Accéder au contenu principal

Sur Internet, des adolescents confrontés de plus en plus jeunes à des images pornographiques

Par  Laurence Corroy , Université de Lorraine Si les adolescentes et adolescents se retrouvent confrontés de plus en plus précocement à de la pornographie en ligne, il leur est très difficile d’aborder le sujet avec des adultes. Retour sur une enquête de terrain alors que les éditeurs de sites sont sommés d’instaurer un contrôle d’âge pour l’accès à ces contenus sensibles. Dès que l’on parle des adolescents et de leurs relations au numérique, les débats se polarisent, sans qu’il y ait nécessairement le réflexe de recueillir leur témoignage. En recherche, il est pourtant extrêmement important de leur donner la parole, ce qui permet de mieux mesurer leur capacité d’analyse et de distance vis-à-vis des messages médiatiques. Dans le cadre de l’étude Sexteens , menée en Grand Est, nous avons rencontré plus d’une soixantaine d’adolescents pour évoquer avec eux les représentations de la sexualité et de l’amour dans les séries pour ados qu’ils regardent. Ces séries on...

Données personnelles : de Bruxelles à Toulouse, le débat avance


Le débat sur la protection des données personnelles a pris une ampleur toute particulière cette semaine. Alors que l'on célébrait ce mercredi 12 mars les 25 ans du web, le Parlement européen a adopté, après trois années de travail, deux textes historiques, un règlement et une directive, soit le "paquet" sur la protection des données personnelles collectées sur internet. Un vote historique qui est arrivé au moment où était rendu le rapport d'enquête sur les écoutes effectuées par la NSA. Enfin, la nouvelle étude « Les Français et le numérique » réalisée par l’Inria et TNS SOFRES, montrait que 72% de nos compatriotes pensent que le numérique a des effets négatifs sur leur vie privée.

D'évidence, on peut dire que la donne a changé et que le sujet des données personnelles, de confidentiel, est devenu un sujet de débat majeur dans nos société.

C'est dans ce contexte que l'université Toulouse 1-Capitole a organisé ce vendredi 14 mars un colloque "Quelle protection des données personnelles en Europe ?" Organisé par l'université, la région Midi-Pyrénées et Airbus, en collaboration avec l'Associaton des étudiants du Master 2 Droit et Informatique et en partenariat avec, entre autres, l'institut fédératif de recherche, la faculté de droit, l'IRDEIC, le centre d'excellence Jean-Monnet, ce colloque a balayé toutes les problématiques économiques, politiques, juridiques, sociétales que recouvre ce sujet.

"Protéger les données personnelles c'est protéger les libertés fondamentales"

En introduction des débats, le professeur Céline Castets-Renard a rappelé combien "protéger les données personnelles, c'est protéger les libertés fondamentales" et a listé les questions que soulève le cadre juridique. La protection des données en Europe peut-elle pénaliser les entreprises européennes dans le marché mondial ? La lutte contre le terrorisme peut-elle tout justifier en matière de surveillance des réseaux ? Quels peuvent être les accords entre les opérateurs et les agences de renseignements ? Les Européens sont-ils protégés lorsque leurs données sont hébergées par des sociétés domiciliées hors UE ? Enfin, sous le poids de puissants lobbies, les prochaines élections européennes peuvent-elles mettre un frein aux avancées acquises ces derniers mois ?

Concilier protection et libre circulation

Pour Annie Blandin-Obernesser, professeur à Telecom Bretagne, il faut trouver "un espace de conciliation entre la protection et la libre circulation ; entre les actions assurant la sécurité publique et le droit à la protection de ses données." Pour ce faire, l'émergence d'un "habeas corpus numérique", proposé par le Parlement européen, serait une bonne chose.

Un habeas corpus, un texte fondamental donc, serait, en effet, conforme à l'idée que se font les Européens du sujet. Une approche globale, soulignée par Alba Bosh, représentante du très méconnu Contrôleur européen des données personnelles. Abordant le contexte et les méthodes d'adoption de la proposition de règlement, Sylvaine Polliot-Peruetto, professeur à l'UT1-Capitole, a mis en exergue de son côté que l'on pouvait percevoir les données personnelles comme le fil rouge de la construction européenne.

Les données personnelles : fil rouge de la construction européenne

Un fil rouge que les Etats ont bien du mal à mesurer à sa juste valeur si l'on en croit Esther Mitjans, professeur à l'université de Barcelone et ancienne directrice de l'autorité catalane de protection des données (2005-2012). "Les gouvernements ne pensent pas à la protection des données et ne respectent pas leur autorité de contrôle. Les autorités de protection de données ne sont pourtant pas là pour censurer mais pour aider", estime la spécialiste, qui assure que "le vote du Parlement européen va apporter plus de visibilité et plus de responsabilités sur les données personnelles."

Une question de dignité

Une analyse partagée par Cécile de Terwangne, professeur à l'université de Namur (Belgique), qui a décortiqué le Convention internationale 108 (que les Etats-Unis n'ont pas signée), le règlement et la directive européens. "Sur les données personnelles, tout se fait à l'insu des personnes. Il faut plus de transparence", estime-t-elle en démontrant que "la protection des données, c'est aussi une question de dignité."  D'où l'importance de "rééquilibrer les rapports entre ceux qui font du profilage et ceux qui sont profilés."

Europe-USA : mésentente cordiale ?

Le profilage, contre lequel s'est souvent élevée l'eurodéputée Françoise Castex, c'est bien l'une des caractéristiques des géants du net qui peuvent tout savoir des internautes au nom de la liberté d'entreprendre. "En dehors des données sensibles, l'utilisation des données aux USA fait partie de la liberté du commerce" confirme Me Winston Maxwell, avocat chez Hogan Lovells, l'un des plus grands cabinets actifs sur ces questions.
Me Maxwell détaille l'arsenal législatif américain, qui est bien plus important que ce que l'on pourrait imaginer. La protection des citoyens américains par rapport à l'utilisation de leurs données par le gouvernement est ainsi régie par un Privacy Act qui date de... 1974, quatre ans avant notre loi informatique et libertés en France. Pour Me Maxwell, Américains et Européens parlent du même sujet... mais avec des définition différentes.

Une différence d'approche que confirme Françoise Castex, qui souligne le poids des lobbies qui ont été à l'oeuvre durant ces trois dernières années pour infléchir la position du Parlement européen en faveur des intérêts économiques des grandes sociétés d'internet. "La construction du paquet données personnelles en Europe n'est pas technocratique mais démocratique. Les citoyens peuvent peser sur les décisions", assure l'eurodéputée, qui justifie la nécessité d'une nouvelle législation par l'explosion de l'échange des données (2% en 1995, 97% en 2013).
Françoise Castex reconnaît que les scandales des écoutes (affaires Prism, Snowden) "ont beaucoup pesé sur l'adoption du paquet."
Des affaires qui ont également interrogé outre-atlantique jusqu'à la Maison Blanche, où Barack Obama est conscient de la nécessité de faire des gestes envers ses alliés européens. "Aujourd'hui, beaucoup d'Américains veulent se rapprocher des positions européennes", confirme Me Maxwell.

25 ans après l'invention du web, une nouvelle page de l'Histoire est en train de s'écrire.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté...

Quelle technologie choisir pour connecter les objets ?

Par Frédéric Salles, Président et co-fondateur de Matooma   En 2021, le nombre total d'objets connectés utilisés atteindra les 25 milliards selon Gartner. Il est ainsi légitime de se demander quelles sont les technologies principales permettant de connecter les objets, et quelle pourrait être celle la plus adaptée pour sa solution. Un projet de vidéosurveillance par exemple n'aura absolument pas les mêmes besoins qu'un projet basé sur le relevé de température au milieu du désert. Ainsi pour trouver la meilleure connectivité pour son objet, de nombreuses questions peuvent se poser : mon objet fonctionne-t-il sur batterie ou est-il alimenté ? Mon objet restera-t-il statique ou sera-t-il mobile ?  Mon objet est-il susceptible d'être dans un endroit difficile d'accès ou enterré ? A quelle fréquence mes données doivent-elles remonter ? Etc. Voici les différentes solutions actuellement disponibles sur le marché. Courte distance : RFID/Bluetooth/WiFi La RFID (Ra...

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl...

6 questions sur Zone-telechargement

Quel était ce site ? Zone-telechargement.com était jusqu'à lundi soir l'un des plus gros sites web français proposant de télécharger des contenus numériques illégaux. En grande majorité des films parfois très récents ; des séries télé notamment américaines qui n'étaient pas diffusées en France ; de la musique ; des logiciels et des jeux vidéo. Les séries et les films étaient disponibles en différentes qualités et ceux en langue anglaise étaient sous-titrés grâce à des communautés d'utilisateurs capables de sous-titrer des épisodes de série 24 heures après leur diffusion aux États-Unis. Le site comptabilisait, selon la gendarmerie, en moyenne 140 millions de pages vues par mois et 11 000 téléchargements par jour. La société Alexa affichait Zone-Telechargement à la 11e place des sites les plus visités de France… devant Twitter ! Zone-Telechargement proposait 18 000 films, 2 500 séries télé ; 11 000 documentaires ; 20 943 émissions télé ; plus de 150 000 MP3 mais aus...

Deepfakes, vidéos truquées, n’en croyez ni vos yeux ni vos oreilles !

Par  Divina Frau-Meigs , Auteurs historiques The Conversation France Les spécialistes en fact-checking et en éducation aux médias pensaient avoir trouvé les moyens de lutter contre les « deepfakes » , ou hypertrucages , ces manipulations de vidéos fondées sur l’intelligence artificielle, avec des outils de vérification comme Invid-Werify et le travail des compétences d’analyse d’images (littératie visuelle), avec des programmes comme Youverify.eu . Mais quelques cas récents montrent qu’une nouvelle forme de cyberattaque vient de s’ajouter à la panoplie des acteurs de la désinformation, le deepfake audio. Aux États-Unis, en janvier 2024, un robocall généré par une intelligence artificielle et prétendant être la voix de Joe Biden a touché les habitants du New Hampshire, les exhortant à ne pas voter, et ce, quelques jours avant les primaires démocrates dans cet État. Derrière l’attaque, Steve Kramer, un consultant travaillant pour un adversaire de Biden, Dean ...

D’IBM à OpenAI : 50 ans de stratégies gagnantes (et ratées) chez Microsoft

  Paul Allen et Bill Gates en 1970 à Lakeside School (Seattle). Microsoft naîtra cinq ans plus tard. Auteur inconnu/Wikimedia Par  Frédéric Fréry , ESCP Business School Insubmersible. Même la vague des Gafa n’a pas vraiment atteint Microsoft. Cinquante ans après sa création, soit une éternité dans le monde de la tech, la firme de Bill Gates et Paul Allen est toujours là et bien là. Retour sur ce qu’on appelle outre-Atlantique, une success-story avec quelques échecs. Cette semaine, Microsoft fête ses 50 ans. Cet article a été écrit sur Microsoft Word, à partir d’un ordinateur équipé de Microsoft Windows, et il sera vraisemblablement publié sur des plateformes hébergées par Microsoft Azure, notamment LinkedIn, une filiale de Microsoft qui compte plus d’un milliard d’utilisateurs. C’est dire l’influence de cette entreprise qui, en 2024, a dégagé un bénéfice net de 88 milliards de dollars po...