IA et youtubeurs : oracles de l’ère numérique ? Hulki Okan Tabak/Unsplash , CC BY Par Jocelyn Lachance , Université de Guyane Et si poser frénétiquement des questions à ChatGPT relevait moins d’une quête de vérité que d’un besoin de conjurer l’angoisse ? À l’ère du numérique, assistons-nous au retour des oracles ? Les humains confrontés à l’incertitude ont besoin de moyens pour en conjurer les effets potentiellement délétères sur leur vie. Que nous considérions cela comme un simple instinct de survie ou un héritage culturel, un fait demeure : dans de nombreuses sociétés, des rituels spécifiques sont disponibles pour gérer ces incertitudes. L’oracle est l’un de ces rituels les plus connus en Occident du fait de l’importance de la Grèce antique dans notre imaginaire collectif. Un puissant ou un citoyen lambda se pose des questions sur son avenir, il consulte alors la Pyt...
A l’occasion du premier vendredi 13 de l’année, la Française des Jeux engagée dans un projet d’entreprise qui place le numérique au cœur de ses priorités, a sollicité Olivier Le Deuff, maître de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université de Bordeaux Montaigne pour apporter son expertise sur le vendredi 13 et sa place sur les plateformes digitales.
Vendredi 13 sur le web, le besoin de croire à l’aléatoire ?
Les pratiques sur le web recèlent parfois des choses étonnantes, mais le vendredi 13 ne semble pas constituer un objet spécifique à la culture geek ou relever d’une distinction réel/virtuel par des comportements vraiment différents sur les forums et réseaux sociaux. Le Vendredi 13 s’inscrit au final parmi les évènements réguliers du calendrier du web pour lesquels on peut étudier quelques réactions dédiées. Toutefois, on observe un certain détachement vis-à-vis du phénomène superstitieux. On peut même y voir une sorte d’autodérision qui montre le fait d’y croire sans trop y croire, en témoignent les nombreux tweets en ce sens.
Un irrationnel présent dès l’origine du réseau
L’Internet n’est pas un territoire exempt de superstitions et de hasards, voire de légende. Pour rappel, lors de la constitution de l’équipe IPTO qui allait réaliser le réseau ARPANET, le réseau ancêtre de l’Internet, un de ses dirigeants, le chercheur en psychologie, en informatique et psychoacousticien Joseph Licklider aurait tiré au sort à pile ou face pour savoir s’il rejoignait le projet en 1962. L’histoire du réseau n’est donc pas une histoire écrite d’avance, et le principe d’une relative incertitude semble finalement rejoindre la dualité informatique du 0 et du 1.
Le web ? "Vague mais prometteur"
Même la première version du projet du web en 1989 de Tim Berners-Lee n’échappe pas au principe d’incertitude. Son supérieur lui rend le dossier avec une mention « vague mais prometteur ». Les territoires numériques apparaissent alors comme des lieux de promesses et d’espérances propices au fait de tenter sa chance.
Les pratiques sur les réseaux ne sont pas toujours rationnelles même si elles s’accompagnent souvent d’autodérision. Le constat de certains forumistes que la discussion arrive à la page 13 génère parfois l’envie de passer rapidement à la suivante en postant une série de messages surtout quand il s’agit de commenter un match d’un évènement sportif.
Sur les forums de Ligue 1, 30 pages pour une victoire
Il y a quelques années sur un forum de football d’une équipe de Ligue 1, les forumistes avaient pris l’habitude de dépasser les 30 pages de commentaires sur un match, et ce si possible avant le début officiel du match, car cela semblait signifier une plus grande chance de victoires. La mode semble être passée, mais dès que la page 30 arrive, la tentation d’en référer à ce rituel revient de temps en temps.
L’imaginaire du web s’accompagne dès le début d’éléments viraux dont la pertinence interroge. Les chaînes de lettres version papier ont tenté de bénéficier de la viralité du numérique à la fin des années 90 et au début des années 2000. Il s’agissait bien souvent de partager un message via la messagerie électronique pour gagner un téléphone portable ou une caisse de champagne, ce qui était bien sûr totalement faux.
Désormais, la viralité fonctionne sur le partage de statuts sur les réseaux sociaux qui promettent chance ou malheur à celui ou celle qui ne rentre pas dans le jeu de la diffusion. C’est cet imaginaire qui va être à l’origine du projet hoaxbuster, le site créé en 2000 qui veille à vérifier l’information en circulation sur le web.
L’Internet et le web ne sont donc pas exempts de rituels et de superstition voire de représentations étonnantes du fait d’une méconnaissance de l’architecture technique du réseau.
Un besoin d’aléatoire dans un monde d’apparence rationnel qui s’exprime sur le web
Les discours sur les possibilités d’interprétation de la réalité par des données, les fameux big data associés aux possibilités de l’intelligence artificielle et des algorithmes, dont les résultats sont fantasmés et pour beaucoup mis en scène par les séries de science-fiction ou dystopiques à la Black Mirror, ne peuvent faire qu’accroître le désir d’y échapper.
Dès lors, il s’agit de pouvoir sortir d’une histoire pré-écrite, et rien de mieux que de pouvoir s’en remettre à l’aléatoire pour y parvenir, y compris sur Internet. Le vendredi 13 illustre bien ce positionnement. Ce n’est pas parce qu’il n’y a rien à attendre rationnellement, qu’il ne faut pas espérer qu’il puisse quand même se produire quelque chose de bénéfique.
S’il est encore difficile de parfaitement mesurer pleinement les ressentis à partir de ce qui est dit sur les forums et réseaux sociaux, on peut toutefois se reporter aux requêtes exprimées sur les moteurs de recherche. Si on examine les requêtes sur Google qui mentionnent le vendredi 13, les 20 premiers résultats sont clairement associés à LOTO, EuroMillions, au tirage… Jason le tueur de vendredi 13 n’apparaît qu’en 26e position, même si Youtube regorge de références au fameux film, pour ceux qui aiment jouer à se faire peur.
Il reste sans doute d’autres éléments qu’on ne peut pas mesurer en ce qui concerne les pratiques superstitieuses dans les environnements digitaux. Le fait d’envoyer un message à telle heure plutôt qu’à une autre, le fait d’accompagner de pensées positives un message de candidature, le fait d’avoir certaines stratégies sur certains sites d’enchères, etc.
Le vendredi 13 semble être le moment adéquat pour ceux qui n’ont pas peur de gagner
Vendredi 13 sur le web, le besoin de croire à l’aléatoire ?
Les pratiques sur le web recèlent parfois des choses étonnantes, mais le vendredi 13 ne semble pas constituer un objet spécifique à la culture geek ou relever d’une distinction réel/virtuel par des comportements vraiment différents sur les forums et réseaux sociaux. Le Vendredi 13 s’inscrit au final parmi les évènements réguliers du calendrier du web pour lesquels on peut étudier quelques réactions dédiées. Toutefois, on observe un certain détachement vis-à-vis du phénomène superstitieux. On peut même y voir une sorte d’autodérision qui montre le fait d’y croire sans trop y croire, en témoignent les nombreux tweets en ce sens.
Un irrationnel présent dès l’origine du réseau
L’Internet n’est pas un territoire exempt de superstitions et de hasards, voire de légende. Pour rappel, lors de la constitution de l’équipe IPTO qui allait réaliser le réseau ARPANET, le réseau ancêtre de l’Internet, un de ses dirigeants, le chercheur en psychologie, en informatique et psychoacousticien Joseph Licklider aurait tiré au sort à pile ou face pour savoir s’il rejoignait le projet en 1962. L’histoire du réseau n’est donc pas une histoire écrite d’avance, et le principe d’une relative incertitude semble finalement rejoindre la dualité informatique du 0 et du 1.
Le web ? "Vague mais prometteur"
Même la première version du projet du web en 1989 de Tim Berners-Lee n’échappe pas au principe d’incertitude. Son supérieur lui rend le dossier avec une mention « vague mais prometteur ». Les territoires numériques apparaissent alors comme des lieux de promesses et d’espérances propices au fait de tenter sa chance.
Les pratiques sur les réseaux ne sont pas toujours rationnelles même si elles s’accompagnent souvent d’autodérision. Le constat de certains forumistes que la discussion arrive à la page 13 génère parfois l’envie de passer rapidement à la suivante en postant une série de messages surtout quand il s’agit de commenter un match d’un évènement sportif.
Sur les forums de Ligue 1, 30 pages pour une victoire
Il y a quelques années sur un forum de football d’une équipe de Ligue 1, les forumistes avaient pris l’habitude de dépasser les 30 pages de commentaires sur un match, et ce si possible avant le début officiel du match, car cela semblait signifier une plus grande chance de victoires. La mode semble être passée, mais dès que la page 30 arrive, la tentation d’en référer à ce rituel revient de temps en temps.
L’imaginaire du web s’accompagne dès le début d’éléments viraux dont la pertinence interroge. Les chaînes de lettres version papier ont tenté de bénéficier de la viralité du numérique à la fin des années 90 et au début des années 2000. Il s’agissait bien souvent de partager un message via la messagerie électronique pour gagner un téléphone portable ou une caisse de champagne, ce qui était bien sûr totalement faux.
Désormais, la viralité fonctionne sur le partage de statuts sur les réseaux sociaux qui promettent chance ou malheur à celui ou celle qui ne rentre pas dans le jeu de la diffusion. C’est cet imaginaire qui va être à l’origine du projet hoaxbuster, le site créé en 2000 qui veille à vérifier l’information en circulation sur le web.
L’Internet et le web ne sont donc pas exempts de rituels et de superstition voire de représentations étonnantes du fait d’une méconnaissance de l’architecture technique du réseau.
Un besoin d’aléatoire dans un monde d’apparence rationnel qui s’exprime sur le web
Les discours sur les possibilités d’interprétation de la réalité par des données, les fameux big data associés aux possibilités de l’intelligence artificielle et des algorithmes, dont les résultats sont fantasmés et pour beaucoup mis en scène par les séries de science-fiction ou dystopiques à la Black Mirror, ne peuvent faire qu’accroître le désir d’y échapper.
Dès lors, il s’agit de pouvoir sortir d’une histoire pré-écrite, et rien de mieux que de pouvoir s’en remettre à l’aléatoire pour y parvenir, y compris sur Internet. Le vendredi 13 illustre bien ce positionnement. Ce n’est pas parce qu’il n’y a rien à attendre rationnellement, qu’il ne faut pas espérer qu’il puisse quand même se produire quelque chose de bénéfique.
S’il est encore difficile de parfaitement mesurer pleinement les ressentis à partir de ce qui est dit sur les forums et réseaux sociaux, on peut toutefois se reporter aux requêtes exprimées sur les moteurs de recherche. Si on examine les requêtes sur Google qui mentionnent le vendredi 13, les 20 premiers résultats sont clairement associés à LOTO, EuroMillions, au tirage… Jason le tueur de vendredi 13 n’apparaît qu’en 26e position, même si Youtube regorge de références au fameux film, pour ceux qui aiment jouer à se faire peur.
Il reste sans doute d’autres éléments qu’on ne peut pas mesurer en ce qui concerne les pratiques superstitieuses dans les environnements digitaux. Le fait d’envoyer un message à telle heure plutôt qu’à une autre, le fait d’accompagner de pensées positives un message de candidature, le fait d’avoir certaines stratégies sur certains sites d’enchères, etc.
Le vendredi 13 semble être le moment adéquat pour ceux qui n’ont pas peur de gagner