Accéder au contenu principal

Fondation Pierre Fabre : quel rôle pour l'intelligence artificielle dans l'accès aux soins des pays du Sud ?

L’intelligence artificielle touche de plus en plus de domaines de la vie économique et sociale. Son entrée dans le secteur de la santé a déjà bouleversé les pratiques, notamment dans la recherche médicale ou le diagnostic de pathologies, où elle apparaît comme un outil utile et parfois déterminant. Un outil qui pourrait révolutionner la santé dans les pays du Sud. C’est la conviction de la Fondation Pierre Fabre, propriétaire des laboratoires Pierre Fabre, qui organise, jeudi 28 septembre à Lavaur, dans le Tarn, la septième édition de la Conférence annuelle de l’Observatoire de la e-Santé dans les Pays du Sud (ODESS, créé en 2016) autour de l’IA. Avec une conférence intitulée « Améliorer l’accès à la santé dans les pays du Sud : quel rôle pour l’IA ? », la Fondation a convié des experts pour répondre aux questions que soulève le déploiement de l’intelligence artificielle. L’IA peut-elle accélérer le renforcement des systèmes de santé dans les pays du Sud ? Ou, au contraire, le déploiem

La vidéosurveillance automatisée, déjà gagnante de la Coupe du monde de rugby en France

 

camera

Par Yoann Nabat, Université de Bordeaux et Elia Verdon, Université de Bordeaux

Ce vendredi 8 septembre 2023, débutera en France la Coupe du monde de rugby organisée dans dix villes hôtes réparties dans le territoire. L’enjeu est bien sûr sportif et économique… mais il est aussi sécuritaire.

En ce sens, l’événement sera l’occasion pour les pouvoirs publics d’expérimenter pour la première fois en France l’usage de la vidéosurveillance automatisée ou algorithmique (VSA).

Le principe de cette technique est de pouvoir détecter en temps réel et de manière automatisée (grâce au recours à des logiciels), des comportements ou des situations définies comme à risque.

Il peut s’agir, par exemple, de détecter un bagage abandonné ou un mouvement de foule. Cette technique se distingue de la reconnaissance faciale qui permet d’identifier biométriquement une personne et qui a été exclue pour le moment.

Un cadre légal permissif

Le recours à ce type de dispositif, jusqu’alors impossible, a été permis par l’article 10 de la Loi du 19 mai 2023 « relative aux jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions ». Celui-ci autorise le traitement automatisé d’images issues des caméras de vidéosurveillance déjà implantées (ou qui le seront, par exemple près des stades ou des fans zones) et celles des caméras installées sur les drones qui pourront survoler les foules.

Si les débats ont été nombreux et les contestations associatives importantes, est ainsi désormais autorisé « à titre expérimental », le traitement algorithmique de ces images, afin d’assurer la sécurité des manifestations sportives, récréatives ou culturelles qui, « par l’ampleur de leur fréquentation ou par leurs circonstances, sont particulièrement exposées à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes ». Ce sont ainsi des logiciels, le plus souvent développés par des entreprises privées, qui permettent cette analyse automatisée des vidéos.

Malgré le titre du texte adopté par le Parlement, cette expérimentation s’étend bien au-delà des Jeux de 2024. Déjà entrées en vigueur, ces dispositions autorisent les pouvoirs publics à user de ce nouveau dispositif dès maintenant dès lors que les circonstances prévues sont réunies. Or, tel semble être le cas pour l’organisation d’une compétition internationale comme la Coupe du Monde de rugby en France. Il faut également noter que l’article du 10 de la loi prévoit la fin de l’expérimentation, pour le moment, au 31 mars 2025, soit environ sept mois après la fin des compétitions olympiques à Paris.

Les termes employés par l’article 10 sont peu précis, notamment lorsqu’il s’agit de « manifestations récréatives ». Cette indéfinition pourrait permettre juridiquement de voir s’appliquer la VSA à d’autres événements comme des festivals, des concerts ou d’autres rassemblements comme les traditionnels marchés de Noël.

Une expérimentation risquée

Le risque de telles expérimentations permises largement réside, précisément, dans l’abandon de leur caractère exceptionnel et temporaire, tel que la loi le précise actuellement. En ce sens, l’organisation des grands événements comme la Coupe du monde de rugby en France peut constituer un accélérateur de ces politiques exceptionnelles qui se voient ensuite pérennisées. Les exemples étrangers ne manquent pas comme l’adoption de lois controversées, à l’image d’une loi « anti-conspiration » par le Japon à l’occasion des précédents Jeux olympiques.

En France, l’exemple de PARAFE, dispositif de reconnaissance faciale pour le passage de frontière, est particulièrement parlant. Expérimenté en 2005, il a été pérennisé en 2007 puis étendu en 2016.

Dès lors, il est possible de douter du caractère réellement expérimental du recours à ces dispositifs de surveillance. Ce constat est d’autant plus préoccupant qu’il sera difficile de tirer un bilan à ce titre après l’organisation de ces grands rassemblements sportifs. En effet, en l’absence (évidemment souhaitable) de tout événement dramatique, on ne manquera sans nul doute de saluer l’efficacité de ces outils — alors même que cette réussite serait sans doute expliquée par bien d’autres facteurs — tandis que s’il devait advenir un quelconque incident, on soulignerait la pertinence de renforcer ces dispositifs de surveillance et de contrôle.

Ainsi, le dispositif technosécuritaire aurait toujours raison et ce d’autant plus que l’organisation de telles compétitions peut apparaître comme une « vitrine sécuritaire » pour les États concernés aux yeux du monde.

L’accoutumance à ces outils, comme l’effet cliquet — selon lequel il est difficile de revenir en arrière une fois un cap passé — rendent tout retour en arrière encore plus invraisemblable.

Un dispositif biaisé

Sur le fond, le but de la vidéosurveillance automatisée est de permettre la détection « en temps réel, des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler ces risques » à partir des images de vidéosurveillance, dont les règles d’usage et de conservation ne sont pas modifiées. Ces alertes sont alors ensuite transmises aux services de sécurité (au sein des postes de commandement ou dans des centres de vidéosurveillance) qui prennent les mesures nécessaires.

[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Un tel fonctionnement permet aux défenseurs de ces techniques de soutenir le caractère subsidiaire de ces outils qui ne viseraient qu’à renforcer l’efficacité des forces de sécurité qui demeurent seuls décisionnaires. La vidéosurveillance automatisée ne serait en ce sens pas plus dangereuse pour les libertés que la vidéosurveillance classique.

Or, une telle présentation nous semble en réalité peu réaliste. En effet, deux biais importants peuvent, à notre sens, être mis en évidence.

D’une part, en amont, utiliser la VSA impose aux concepteurs de ces outils ou aux donneurs d’ordre de définir très précisément et à l’avance les comportements à risque qui devront être recherchés par les caméras au-delà de la liste relativement générale adoptée par décret. Or, ces « patterns » ne correspondent pas nécessairement — voire rarement — à des infractions pénales puisqu’il peut s’agir du simple fait de ne pas respecter le sens de circulation majoritaire. En ce sens, leur définition revient à ériger une forme de norme sociale nouvelle renforçant encore davantage le sentiment de contrôle et l’intériorisation par les individus de cette norme.

D’autre part, en aval, si l’action humaine est toujours nécessaire (la VSA n’autorise heureusement pas les arrestations automatiques), celle-ci se trouve particulièrement biaisée par la manière dont fonctionnent ces dispositifs. En effet, la VSA conduit à une forme de « présomption de risque » auquel il appartient ensuite à la personne soupçonnée de répondre (« pourquoi avez-vous l’air anxieux ? »). Le rôle de la police est alors profondément modifié et la garantie des droits, comme la présomption d’innocence, mise à mal.

Une incarnation du mythe du « risque zéro »

En définitive, présentée comme une nécessité induite par l’impossibilité pour des agents humains de garder un œil attentif sur des dizaines d’écrans (là où deux autres solutions seraient envisageables : réduire le nombre de caméras ou recruter davantage d’agents), la vidéosurveillance automatisée contribue à renforcer le mythe d’un « risque zéro » impossible à atteindre.

Plus encore, cette course en avant permanente impose un autorenforcement impossible à limiter. Très concrètement, pour permettre à la VSA de fonctionner effectivement, les pouvoirs publics ont investi également très largement dans le renforcement du parc de caméras de vidéosurveillance qui, elles-mêmes, nécessiteront toujours davantage d’automatisation. Le ministre de l’Intérieur annonçait il y a peu en ce sens 44 millions d’euros en 2024 pour la vidéosurveillance, soit environ 15 000 nouvelles caméras dont l’emplacement est décidé en grande majorité par les municipalités. Le piège est d’autant plus grand que s’y engouffrent les industriels et géants de la sécurité et du numérique, heureux de vendre leurs solutions aux collectivités.

Derrière le bel événement que représente l’organisation en France de la Coupe du monde de rugby, et bientôt celle des Jeux olympiques et paralympiques, il faut ainsi toujours rester sur ses gardes quant à l’avènement de techniques de surveillance ou de contrôle qui, présentés comme efficaces voire nécessaires pour garantir la sécurité de telles compétitions sportives, n’en demeurent pas moins dangereuses pour nos libertés et la démocratie.The Conversation

Yoann Nabat, Enseignant-chercheur en droit privé et sciences criminelles, Université de Bordeaux et Elia Verdon, Doctorante en droit public et en informatique, CERCCLE (EA 7436) et LaBRI (UMR 5800), Université de Bordeaux

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Midi-Pyrénées l’eldorado des start-up

Le mouvement était diffus, parfois désorganisé, en tout cas en ordre dispersé et avec une visibilité et une lisibilité insuffisantes. Nombreux sont ceux pourtant qui, depuis plusieurs années maintenant, ont pressenti le développement d’une économie numérique innovante et ambitieuse dans la région. Mais cette année 2014 pourrait bien être la bonne et consacrer Toulouse et sa région comme un eldorado pour les start-up. S’il fallait une preuve de ce décollage, deux actualités récentes viennent de l’apporter. La première est l’arrivée à la tête du conseil de surveillance de la start-up toulousaine Sigfox , spécialisée dans le secteur en plein boom de l’internet des objets, d’Anne Lauvergeon, l’ancien sherpa du Président Mitterrand. Que l’ex-patronne du géant Areva qui aurait pu prétendre à la direction de grandes entreprises bien installées, choisisse de soutenir l’entreprise prometteuse de Ludovic Le Moan , en dit long sur le changement d’état d’esprit des élites économiques du pay

La fin des cookies tiers ne répond pas au besoin de contrôle des internautes sur leurs données

Pour le moment, la plupart des solutions alternatives aux cookies privilégient l’objectif commercial aux dépens des attentes des internautes. Piqsels , CC BY-SA Par  Carlos Raúl Sánchez Sánchez , Montpellier Business School – UGEI ; Audrey Portes , Montpellier Business School – UGEI et Steffie Gallin , Montpellier Business School – UGEI Les révélations du Wall Street Journal contenues dans les « Facebook Files » , publiés en septembre dernier, ont une nouvelle fois montré que les utilisateurs s’exposaient à des risques liés à la divulgation des informations personnelles. Les réseaux sociaux ne sont pas les seuls en cause : les nombreux data breach (incidents de sécurité en termes de données confidentielles) rendus publics, illustrent régulièrement la vulnérabilité des individus face à une navigation quotidienne sur les moteurs de recherche, sites de e-commerce et autres ayant recours à des « cookies tiers » , ces fichiers de données envoyés par

ChatGPT et cybersécurité : quels risques pour les entreprises ?

Analyse de Proofpoint Les plateformes de génération de texte tel que ChatGPT permettent de créer du contenu de qualité, instantanément, gratuitement, et sur n’importe quel sujet. Comme le confirme le lancement de Bard par Google, nous sommes désormais entrés dans une course à l’IA, ou chaque géant du web cherche à posséder la meilleure solution possible. Si l’avancée technologique est majeure, le risque notamment pour la cybersécurité des entreprises est indéniable. Comment lutter contre des campagnes de phishing de plus en plus ciblées et sophistiquées, maintenant alimentées par des technologies capables de parfaire encore plus la forme et la teneur d’un email malveillant ? En quelques mots, ChatGPT offre une ingénierie sociale très performante, mais une automatisation encore limitée. Concernant la détection de la menace par rançongiciels, comme l’explique Loïc Guézo, Directeur de la stratégie Cybersécurité chez Proofpoint, « Bien que les chatbots puissent générer du texte pour le cor

Les quatre évolutions de la cybercriminalité en 2023

Par Mathieu Mondino, Presales Manager chez OpenText Cybersecurity Une nouvelle année apporte son lot d’opportunités que les cybercriminels sont prêts à saisir. L'année dernière, l'activité cybercriminelle a connu une évolution majeure, les cybercriminels s'efforcent de tirer parti des tensions géopolitiques et des difficultés économiques dues à l'inflation et à la récession. En 2023, l'incertitude économique continue de peser lourdement sur les entreprises, en particulier sur les petites et moyennes entreprises qui ne disposent pas toujours des budgets et des ressources nécessaires pour se prémunir des attaques. Si l'on ajoute à cela les pressions macroéconomiques, une cybersécurité efficace et abordable semblera presque impossible pour de nombreuses PME. Les acteurs malveillants continuent à faire évoluer leurs tactiques en cherchant à exploiter de nouveaux vecteurs d’attaques. En 2022, le phishing est resté la menace dominante à laquelle sont confrontés partic

Décryptage de l'attaque par ransomware du Centre Hospitalier de Versailles

  Par Cassie Leroux, Directrice Produit chez Mailinblack Après l’hôpital de Corbeilles Essonnes, c’est au tour de l'établissement hospitalier de Versailles, situé au Chesnay-Rocquencourt (Yvelines), d’être visé depuis samedi soir par une cyberattaque. Comment s’est-elle déroulée, quelles conséquences pour ses patients, et aurait-elle pû être évitée ? Décryptage de Cassie Leroux, Directrice Produit chez Mailinblack. Que savons-nous de cette attaque ? Cette cyberattaque vise l’ensemble de l'établissement, dont l'hôpital André-Mignot, la maison de retraite Despagne et l'hôpital Richaud à Versailles. L’hôpital continue de fonctionner, mais au ralenti ce lundi, ce qui perturbe sérieusement son activité. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour tentative d'extorsion.  Cette cyberattaque est de type Ransomware, un logiciel malveillant qui bloque l’accès à aux outils informatiques et aux données en les chiffrant. Dans ce type d’attaque, le hacker demande g