Selon une étude exclusive menée par Preply et Censuswide, les réseaux sociaux modifient la manière dont les Français s’expriment. Fautes, anglicismes et familiarités progressent, surtout chez les jeunes générations, tandis que les plus âgés résistent davantage à cette mutation linguistique.
Langage, syntaxe, orthographe : la conversation numérique a ses propres codes, et ils s’invitent désormais dans la vie quotidienne. C’est ce que révèle l’étude publiée par la plateforme d’apprentissage des langues Preply, menée avec l’institut Censuswide auprès de 1 500 Français. À la question simple — « Pensez-vous que les réseaux sociaux affectent votre langage ? » —, quatre Français sur dix répondent oui. Une donnée qui illustre la pénétration croissante du langage numérique dans la sphère personnelle comme professionnelle.
Le premier constat de l’enquête est sans appel : 40 % des Français estiment que les réseaux sociaux influencent leur manière de parler ou d’écrire. Pour 23 % d’entre eux, cette influence se traduit par une hausse des fautes d’orthographe. Près d’un Français sur cinq (19 %) déclare utiliser davantage de mots anglais depuis qu’il fréquente ces plateformes, et 10 % reconnaissent adopter un ton plus familier.
Si 59,6 % assurent ne pas ressentir d’impact particulier, un Français sur dix s’inquiète tout de même d’une possible altération du langage à long terme. L’usage intensif d’outils numériques, de messageries instantanées et de formats courts favorise en effet un style direct, souvent déstructuré, où l’oralité s’invite dans l’écrit.
L’effet générationnel apparaît déterminant. Près des trois quarts des 16-24 ans (73,4 %) déclarent que leur langage est influencé par les réseaux sociaux, contre à peine 20 % chez les 55 ans et plus. La baisse est régulière à chaque tranche d’âge : 70,6 % chez les 25-34 ans, 45,5 % chez les 35-44 ans. Ce gradient révèle un clivage linguistique entre générations, accentué par la culture du numérique et la vitesse d’échange qu’elle impose.
Le niveau de français n’échappe pas à cette transformation. Chez les 16-24 ans, 42 % affirment faire davantage de fautes, un chiffre qui chute à 35 % pour les 25-34 ans, puis à 29 % pour les 35-44 ans. Les 55 ans et plus, moins exposés aux plateformes, ne sont que 11 % à partager ce constat. Pour beaucoup, la maîtrise de l’orthographe cède à la rapidité du message : une orthotypographie plus souple, plus phonétique, et une tolérance croissante à l’erreur.
L’anglais, lui, s’impose comme la lingua franca du web. L’étude montre que 37 % des 16-24 ans et 40 % des 25-34 ans utilisent davantage de mots anglais depuis qu’ils fréquentent Instagram ou TikTok. Là encore, la tendance s’atténue avec l’âge : 29 % chez les 35-44 ans, 18 % chez les 45-54 ans, et seulement 6 % chez les plus de 55 ans. L’usage du lexique numérique — post, like, trend, cringe — franchit la frontière entre écran et conversation quotidienne, participant d’une hybridation linguistique inédite.
Ces résultats traduisent une mutation plus large du rapport à la langue : moins normative, plus vivante, mais aussi plus fragmentée. Pour certains linguistes, les réseaux sociaux ne « dégradent » pas le français ; ils le réinventent au rythme des échanges. Pour d’autres, la perte de rigueur grammaticale et la montée des anglicismes annoncent un affaiblissement du socle commun.
Reste que le langage, reflet des pratiques sociales, s’adapte aux usages numériques. Écrire sur les réseaux, c’est parler à la vitesse de la notification : un nouveau mode d’expression, où l’économie de mots, l’humour visuel et la connivence remplacent souvent la phrase structurée. Le français d’aujourd’hui s’y modèle, entre influence et inventivité, dans un espace où chaque génération forge sa propre grammaire du quotidien.
