter cyniquement que les changements permettront d’ « améliorer les carrières [des] employés » – ceux qui restent – « en leur permettant de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. »

Le 15 septembre, le dirigeant de la filiale française vantait lui aussi « l’apport de l’intelligence artificielle ». Un apport que contestent les syndicats qui assurent que l’IA ne peut remplacer l’humain dans son filtrage et son appréciation des informations, mais aussi dans sa connaissance des clients. « C’est une mauvaise idée sociale mais c’est aussi une mauvaise idée économique », expliquait dans Libération le délégué syndical Force ouvrière.

Ce premier plan social provoqué par le recours à l’IA interroge en tout cas jusqu’au gouvernement, qui est aussi le client d’Onclusive.

16 % des emplois actuels devraient disparaître

« Le SIG […] interrogera l’entreprise sur les garanties qu’elle entend fournir pour maintenir le niveau de compétences, d’expertise et de qualité des livrables dans le cadre des marchés qui les lient à l’administration », a indiqué le SIG à Médiapart. Lundi soir, le ministre délégué chargé du Numérique Jean-Noël Barrot reconnaissait de son côté qu’« il faut se préparer à ce type de bouleversements ».

Depuis l’accélération de l’intelligence artificielle, on sait que certains métiers vont évoluer voire disparaître et que d’autres vont émerger. Un rapport publié fin mars par Goldman Sachs estimait que deux tiers des emplois actuels pourraient être menacés par l’IA en Europe. En France, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime qu’environ 16 % des emplois actuels devraient disparaître d’ici quinze à vingt ans. « Pour le moment, l’IA ne supprime pas les emplois, elle les transforme et modifie les compétences qu’ils requièrent », indique l’enquête sur les « Perspectives de l’emploi 2023 de l’OCDE : Intelligence artificielle et emploi », parue en juillet.

« L’incidence réelle de l’IA sur les travailleurs et l’organisation du travail, et la question de savoir si ses avantages l’emporteront sur les risques, dépendront également des mesures prises par les pouvoirs publics », assure l’organisation pointant là l’importance d’une régulation et d’un cadre réglementaire strict. L’Unesco sur l’école, de grands journaux américains voire les concepteurs des IA eux-mêmes ont d’ores et déjà appelé à une régulation.

Interrogé par Le Revenu, le mathématicien Cédric Villani, qui avait remis à Emmanuel Macron en 2018 un premier rapport sur la stratégie IA française, estime qu’« il faut dédramatiser. Il faut aussi apprécier lucidement les risques humains – usages mal informés ou mal intentionnés, déstabilisation d’élections, propagation du climato-scepticisme, publicité trop efficace ou encore oppression des employés… Est-ce une révolution ? Je dirais plutôt un remarquable chapitre de la révolution de l’information, qui a débuté dans les années 1950. »

(Article publié dans La Dépêche du jeudi 21 septembre 2023)

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