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Le retour du contrôle par QR code pour les JO de Paris 2024 n’est pas anodin

  Par  Yoann Nabat , Université de Bordeaux et Elia Verdon , Université de Bordeaux Vidéosurveillance algorithmique , scanners corporels , et désormais QR codes : les technologies de surveillance ont le vent en poupe pour sécuriser les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Largement utilisé lors de la crise sanitaire , le QR code se présente comme une petite image composée de carrés noirs sur fond blanc qui peut être scannée pour accéder à certaines informations. L’annonce de son retour a été faite par le ministère de l’Intérieur début avril, lors du dévoilement du plan de sécurité prévu pour la cérémonie d’ouverture des JO en juillet 2024. La présentation d’un QR code sera nécessaire pour entrer dans certaines zones pendant toute la durée des Jeux de Paris 2024 : autour des lieux de cérémonie, d’épreuves ou de vie des athlètes et personnels. Le but est de filtrer les entrées dans ces zones particulièrement sensibles au risque d’attentats. Si l’objectif de ce

Cette guerre de l’information qui menace les démocraties

cyberwar

Si la France entend muscler ses services de renseignements avec des campagnes de recrutements à la DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure) et des investissements importants à hauteur de 5 milliards d’euros consacrés au renseignement et à la contre-ingérence entre 2024 et 2030, selon la loi de programmation militaire, c’est parce que le monde est entré dans une guerre informationnelle, une guerre « que l’on n’a pas vu venir » selon l’expression de David Colon, professeur à Sciences Po, historien et spécialiste de la propagande, qui vient de publier « La guerre de l’information. »*

Conflits hybrides

« Sans que les opinions publiques en prennent conscience, les démocraties et les régimes autoritaires se sont engagés dans une guerre de l’information à l’échelle planétaire, au service de leur puissance, de leur influence internationale, que l’on peut définir comme la capacité à produire un effet sur les conduites des sociétés et des élites de pays étrangers, comme de leur pouvoir discursif, c’est-à-dire leur capacité à faire valoir leur récit et à maîtriser les discours les concernant sur la scène internationale », expose l’historien, qui souligne que « souvent, les campagnes informationnelles sont associées à des opérations de guerre irrégulières, dans le cadre de conflits hybrides, qui mêlent dans l’espace de combat des activités conventionnelles, non conventionnelles (diplomatiques, économiques, technologiques), irrégulières, terroristes et criminelles, en restant en deçà du seuil d’une guerre déclarée. » C’est peu dire que la guerre en Ukraine donne depuis 19 mois de nombreux exemples de cette guerre hybride.

« La guerre de l’information requiert de se doter de capacités d’espionnage et de surveillance électroniques, mais aussi de sécurisation des systèmes d’information et de piratage de ceux de l’adversaire. Le théâtre de ce nouveau type de conflit est la sphère informationnelle, ou infosphère », poursuit David Colon.

L’infosphère devient alors « un nouvel espace de conflictualité, qui s’ajoute aux terrains physiques (terre, mer, air, espace) et électromagnétiques », ce qui a obligé de nombreuses armées à se réorganiser, notamment en France où un commandement de la cyberdéfense a été créé en 2017.

Prochaine cible : les élections européennes

« Les acteurs principaux de la guerre de l’information sont d’abord les armées et les services de renseignement, qui se sont souvent dotés de systèmes de contrôle conçus pour accompagner les opérations militaires à toutes les échelles (tactique, opérationnelle, stratégique) et à tous les niveaux », souligne David Colon dont l’ouvrage raconte aussi combien « les démocraties ont souvent tardé à identifier la menace protéiforme que faisait peser sur elles le recours à la guerre de l’information par des États qui souhaitaient leur perte. »

Dans le chapitre consacré à la France, David Colon revient sur plusieurs épisodes qui ont ciblé la France, comme le piratage de la campagne d’Emmanuel Macron (les MacronLeaks) en 2017, l’activité des médias d’État russes RT France et Sputnik, les opérations d’influence de la Russie en Afrique contre la France.

La guerre de l’information est « une menace mortelle pour les démocraties » selon David Colon. Et les prochaines élections européennes pourraient ainsi bien être la cible de piratages informatiques et diffusion de fausses informations…

(Article publié dans La Dépêche du Midi du 1er octobre 2023)

Colon

La guerre de l'information: Les États à la conquête de nos esprits

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