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Deepfake, décryptage d’une arnaque

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Européennes 2024 : les réseaux sociaux luttent-ils contre l’abstention ?

 

Europe

Par Marie Neihouser, Institut catholique de Lille (ICL) et Anastasia Magat, Université Grenoble Alpes (UGA)

À la veille des élections européennes du 9 juin, la participation électorale est un enjeu majeur. Un électeur français sur deux s’était abstenu lors des élections européennes de 2019. En 2024, ce chiffre diminuerait très légèrement d’après un sondage (optimiste) d’Eurobaromètre.

Ainsi, 67 % des Français déclarent qu’ils iront probablement voter ce dimanche 9 juin. Les moins de 25 ans et les classes populaires forment les catégories sociales s’abstenant le plus. Face à ce manque d’engouement, les candidats tentent de mobiliser par tous les moyens, et notamment par les réseaux sociaux. C’est par exemple le cas de Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national pour ces élections. Le candidat mise sur ses bonnes performances sur TikTok notamment pour mobiliser les franges de la population les plus éloignées de la politique, et en particulier les jeunes. Mais les réseaux sociaux sont-ils vraiment en mesure de ramener aux urnes les publics les plus éloignés de la politique ? À la lumière des conclusions d’un chapitre « Les votes se jouent-ils sur les réseaux sociaux ? » co-écrit dans l’ouvrage collectif Citoyens et partis après 2022. Éloignement, Fragmentation, paru en mai 2024, nous proposons ici quelques éléments de réponse.

Les réseaux sociaux démocratisent la politique

Lors de l’élection présidentielle de 2022, presque un tiers des moins de 35 ans déclaraient, selon l’enquête PEOPLE 2022, avoir consulté, partagé ou commenté du contenu en lien avec l’élection sur les réseaux sociaux. Ainsi, chez les jeunes, les réseaux sociaux pourraient favoriser la participation politique en permettant une mobilisation plus épisodique et flexible, correspondant à un nouveau rapport au politique.

Toujours d’après l’enquête People 2022, parmi celles et ceux qui adoptent ces pratiques politiques en ligne, 36 % appartiennent aux classes populaires (ouvriers et employés) et 15 % à des professions intermédiaires (par exemple infirmiers, professeurs des écoles et techniciens). Le fait de ne pas arriver à boucler ses fins de mois apparaît également comme une caractéristique sociale favorable aux pratiques politiques en ligne, sans que l’on ne comprenne encore vraiment pourquoi.

Les réseaux sociaux semblent donc démocratiser la politique pour des catégories de population traditionnellement plus éloignées, en réduisant les contraintes en termes de temps ou encore de compétences spécifiques habituellement rattachées aux activités politiques. Les individus peuvent s’informer n’importe où, n’importe quand et de manière moins formelle sur les réseaux sociaux, même si ces derniers peuvent être décriés pour leur manque de fiabilité quant aux informations qu’ils diffusent.

Conscients de cet état de fait, les candidats intègrent de plus en plus intensément les réseaux sociaux dans leur stratégie de communication politique. Ils multiplient leurs présences en ligne, tant sur Twitter, Facebook ou YouTube, que, désormais, sur Instagram, TikTok ou encore Twitch.

Jordan Bardella illustre parfaitement cet usage intensif des réseaux sociaux avec 1,3 million d’abonnés sur TikTok et 500 000 abonnés et 1 323 posts sur Instagram. En effet, chaque plate-forme attire des publics relativement différenciés, Facebook étant plutôt représentative de la population française en termes d’âge et de catégories socioprofessionnelles quand TikTok, Instagram ou Twitch attirent les plus jeunes et X les plus intéressés par la politique. En étant présents sur un maximum de plates-formes, les candidats espèrent donc toucher un maximum de population.

Continuité en ligne et hors ligne de la politisation

Pourtant, si l’usage des réseaux sociaux est en croissance constante dans la population française – 47 % des Français déclarent s’être informés sur la campagne présidentielle de 2022 au moins une fois via les réseaux sociaux publics (Instagram, Twitter, etc.) –, seulement 8,9 % le font régulièrement.

Surtout, les usages politiques actifs (like, commentaire ou partage de contenu en lien avec la campagne) des réseaux sociaux restent moins fréquents que les usages dits passifs (consommation d’information). Parmi toutes les pratiques politiques, ce sont celles qui demandent le moins d’engagement qui sont les plus fréquentes dans la population française. Ainsi, d’après l’enquête PEOPLE 2022 : si 47,1 % des Français déclarent avoir consulté du contenu en lien avec la campagne de 2022 sur les réseaux sociaux, les chiffres tombent à 28,2 % pour celles et ceux qui déclarent avoir commenté de tels contenus et à 26,3 % concernant le partage.

En miroir, 86,6 % des personnes interrogées déclarent avoir parlé de la campagne hors ligne et 69,5 % avoir lu des tracts de campagne. 19,2 % ont par ailleurs assisté à un événement politique (meeting, etc.) et 18,6 % ont rencontré des militants.

Ces chiffres démontrent donc que l’adoption de pratiques politiques en ligne – et même hors ligne – reste encore largement discriminante. Elle est en effet largement déterminée par le niveau d’intérêt pour la politique des individus. De plus, les pratiques politiques en ligne ont tendance à se cumuler : un individu qui commente du contenu en lien avec la campagne aura aussi tendance à en partager et à en liker, et ce, sur plusieurs plates-formes.

Elles viennent par ailleurs bien souvent compléter une participation politique hors ligne. En effet, les pratiques politiques en ligne sont fonction de l’intensité de l’engagement militant des personnes. Les plus militants sont donc non seulement actifs sur les réseaux sociaux mais ils sont aussi – et surtout ! – ceux qui se rendent le plus régulièrement jusqu’aux urnes. Ainsi, huit personnes sur 10 qui déclarent trois pratiques en ligne ont voté aux deux tours de l’élection présidentielle de 2022. Plutôt qu’une politisation uniquement en ligne, les réseaux sociaux participent donc davantage à une continuité de la politisation, tant pour s’informer que pour participer. En conséquence, ce sont bien les pratiques politiques hors ligne qui continuent à déterminer la participation électorale.

Les réseaux sociaux seuls ne favorisent pas le vote

Une plus grande information ou familiarité avec la politique ne conduit pas nécessairement au vote. En effet, la participation électorale et le choix du candidat sont multi-déterminés et la politisation sur les réseaux sociaux ne suffit pas. Le fait d’aller voter reste avant tout motivé par le fait d’avoir déjà voté aux élections précédentes et par l’adoption de pratiques politiques hors ligne, comme la lecture de tracts ou la discussion avec des militants. Les partis politiques n’auraient donc pas intérêt à délaisser les techniques plus « traditionnelles » pour mobiliser leur électorat.

D’autant plus que les réseaux sociaux ne sont pas les seuls canaux d’accès à l’information. La télévision reste d’ailleurs le canal prioritaire pour s’informer lors des campagnes électorales – notamment chez les plus âgés. Un Français sur deux s’est informé via la télévision lors de la campagne présidentielle de 2022.

Certes, il est loin le temps des 30 millions de téléspectateurs pour le débat d’entre-deux-tours entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand. Cependant, même pour des élections moins populaires comme les européennes, le débat des têtes de liste du 27 mai 2024 organisé par BFMTV a tout de même réuni 4,8 % de l’audience. Plutôt qu’une opposition entre médias traditionnels et réseaux sociaux, nous constatons d’ailleurs une convergence informationnelle avec des individus plus actifs dans leur information mêlant divers canaux. De même, la production médiatique s’articule entre les médias traditionnels et les réseaux sociaux. Ainsi, les débats télévisés entre candidats sont commentés par la presse comme le Live du journal Le Monde, ou sur Twitter.

Au final, et pour répondre à notre question initiale, nous constatons que les réseaux sociaux ne permettent pas, à eux seuls, de lutter contre l’abstention. Ainsi, même si la nouvelle application TenTen, très en vogue chez les jeunes, appelle directement tous les citoyens à aller voter, la participation électorale risque de rester « en mode avion » dimanche 9 juin.The Conversation

Marie Neihouser, Chercheuse en science politique, Université de Toulouse, chercheuse associée au CERTOP et à ESPOL-Lab, Institut catholique de Lille (ICL) et Anastasia Magat, Doctorante en sociologie, Sciences Po Grenoble, Université Grenoble Alpes (UGA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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