Par Laurence Corroy , Université de Lorraine Si les adolescentes et adolescents se retrouvent confrontés de plus en plus précocement à de la pornographie en ligne, il leur est très difficile d’aborder le sujet avec des adultes. Retour sur une enquête de terrain alors que les éditeurs de sites sont sommés d’instaurer un contrôle d’âge pour l’accès à ces contenus sensibles. Dès que l’on parle des adolescents et de leurs relations au numérique, les débats se polarisent, sans qu’il y ait nécessairement le réflexe de recueillir leur témoignage. En recherche, il est pourtant extrêmement important de leur donner la parole, ce qui permet de mieux mesurer leur capacité d’analyse et de distance vis-à-vis des messages médiatiques. Dans le cadre de l’étude Sexteens , menée en Grand Est, nous avons rencontré plus d’une soixantaine d’adolescents pour évoquer avec eux les représentations de la sexualité et de l’amour dans les séries pour ados qu’ils regardent. Ces séries on...
Depuis plusieurs semaines, le gouvernement multiplie les opérations de communication numérique, mais en présentant, avant-hier, un arsenal d'outils pour lutter contre le jihadisme sur internet et l'embrigadement de jeunes Français par des recruteurs islamistes radicaux, il vient de franchir un cap inédit. C'est, en effet, la première fois que les autorités produisent un clip vidéo d'une telle intensité pour contrer les vidéos des islamistes qui pullulent sur internet, de pages Facebook en forums de discussion.
Le site stop-djihadisme.gouv.fr, nouvelle plateforme pour «comprendre, agir, décrypter et se mobiliser», s'ouvre par un film d'une durée de 1 minute 56 secondes qui vise à démonter les affirmations brandies par les recruteurs.Le clip, interdit aux moins de douze ans, se décompose en quatre séquences : une phrase des jihadistes surtitrée «Ils te disent» sur fond d'images en couleurs ; et la réponse «En réalité» sur fond d'images en noir et blanc.
«Sacrifie-toi à nos côtés, tu défendras une cause juste» appelle la réponse «En réalité, tu découvriras l'enfer sur terre et tu mourras loin de chez toi.» Ou encore «Rejoins-nous et viens aider les enfants syriens» appelle la réponse «En réalité, tu seras complice du massacre de civils.» Mise en ligne mercredi sur la plateforme Daylimotion, la vidéo avait été visionnée plus de 300 000 fois le soir même et plus de 566 000 fois hier vers 19 heures. Fallait-il employer des phrases prononcées ou diffusées par les recruteurs islamistes et ainsi les retourner ? La question se pose bien sûr, et certains experts jugent le procédé contre-productif, comme Samuel Laurent (lire ci-dessous).
Mais en diffusant un tel film, le gouvernement s'investit, d'évidence, pleinement dans ce que l'on appelle le cyberjihad, le jihad sur internet.
Au contraire d'Al Qaïda dans les années 2000 qui diffusait des vidéos de piètre qualité et négligeait l'internet grand public, l'état islamique a massivement investi les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, bâtissant une stratégie de communication – habile et hélas efficace – qui est l'une de ses forces. Une stratégie numérique gérée par sa branche médias Al-Hayat Media Center.
L'État islamique produit de véritables films en haute qualité
Celle-ci a investi dans du matériel vidéo professionnel et il n'y a qu'à voir, ces derniers mois, les terribles images haute définition des otages décapités en combinaison orange pour mesurer la qualité des films et leur mise en scène. Daesh produit de nombreuses vidéos de propagande à la gloire des martyrs, des pseudo-reportages journalistiques et des clips pensés comme des superproductions hollywoodiennes. On a ainsi pu voir «Le choc des épées IV» ou «Flames of War», de véritables moyens-métrages qui utilisent tous les codes des films d'action américains : couleurs saturées, slow motion, banc-titre choc, etc. Des éléments qui, bien évidemment, trouvent une résonance chez les adolescents occidentaux.
Daesh investit les réseaux sociaux
Outre les vidéos, Daesh a fortement investi les réseaux sociaux, comme le montre d'ailleurs le clip du gouvernement dans ses premières images. Sur Facebook, les jeunes qui manifestent un intérêt pour le jihad sont ainsi vite repérés et contactés par des recruteurs, qui vont les guider vers des sites moins simples d'accès. Daesh appelle également à la mobilisation de ses partisans partout dans le monde et a même rédigé un manuel Twitter à l'usage de ses combattants, notamment pour leur expliquer comment désactiver les fonctionnalités qui pourraient les localiser au moment où ils écrivent un post sur Facebook ou un tweet sur Twitter !
Enfin, Daesh diffuse son idéologie sur des publications numériques donc facilement échangeables. Al Qaïda avait son magazine Inspire ; l'État islamique a Dabiq, une revue en anglais de 50 pages. Et contrairement à Al Qaïda la secrète, Daesh n'hésite pas à inviter des journaliste occidentaux «embedded» (embarqués) pour se présenter sous un jour plus ouvert. Le site américain Vice News a ainsi pu filmer l'installation de Daesh en Irak…
Alors bien sûr, face à ce nouveau cyberjihad, les démocraties, attachées à la liberté d'expression sur internet – et pour les États-Unis au sacro-saint premier amendement américain – ont peiné à trouver les bonnes réponses et surtout des réponses coordonnées. L'armée américaine comme la Britannique ont répliqué plusieurs fois aux attaques numériques de Daesh et posté sur les réseaux sociaux des contre-discours au jihad. Mais l'heure est maintenant à la constitution d'une véritable cyber-coalition plus efficace.
Le sommet international sur la lutte contre le terrorisme qui se déroulera le 18 février prochain à Washington comprendra ainsi un important volet sur cette véritable cyberguerre. Qui passe aussi par la guerre des images et de la communication.
Article publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 30 janvier.