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Sur Internet, des adolescents confrontés de plus en plus jeunes à des images pornographiques

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Un an après l’AI Act, l’Europe face à ses disparités en matière d’intelligence artificielle

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Un an après l’entrée en vigueur de l’AI Act, le règlement européen destiné à encadrer juridiquement le développement de l’intelligence artificielle (IA), une première photographie des perceptions et usages se dessine sur le Vieux Continent. Menée par Norstat et Strategir, une enquête comparative auprès des citoyens français, italiens, allemands et danois met en lumière une réalité contrastée : si l’IA se diffuse, elle ne le fait ni au même rythme, ni de la même manière, ni avec les mêmes acceptations selon les pays.

Familiarité inégale, maturité contrastée

Le niveau de familiarité avec l’IA constitue le premier révélateur d’un clivage européen. Alors que 56 % des Danois se disent familiers de ces technologies, seuls 39 % des Français partagent cette affirmation. L’Italie (46 %) et l’Allemagne (46 %) s’inscrivent dans une moyenne intermédiaire. L’écart est d’autant plus significatif que 27 % des Français déclarent avoir entendu parler de l’IA pour la première fois il y a moins de six mois — contre seulement 4 % des Danois.

Les canaux de découverte varient eux aussi. En France, 55 % des répondants identifient les médias comme leur principale source de connaissance, loin devant le travail (10 %). Le Danemark, tout en plaçant également les médias en tête (41 %), présente une pénétration plus forte dans le monde professionnel (15 %). En Italie, ce sont les réseaux sociaux qui prédominent (32 %), un chiffre bien plus élevé qu’en Allemagne ou en France (23 % chacune).

Lente démocratisation de l’IA générative

Plus spécifique, l’IA générative reste encore mal comprise à travers l’Europe. Seuls 15 % des sondés — tous pays confondus — affirment pouvoir expliquer de quoi il s’agit. Pourtant, 50 % des Français en ont déjà entendu parler, contre 60 % des Danois. Là encore, l’ancrage culturel et social joue un rôle clé : au Danemark, 19 % l’ont découverte par le bouche-à-oreille, contre 12 % en France, signe que la technologie s’est davantage diffusée dans la sphère quotidienne.

Le déclencheur de l’usage diverge : en Allemagne, 39 % évoquent la curiosité technologique, alors qu’en France, c’est un contenu médiatique ou numérique (article, vidéo, réseaux sociaux) qui pousse 23 % des répondants à expérimenter l’IA. En Italie, 13 % y voient une solution pour gagner du temps, contre 9 % en France.

Des usages privés, masculins, et liés au texte

L’usage régulier de l’IA générative reste modeste mais significatif. En France, 30 % des citoyens l’ont déjà utilisée dans un cadre personnel — un chiffre proche de l’Italie (32 %), du Danemark (35 %) et de l’Allemagne (37 %). Les utilisateurs sont majoritairement des hommes (54 %), âgés en moyenne de 40 ans.

La fréquence d’utilisation est plus soutenue en Italie et en France : 45 % des Italiens et 44 % des Français déclarent s’en servir plusieurs fois par semaine voire quotidiennement. Sans surprise, ce sont les générateurs de texte qui dominent : utilisés par 91 % des Français93 % des Italiens90 % des Danois, et 89 % des Allemands. L’Allemagne explore davantage les générateurs d’images (37 %, contre 27 % en France) et de musique (13 %, contre 6 % au Danemark).

Des fonctions pratiques et ludiques selon les pays

Les usages de l’IA générative révèlent des tendances culturelles. En France, elle est perçue comme un assistant du quotidien : 50 % des utilisateurs s’en servent pour corriger des documents ou aider à la rédaction, 38 % pour cuisiner, 27 % pour des conseils d’achat. En Italie, elle devient un outil d’apprentissage : 68 % l’utilisent en support informatique, 64 % pour leurs études, 51 % pour se tenir informés. En Allemagne, l’usage est majoritairement rédactionnel (81 %) et parfois intime (16 % l’emploient comme compagnon virtuel). Le Danemark se distingue par un usage plus professionnel, tout en montrant des pratiques originales : 24 % y utilisent l’IA pour la planification de cadeaux.

Réactions ambivalentes, défiance française

Si les usages se précisent, les perceptions restent partagées. 25 % des Français ont une opinion négative sur l’IA en général, contre 12 % au Danemark. L’opinion positive ne dépasse pas 36 % en France, quand elle grimpe à 51 % au Danemark. Sur l’IA générative, les Français sont équilibrés entre opinions favorables (30 %) et critiques (32 %). Les Italiens se montrent plus enthousiastes (38 % positifs21 % négatifs). Une fois utilisée, l’IA générative inspire toutefois une opinion plutôt positive : 84 % des Français ont apprécié les générateurs d’images, contre 66 % des Danois, plus réservés.

L’IA séduit par son utilité, inquiète par ses dérives

Le gain de temps reste l’avantage principal : 42 % des Italiens le citent, contre 35 % des Français, 34 % des Allemands, et 33 % des Danois. Mais chaque pays y projette un bénéfice particulier : créativité et loisirs en France, automatisation en Allemagne, développement des compétences en Italie. Pourtant, la moitié des Européens considèrent l’IA générative encore limitée dans ses capacités : 55 % des Français64 % des Allemands51 % des Italiens et des Danois.

Des peurs bien ancrées

Les craintes sont aussi révélatrices des cultures nationales : en France et en Italie, on redoute un appauvrissement de la créativité (62 % et 58 %) et une dépendance accrue (44 % et 48 %). En Allemagne, les inquiétudes portent sur la protection des données (53 %) et le contrôle exercé sur l’IA (50 %). Le Danemark, plus confiant, s’inquiète de la qualité des résultats (32 %). Pourtant, 78 % des Français redoutent une trop grande dépendance, et 77 % réclament une régulation renforcée, un record européen.

Une révolution perçue… mais pas univoque

Malgré ces réservesla moitié des Européens estiment que l’IA générative aura un impact supérieur à celui des smartphones ou d’internet. Mais entre fascination et prudence, la révolution est accueillie sans euphorie. « Les Français se distinguent par une méfiance plus marquée, souhaitant une régulation accrue. Malgré ces réserves, la moitié des Européens voient l’IA comme une révolution technologique majeure. », observent Léa Dupush et Tesha Klotz, directrices d’études chez Strategir.

Regards croisés : une Europe lucide sur ses écarts

Enfin, l’étude offre un miroir original : celui du regard que les Européens portent sur les autres en matière de maturité IA. Les Suédois sont perçus comme les plus avancés (78 % chez les Français), suivis des Allemands, Danois, Norvégiens. Les Français s’estiment eux-mêmes plus matures (58 %) que les autres ne les perçoivent (42 % chez les Danois). Les méditerranéens, eux, sont vus comme les moins avancés, y compris par eux-mêmes.

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