Accéder au contenu principal

Sur Internet, des adolescents confrontés de plus en plus jeunes à des images pornographiques

Par  Laurence Corroy , Université de Lorraine Si les adolescentes et adolescents se retrouvent confrontés de plus en plus précocement à de la pornographie en ligne, il leur est très difficile d’aborder le sujet avec des adultes. Retour sur une enquête de terrain alors que les éditeurs de sites sont sommés d’instaurer un contrôle d’âge pour l’accès à ces contenus sensibles. Dès que l’on parle des adolescents et de leurs relations au numérique, les débats se polarisent, sans qu’il y ait nécessairement le réflexe de recueillir leur témoignage. En recherche, il est pourtant extrêmement important de leur donner la parole, ce qui permet de mieux mesurer leur capacité d’analyse et de distance vis-à-vis des messages médiatiques. Dans le cadre de l’étude Sexteens , menée en Grand Est, nous avons rencontré plus d’une soixantaine d’adolescents pour évoquer avec eux les représentations de la sexualité et de l’amour dans les séries pour ados qu’ils regardent. Ces séries on...

L’Europe veut s’armer contre la cybercriminalité avec le Cyber Resilience Act

 

cybersecurity

Par Patricia Mouy, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Sébastien Bardin, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

Assez des cyberattaques ? La loi sur la cyberrésilience, ou Cyber Resilience Act a été adoptée par les députés européens le 12 mars dernier et arrive en application dans les mois à venir, avec l’ambition de changer la donne en termes de sécurité des systèmes numériques en Europe.

Alors que les systèmes numériques sont littéralement au cœur des sociétés modernes, leurs potentielles faiblesses face aux attaques informatiques deviennent des sources de risques majeurs – vol de données privées, espionnage entre états ou encore guerre économique. Citons par exemple le cas de Mirai, attaque à grande échelle en 2016, utilisant le détournement de dispositifs grand public comme des caméras connectées pour surcharger des domaines Internet d’entreprise, attaque de type DDoS (déni de service distribué). Mirai a entrainé entre autres l’arrêt ou des difficultés majeures dans les accès à de grands sites comme GitHub, Netflix ou Reddit. Les dispositifs connectés grand public sont la cible privilégiée de ce genre d’attaque.

Pour les systèmes informatiques critiques (dispositifs de santé connectés, cartes à puce, transports autonomes) le besoin de sécurité est donc toujours plus élevé. Une régulation stricte en matière de cybersécurité a été rendue obligatoire et concerne des milliers d’entités appartenant à plus de dix-huit secteurs jugés sensibles (banques et infrastructures financières, transports, santé, infrastructures et fournisseurs de services numériques, etc.). Cependant, la cybermenace ne s’arrête pas à ces secteurs sensibles et critiques. Les attaques visent aussi de multiples secteurs et les particuliers non concernés par ces précédentes directives de cybersécurité.

Sécuriser tous les secteurs, pas seulement les plus critiques

Le Cyber Resilience Act vise désormais la totalité des secteurs sans distinction, avec l’ambition de changer la donne en termes de sécurité des systèmes numériques utilisés en Europe. Comme annoncé par Nicola Danti, député européen, « La loi sur la cyberrésilience renforcera la cybersécurité des produits connectés, en s’attaquant aux vulnérabilités matérielles et logicielles, faisant de l’UE un continent plus sûr et plus résilient ». Par « produits connectés » s’entendent bien sûr les montres connectées, les smartphones, toute domotique connectée, mais également les logiciels de gestion d’identité ou les gestionnaires de mots de passe. Concrètement, cela imposera d’avoir des configurations sécurisées avec mises à jour gratuites mais aussi une totale transparence envers le consommateur sur les vulnérabilités.

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le Cyber Resilience Act (CRA). La plupart des produits matériels et logiciels ne sont actuellement couverts par aucune législation européenne traitant de leur cybersécurité et, de plus, ne fournissent qu’un faible niveau de sécurité, souvent peu ou pas documenté. Le but de cette législation est donc à la fois de créer les conditions nécessaires au développement de produits sécurisés dès la conception mais aussi de veiller à ce que les fabricants prennent la sécurité au sérieux tout au long du cycle de vie d’un produit.

La loi européenne sur la cyberrésilience va donc beaucoup plus loin que les directives précédentes, en s’attaquant à tout système numérique connecté directement ou indirectement. Dans le rapport associé, la Commission européenne indique que cette loi provient du constat de vulnérabilités généralisées et d’un manque d’informations auprès des utilisateurs pour choisir des produits dont le niveau de sécurité est satisfaisant. Les cyberattaques sont ainsi de plus en plus fructueuses pour les criminels, avec un coût estimé à 5 500 milliards de dollars dans le monde en 2021.

Garantir la cybersécurité tout au long de la production

En s’adressant à tous les systèmes numériques, les exigences de cybersécurité poussées par le CRA concernent tous les fabricants et développeurs de produits contenant des éléments numériques matériels ou logiciels. Ces exigences s’appliquent dès la conception des produits mais aussi tout au long de leur cycle de vie, dont leur mise à jour. L’enjeu est énorme mais les défis à surmonter sont notables :

  1. être capable d’évaluer tout type de systèmes numériques, afin d’améliorer la qualité générale des écosystèmes numériques ;

  2. s’adapter à la complexité croissante des systèmes numériques et à l’évolution de leurs modes de production ;

  3. s’adapter à la complexité toujours plus croissante des attaques.

Le but étant d’encourager et d’étendre la mise en place des meilleures pratiques en matière de cybersécurité et d’inciter les fabricants à jouer la carte de la prévention, par exemple en affichant les exigences de sécurité sur les produits. On pourrait imaginer que par la suite, d’autres acteurs (marché, assurance…) donnent eux aussi des incitations en ce sens, permettant au final de monter le niveau général de cybersécurité, et ceci aux deux extrémités du spectre, des systèmes très simples aux systèmes sécurisés.

Des défis encore à relever

Cependant, ces avancées souhaitables vont exercer une pression forte à la fois sur les développeurs et sur le besoin en évaluateurs de ces systèmes, des experts en cybersécurité qui représentent une denrée rare. Une partie de la solution peut passer par outiller au maximum les experts et les développeurs, pour rendre les procédures de développement sécurisé et d’évaluation sécuritaire plus efficaces.

D’une part, il est possible d’envisager des analyses de la sécurité des produits quasiment automatiques pour assurer un audit basique de sécurité. D’autre part, la conception d’outils d’analyses avancés et interactifs permettrait à l’expert d’effectuer en un temps raisonnable des analyses de sécurité en profondeur. Ces outils devront être dotés d’une modélisation fine des attaquants afin de permettre de considérer des menaces toujours plus sophistiquées.

La France dispose historiquement d’experts de premier plan en évaluation sécuritaire. Mais face à l’augmentation du nombre de systèmes à évaluer et de leur diversité, ainsi que l’augmentation drastique de la complexité des attaques et des systèmes à évaluer, il est aujourd’hui indispensable de les épauler avec de nouvelles avancées scientifiques et techniques.

Développer de nouvelles techniques pour évaluer la sécurité des produits

Le projet SecurEval a justement pour objectif l’avancement des connaissances et la production d’outils dans le domaine de l’évaluation de la sécurité des systèmes numériques. Il se focalise en particulier sur la sécurisation de systèmes et de composants existants, a contrario d’approches de type « security by design », qui vont intégrer des contraintes de développement sécurisé dès la conception. Le but à terme est de proposer comme preuve de concept une chaîne d’outils provenant des laboratoires de recherche français à la pointe sur ces sujets pour proposer une solution complète pour l’évaluation de différentes propriétés de sécurité, allant de la recherche de vulnérabilités à la preuve formelle du respect de propriétés de sécurité.

Afin de répondre à cet objectif, des travaux de recherche sont menés au sein du projet SecurEval pour refondre les techniques d’analyse de code. L’objectif est de se fonder sur** des modélisations mathématiques fines et non sur des méthodes empiriques et incertaines et de développer des outils pour appliquer automatiquement ces techniques. Il faut ensuite adapter ces outils aux objectifs de l’évaluation de sécurité et au passage à l’échelle de systèmes de plus en plus complexes.

Par exemple, les partenaires du consortium de SecurEval spécialisés en évaluation formelle, sécuritaire et en analyse de programmes travaillent main dans la main pour adapter leurs outils de certification de systèmes critiques au cadre cybersécuritaire plus large imposé par le CRA. Ils proposent des techniques d’analyse automatisées couvrant au maximum les différentes étapes du processus de certification, de la vérification de conformité avec la politique de sécurité choisie jusqu’à l’analyse des vulnérabilités. Il s’agit aussi de prendre en compte les particularités du domaine et du cyberattaquant considéré : quels sont ses objectifs (par exemple, fuite d’informations ou de prise de contrôle du système) ou quels sont ses moyens (types de cyberattaques).

Le Cyber Resilience Act a été voté par le Parlement en mars 2024, pour une entrée en vigueur attendue dans le courant de l’année. Les acteurs concernés (fabricants, importateurs et distributeurs de matériel et de logiciels) auront alors trois ans pour s’adapter à ces nouvelles exigences, ce qui amènera des modifications notables dans leurs pratiques ainsi qu’une cybersécurité accrue dans l’écosystème numérique européen.


Le PEPR Cybersécurité et son projet SecurEval (ANR-22-PECY-0005) sont soutenus par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.The Conversation

Patricia Mouy, Responsable de laboratoire sur la sûreté et sécurité des logiciels et reponsable de l'axe tranverse Cybersécurité du CEA-List, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Sébastien Bardin, Chercheur Senior au CEA List, Fellow, Responsable du groupe "Analyse de code binaire pour la sécurité", PhD, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté...

Quelle technologie choisir pour connecter les objets ?

Par Frédéric Salles, Président et co-fondateur de Matooma   En 2021, le nombre total d'objets connectés utilisés atteindra les 25 milliards selon Gartner. Il est ainsi légitime de se demander quelles sont les technologies principales permettant de connecter les objets, et quelle pourrait être celle la plus adaptée pour sa solution. Un projet de vidéosurveillance par exemple n'aura absolument pas les mêmes besoins qu'un projet basé sur le relevé de température au milieu du désert. Ainsi pour trouver la meilleure connectivité pour son objet, de nombreuses questions peuvent se poser : mon objet fonctionne-t-il sur batterie ou est-il alimenté ? Mon objet restera-t-il statique ou sera-t-il mobile ?  Mon objet est-il susceptible d'être dans un endroit difficile d'accès ou enterré ? A quelle fréquence mes données doivent-elles remonter ? Etc. Voici les différentes solutions actuellement disponibles sur le marché. Courte distance : RFID/Bluetooth/WiFi La RFID (Ra...

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl...

6 questions sur Zone-telechargement

Quel était ce site ? Zone-telechargement.com était jusqu'à lundi soir l'un des plus gros sites web français proposant de télécharger des contenus numériques illégaux. En grande majorité des films parfois très récents ; des séries télé notamment américaines qui n'étaient pas diffusées en France ; de la musique ; des logiciels et des jeux vidéo. Les séries et les films étaient disponibles en différentes qualités et ceux en langue anglaise étaient sous-titrés grâce à des communautés d'utilisateurs capables de sous-titrer des épisodes de série 24 heures après leur diffusion aux États-Unis. Le site comptabilisait, selon la gendarmerie, en moyenne 140 millions de pages vues par mois et 11 000 téléchargements par jour. La société Alexa affichait Zone-Telechargement à la 11e place des sites les plus visités de France… devant Twitter ! Zone-Telechargement proposait 18 000 films, 2 500 séries télé ; 11 000 documentaires ; 20 943 émissions télé ; plus de 150 000 MP3 mais aus...

Deepfakes, vidéos truquées, n’en croyez ni vos yeux ni vos oreilles !

Par  Divina Frau-Meigs , Auteurs historiques The Conversation France Les spécialistes en fact-checking et en éducation aux médias pensaient avoir trouvé les moyens de lutter contre les « deepfakes » , ou hypertrucages , ces manipulations de vidéos fondées sur l’intelligence artificielle, avec des outils de vérification comme Invid-Werify et le travail des compétences d’analyse d’images (littératie visuelle), avec des programmes comme Youverify.eu . Mais quelques cas récents montrent qu’une nouvelle forme de cyberattaque vient de s’ajouter à la panoplie des acteurs de la désinformation, le deepfake audio. Aux États-Unis, en janvier 2024, un robocall généré par une intelligence artificielle et prétendant être la voix de Joe Biden a touché les habitants du New Hampshire, les exhortant à ne pas voter, et ce, quelques jours avant les primaires démocrates dans cet État. Derrière l’attaque, Steve Kramer, un consultant travaillant pour un adversaire de Biden, Dean ...

D’IBM à OpenAI : 50 ans de stratégies gagnantes (et ratées) chez Microsoft

  Paul Allen et Bill Gates en 1970 à Lakeside School (Seattle). Microsoft naîtra cinq ans plus tard. Auteur inconnu/Wikimedia Par  Frédéric Fréry , ESCP Business School Insubmersible. Même la vague des Gafa n’a pas vraiment atteint Microsoft. Cinquante ans après sa création, soit une éternité dans le monde de la tech, la firme de Bill Gates et Paul Allen est toujours là et bien là. Retour sur ce qu’on appelle outre-Atlantique, une success-story avec quelques échecs. Cette semaine, Microsoft fête ses 50 ans. Cet article a été écrit sur Microsoft Word, à partir d’un ordinateur équipé de Microsoft Windows, et il sera vraisemblablement publié sur des plateformes hébergées par Microsoft Azure, notamment LinkedIn, une filiale de Microsoft qui compte plus d’un milliard d’utilisateurs. C’est dire l’influence de cette entreprise qui, en 2024, a dégagé un bénéfice net de 88 milliards de dollars po...