Accéder au contenu principal

Téléphone, mail, notifications… : comment le cerveau réagit-il aux distractions numériques ?

  Par  Sibylle Turo , Université de Montpellier et Anne-Sophie Cases , Université de Montpellier Aujourd’hui, les écrans et les notifications dominent notre quotidien. Nous sommes tous familiers de ces distractions numériques qui nous tirent hors de nos pensées ou de notre activité. Entre le mail important d’un supérieur et l’appel de l’école qui oblige à partir du travail, remettant à plus tard la tâche en cours, les interruptions font partie intégrante de nos vies – et semblent destinées à s’imposer encore davantage avec la multiplication des objets connectés dans les futures « maisons intelligentes ». Cependant, elles ne sont pas sans conséquences sur notre capacité à mener à bien des tâches, sur notre confiance en nous, ou sur notre santé. Par exemple, les interruptions engendreraient une augmentation de 27 % du temps d’exécution de l’activité en cours. En tant que chercheuse en psychologie cognitive, j’étudie les coûts cognitifs de ces interruptions numériques : au

Réseaux sociaux : derrière l'autorisation parentale pour les moins de 16 ans, l'enjeu des données personnelles



La garde des Sceaux Nicole Belloubet a présenté mercredi 13 décembre en conseil des ministres un projet de loi relatif à la protection des données personnelles qui adapte la Loi informatique et libertés de 1978 au droit européen. "Dans le cadre de la démarche de simplification des normes actuellement menée et de la volonté d’éviter la surtransposition des textes européens, le projet de loi simplifie les règles auxquelles sont soumis les acteurs économiques tout en maintenant un haut niveau de protection pour les citoyens. Il remplace ainsi le système de contrôle a priori, basé sur les régimes de déclaration et d’autorisation préalables, par un système de contrôle a posteriori, fondé sur l’appréciation par le responsable de traitement des risques que présente ce dernier. En responsabilisant les acteurs, il consacre également de nouvelles modalités de régulation et d’accompagnement de ces derniers, à travers des outils de droit souple. En contrepartie, les pouvoirs de la commission nationale de l'informatique et des libertés sont renforcés", indique l'Elysée.

"Les mineurs de moins de 16 ans seront mieux protégés parce qu'il faudra l'autorisation des titulaires de l'autorité parentale pour qu'on puisse consentir au traitement de leurs données par les services tels que les réseaux sociaux", a expliqué Nicole Belloubet, précisant : "l'inscription sur Facebook supposera une autorisation parentale pour les mineurs de moins de 16 ans".

Christophe Alcantara, spécialiste de l'e-réputation, enseignant chercheur en sciences de l'information et de la communication - IDETCOM Université Toulouse 1, livre son analyse.

Une autorisation parentale pour les mineurs de moins de 16 ans désireux de s'inscrire sur les réseaux sociaux. Est-ce une bonne chose ?
Dans un premier temps, il faut rappeler que ce n'est pas une initiative de la ministre. Aujourd'hui elle s'en empare, tant mieux, mais il s'agit en fait de la retranscription du RGPD (Règlement européen sur la protection des données personnelles) qui doit entrer en vigueur le 25 mai 2018. Un règlement est beaucoup plus fort qu'une directive car il s'impose à tous sans discussion. La ministre ne fait aujourd'hui que retranscrire une volonté européenne qui a été votée.
Juridiquement ce RGPD évoque la notion de portabilité des données personnelles : c'est-à-dire que chacun devient propriétaire de ses données. Il a le droit d'en disposer comme bon lui semble et de pouvoir les déplacer d'une plateforme à une autre. Derrière cela, on voit bien que nous devons accorder le consentement au traitement de nos données pour ne serait-ce qu'en assurer la portabilité et l'exploitation par des tiers. C'est cette notion de consentement qui impose une réglementation pour les mineurs. Juridiquement parlant, la France n'est pas en avance par rapport à d'autres pays européens et cela s'impose à nous.

Est-ce que cela sera efficace ?
Ce n'est pas le problème de la ministre. Le projet de règlement dit que la charge de la preuve du consentement va incomber aux responsables du traitement de l'information. En gros, l'Etat se décharge complètement du mode de contrôle en disant aux entreprises du web : il vous appartient de démontrer que vous avez eu le consentement explicite.

Est-ce réalisable en pratique ?
Sur un plan purement communicationnel, lorsqu'on est dans une pratique sociale sur les réseaux, comme le sont les ados, les jeunes, on a un effet d'entraînement qui est très important. La charge sociale que représente le fait d'y être ou de ne pas y être est tellement importante, voire discriminante, dans les cours d'école qu'il va y avoir une pression très forte sur les parents pour qu'ils donnent leur accord à leurs enfants.
Cela ne va pas au fond changer grand chose. Mais juridiquement, nous aurons des moyens plus importants de pouvoir contraindre ou sanctionner des entreprises qui n'auront pas joué le jeu. Sur une utilisation abusive des donnée personnelles, la CNIL aujourd'hui va avoir les moyens
de pouvoir sanctionner une entreprise à hauteur de 4% de son chiffre d'affaires mondial. 4% de 90 milliards pour le cas de Google, ça change la donne.

Les géants du net vont toutefois continuer à cibler les jeunes. Facebook a lancé dernièrement une messagerie spécifique pour eux.
Si la capitalisation boursière de Google est d'environ 600-650 milliards d'euros, c'est parce que les investisseurs croient en la promesse économique à venir de l'exploitation des données personnelles. Le marché de ces données est en train de se structurer tandis que l'Union européenne vit dans une schizophrénie. D'un côté, elle dit qu'il faut protéger les citoyens et en même temps d'un autre côté, elle veut mettre en place le marché de la donnée personnelle. C'était le fameux sommet de l'UE sur le numérique, à Talinn en septembre dernier, qui a lancé sur les fonts baptismaux l'avènement d'un marché européen de la données personnelle. On est en permanence dans cette ambivalence. L'idée est de créer les conditions d'une confiance : le marché des données n'a de sens que si les utilisateurs ont confiance dans le dispositif. Il n'en demeure pas mois que la marchandisation de la donnée personnelle est un événement en cours de développement exponentiel.

Ce débat sur le consentement et l’utilisation des réseaux par les mineurs intervient alors que d’anciens cadres de Facebook expriment leurs remords d’avoir contribué à son succès. L'ex vice-président de la croissance d'audience du groupe, Chamath Palihapitiya, estime que les réseaux sociaux "sapent les fondamentaux du comportement des gens".
Cela ne m'étonne pas. Ces gens qui expriment aujourd'hui leur remord ont été les idiots utiles de l'histoire dans le sens où les acteurs d'internet ont cherché à se développer à travers les mythes fondateurs d’internet (la gratuité, l'ubiquité, les nouvelles formes de relations sociales). Il y a toujours une récurrence dans les discours qui accompagnent l'avènement d'une nouvelle technologie, avec souvent même des mythes récurrents. On a pris appui sur ces mythes fondateurs pour déployer un système marchand extrêmement sophistiqué et performant. Derrière la mythe de la gratuité, on vous vend un écosystème web qui est l’expression d'une colonisation numérique, je pèse mes mots. N'oublions pas que quand c'est gratuit, c'est que le produit, c'est vous...

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé

Ce que les enfants comprennent du monde numérique

  Par  Cédric Fluckiger , Université de Lille et Isabelle Vandevelde , Université de Lille Depuis la rentrée 2016 , il est prévu que l’école primaire et le collège assurent un enseignement de l’informatique. Cela peut sembler paradoxal : tous les enfants ne sont-ils pas déjà confrontés à des outils numériques, dans leurs loisirs, des jeux vidéos aux tablettes, et, dans une moindre mesure, dans leur vie d’élève, depuis le développement des tableaux numériques interactifs et espaces numériques de travail ? Le paradoxe n’est en réalité qu’apparent. Si perdure l’image de « natifs numériques », nés dans un monde connecté et donc particulièrement à l’aise avec ces technologies, les chercheurs ont montré depuis longtemps que le simple usage d’outils informatisés n’entraîne pas nécessairement une compréhension de ce qui se passe derrière l’écran. Cela est d’autant plus vrai que l’évolution des outils numériques, rendant leur utilisation intuitive, a conduit à masquer les processus in

Midi-Pyrénées l’eldorado des start-up

Le mouvement était diffus, parfois désorganisé, en tout cas en ordre dispersé et avec une visibilité et une lisibilité insuffisantes. Nombreux sont ceux pourtant qui, depuis plusieurs années maintenant, ont pressenti le développement d’une économie numérique innovante et ambitieuse dans la région. Mais cette année 2014 pourrait bien être la bonne et consacrer Toulouse et sa région comme un eldorado pour les start-up. S’il fallait une preuve de ce décollage, deux actualités récentes viennent de l’apporter. La première est l’arrivée à la tête du conseil de surveillance de la start-up toulousaine Sigfox , spécialisée dans le secteur en plein boom de l’internet des objets, d’Anne Lauvergeon, l’ancien sherpa du Président Mitterrand. Que l’ex-patronne du géant Areva qui aurait pu prétendre à la direction de grandes entreprises bien installées, choisisse de soutenir l’entreprise prometteuse de Ludovic Le Moan , en dit long sur le changement d’état d’esprit des élites économiques du pay

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl