Dans un monde saturé d’écrans, de plateformes et de contenus à la demande, la télévision linéaire, qu’on disait en sursis, révèle une capacité de résistance que peu d’observateurs anticipaient. C’est l’enseignement principal de l’édition 2025 du rapport Une année de télévision dans le monde, publié par Médiamétrie – Glance. En 2024, les téléspectateurs de 86 pays ont passé en moyenne 2 h 19 par jour devant leur téléviseur – un chiffre certes orienté à la baisse chez les jeunes adultes (1 h 25), mais qui souligne un fait central : la télévision continue de rassembler, au moment même où les usages se dispersent.
C’est dans le direct que la télévision puise sa force. Près de 90 % du temps de visionnage est encore dédié à des programmes diffusés en temps réel ou en retransmission immédiate. Le sport, événement total et fédérateur, en est la meilleure incarnation. L’Euro de football en Allemagne et surtout les Jeux olympiques de Paris ont galvanisé les audiences en 2024, permettant à des chaînes publiques européennes – comme la BBC One au Royaume-Uni ou ZDF en Allemagne – de regagner du terrain. Outre-Atlantique, le Super Bowl a enregistré ses meilleures performances historiques, avec des hausses spectaculaires d’audience : + 7 % aux États-Unis, + 52 % au Canada.
Mais la télévision ne vit pas que de rendez-vous collectifs. Elle évolue, s’adapte, investit dans de nouvelles formes narratives. L’étude révèle qu’en 2024, 38 % des séries présentes dans les tops 10 des 70 pays analysés étaient des nouveautés – un bond de 24 % en un an. The Tale of Lady Ok, fiction coréenne portée par un personnage féminin, a quadruplé l’audience de sa case sur JTBC. Whiskey On The Rocks, satire historique suédoise, a conquis le public en faisant dialoguer passé et présent.
Nouveaux formats
Côté divertissement, les marques-programmes solides – Danse avec les stars, Mask Singer – demeurent incontournables dans de nombreux pays. Mais une nouvelle tendance émerge, à la croisée du contenu et de la publicité : le branded entertainment. Celebrity Send Off, diffusé au Royaume-Uni, en est un exemple frappant : un duo de célébrités organise de fausses funérailles, avec le soutien… d’une entreprise de pompes funèbres. L’humour noir devient outil marketing, et la frontière entre narration et promotion s’estompe.
Face à ces évolutions, la mesure d’audience devient un enjeu stratégique. Partout dans le monde, les instituts renforcent leurs méthodologies pour intégrer les usages numériques (preview, hors domicile, replay, SVoD, AVoD…). L’Australie, l’Allemagne, l’Italie, la France ou le Royaume-Uni développent désormais des dispositifs mixtes qui tentent de refléter la réalité plurielle des consommations.