Une note de l’Institut Montaigne intitulé « Puissance spatiale : le réveil de la France » tire le signal d’alarme sur la stratégie spatiale française. Depuis quinze ans, la France et l’Europe ont laissé s’éroder leur position dans l’espace, en se contentant d’une gestion technocratique du secteur, sans vision stratégique claire, estime le texte qui appelle à une refondation.
La France, affirme-t-il, dispose encore de compétences exceptionnelles, mais faute de choix structurants, elle risque de décrocher définitivement, au profit des États-Unis, de la Chine ou de puissances émergentes comme l’Inde. La note pointe des fragilités multiples.
En matière de connectivité, la France, par exemple dépend toujours de Starlink - on l’a vu à Mayotte dévastée par un ouragan. Ses capacités d’alerte avancée reposent sur des technologies étrangères, elle a raté le virage des constellations, n’a pas structuré sa stratégie autour de la réutilisabilité des lanceurs et reste absente des projets crédibles de vol habité ou d’exploration lunaire. Pire encore, selon l’Institut, le manque de cohérence budgétaire, les lourdeurs administratives et l’obsession de la perfection technique freinent l’émergence de nouveaux acteurs.
Mais cette analyse ne se limite pas à une critique et l’Institut Montaigne propose une refonte complète de la politique spatiale française, à commencer par une autonomie réelle sur les segments critiques. Cela suppose de renforcer les programmes d’observation optique, de garantir une alerte missile nationale, de soutenir OneWeb face à Starlink, et d’accélérer le développement du signal PRS de Galileo pour réduire la dépendance au GPS. Il s’agirait aussi de concevoir une constellation européenne multi-capteurs, intégrée, modulaire, capable de répondre aux besoins en renseignement, en navigation, en connectivité et en surveillance de l’espace.
La vision défendue par l’institut va au-delà du segment militaire et inclut la relance d’une ambition d’exploration humaine, avec le développement d’une capsule habitée européenne, issue d’un projet de cargo spatial, et la création d’un planeur hypersonique à double usage. Cette relance nécessiterait une contractualisation agile, inspirée du modèle de la NASA, où l’État agit en tant que client d’ancrage, garantissant des volumes d’activité sans brider l’innovation technique. Elle appellerait également un changement culturel, acceptant l’échec comme étape du processus d’innovation et favorisant l’émergence d’acteurs privés capables de fabriquer vite, bien, et à coûts maîtrisés.
Le gouvernement planche sur une stratégie spatiale
Le gouvernement n’est pas sourd à ces préoccupations. Le 6 mars dernier, le Premier ministre François Bayrou a confié au SGDSN la mission de coordonner l’élaboration d’une stratégie spatiale nationale, en lien avec les ministères concernés, le CNES, et les grands acteurs publics et privés du secteur. Ce texte, attendu à l’été 2025, devra répondre aux grands enjeux identifiés : accès à l’espace, sécurité des infrastructures orbitales, autonomie de décision, innovation industrielle, coopération européenne.
Mais à ce stade, l’initiative de Matignon reste une promesse car les arbitrages budgétaires, technologiques, industriels n’ont pas été rendus.
France 2030, lancé en 2021, avait pourtant anticipé une partie des besoins. Son volet spatial, doté de 1,5 milliard d’euros, visait à structurer une filière agile autour des mini-lanceurs, des constellations de services et du soutien aux start-up. Il a permis de dessiner les contours d’un New Space à la française. Mais ses effets restent encore limités et dispersés. Il manque un véritable chef d’orchestre stratégique nuit à la cohérence d’ensemble.