Dans un contexte où la société française prend de plus en plus conscience de son empreinte numérique, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) et l'Agence de la transition écologique (ADEME) viennent de franchir un pas décisif. Ces deux institutions ont annoncé ce jeudi 12 décembre la création d'un observatoire des impacts environnementaux du numérique, une initiative qui promet de révolutionner notre compréhension des enjeux écologiques liés aux technologies de l'information. Cette plateforme, fruit d'une collaboration initiée en 2020 à la demande des ministères de la Transition écologique et de l'Économie, vise à devenir une référence incontournable en matière de données fiables sur l'empreinte environnementale du numérique. "L'observatoire a vocation à constituer une plateforme de référence en matière de données fiables et sourcées sur les impacts environnementaux du numériqu...
Innovation inter-industries et utilisation bienveillante de la donnée : les 2 clés de la réussite numérique
Par Bertrand Masson, Co-Fondateur et Directeur Stratégie de Moskitos
Tout le monde parle tellement d’innovation depuis quelques années que nous en sommes arrivés à un point de saturation de messages qui brouillent les pistes et en paralysent même certains dans leur volonté d’aller de l’avant. Pourtant, de ce maelström d’infobésité, deux tendances limpides et intimement liées méritent d’émerger.
Les meilleures idées d’innovation de rupture sont souvent celles qui interconnectent les secteurs, tandis que le carburant indispensable pour les relier, la donnée, ne peut plus se permettre d’être utilisée à la légère. C’est en s’appuyant sur ces deux fondamentaux que l’entreprise donnera du sens à son action et définira son image auprès de ses clients et de la société en général.
Effacer les frontières entre industries
Innover, ce n’est pas qu’une question d’invention, de créativité, de technologie ou même d’organisation, c’est avant tout la faculté à ne pas rester figé, enfermé dans le carcan de son entreprise, de son secteur concurrentiel et de ses réflexes traditionnels. Dans un monde qui ne cesse de se transformer, rester sur place, c’est mourir.
Il devient impératif de sortir la tête du sable et d’aller voir ce qui se passe ailleurs, dans des industries parfois à mille lieux de la sienne. D’une part pour y trouver des idées neuves ou des méthodologies et processus auxquels on n’aurait jamais pensé (la fertilisation inter-industries), mais mieux encore pour jeter des ponts entre deux secteurs et ainsi créer de nouveaux produits ou services (l’innovation inter-industries).
Car aujourd’hui, le levier de la baisse des prix pour augmenter ses parts de marché a montré ses limites. Nous sommes entrés dans une ère où le plus important est de créer de la valeur. Même E. Leclerc, le chantre de la guerre des prix, commence à changer son fusil d’épaule et va chercher des relais de croissance ailleurs, dans la qualité et les nouveaux services.
Au-delà d’effectuer des transferts de technologies disruptives et d’adapter des processus, l’objectif de l’innovation inter-industries est bien d’imaginer de nouveaux business models qui vont effacer les lignes entre les secteurs. En partant de ce principe, une innovation dans la biochimie pourrait très bien avoir un impact dans le monde de la grande distribution, tandis qu’une invention dans le BTP ou l’hôtellerie aura des répercussions dans la chaîne logistique, pourquoi pas.
Un nouveau terrain de jeu et son exemple ultime : la Smart City
Dans le sillon des GAFAM et autre Tesla qui ont déjà pris de l’avance sur l’assimilation de ce concept, les entreprises françaises ont commencé à s’investir dans la démarche : Orange se lance dans la banque, L’Oréal pourrait s’étendre davantage dans la pharmacie, Leroy Merlin mise à fond sur la maison connectée, pour n’en citer que quelques-unes.
Un bon exemple qui esquisse une vision de l’avenir, dont la concrétisation pourrait être rapide, se trouve dans les espaces de co-working, qui ne cessent de se multiplier dans les grandes villes. Les acteurs de ce marché sont loin de se contenter de louer des bureaux, mais proposent à leurs clients des équipements informatiques et de la restauration, ou organisent des événements de networking pour provoquer des rencontres. Mais ils pourraient aller encore bien au-delà, en développant des services de conciergerie, de livraisons en tout genre, de locations de voiture ou de vélos et autres services qui restent à inventer, tout cela à travers une interface utilisateur unique pour simplifier leur adoption. Un modèle qui pourrait devenir une norme et demandé par les usagers de tous les bureaux, voire un jour de tous les immeubles ! Le marché de l’immobilier en serait profondément bouleversé.
Cette humanisation du bâtiment par le service aboutit logiquement au concept de Smart City, cette ville intelligente dont chaque composant est interconnecté pour simplifier, fluidifier et améliorer la vie quotidienne de ses habitants. Cet exemple idéal, qui concernera énormément d’entreprises, démontre que de nombreuses industries vont devoir collaborer entre elles pour que cette vision devienne une réalité. Les entreprises qui auront assimilé ce principe, que ce soit dans le développement de la ville ou ailleurs, réussiront à prendre l’ascendant sur leurs concurrentes.
La data, cet or numérique au centre de tout
Ce nouveau monde numérique et inter-industries n’en est qu’à ses prémices et va donner naissance à de nouveaux services que l’on a encore du mal à bien cerner. Ce dont on est sûr en revanche, c’est que la donnée va occuper un rôle central dans ces processus d’échanges entre industries et c’est pourquoi tant d’importance lui est accordée aujourd’hui. Mais l’économie de la data reste encore largement à inventer avec une nécessité d’utiliser de nouveaux outils de stockage, de distribution et d’analyse de la donnée, dont découlent les nouvelles technologies majeures de l’Intelligence Artificielle.
La maîtrise technologique et organisationnelle de la donnée sera donc essentielle, mais au-delà de cela, sa maîtrise éthique va et a déjà commencé à jouer un rôle crucial. Le proverbe de Rabelais, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » reste plus que jamais d’actualité à l’heure du scandale Facebook/Cambridge Analytica, qui a fait prendre conscience à tous et pour de bon que la manipulation de la donnée n’a rien d’anodine.
Et l’on peut à ce titre, se féliciter que l’Europe ait compris avant le reste du monde les enjeux sous-jacents de la data avec la mise en place du RGPD, qui fixe un cadre devant finalement favoriser les échanges de données plutôt que de les freiner.
Une entreprise bienveillante ou malveillante ?
Des gardes-fous deviennent en effet indispensables pour éviter que des entreprises ou bien encore des Etats utilisent la donnée à des fins qui ne servent pas les individus et citoyens. Car pour reprendre l’exemple de la Smart City, si l’objectif de progrès est souhaitable, le concept peut également vite tourner au cauchemar, comme ce qui est en train de se passer en Chine où l’on fiche les visages de tous les habitants pour pouvoir les détecter dans la rue et les arrêter si besoin grâce aux technologies de reconnaissance faciale intégrées aux caméras de surveillance.
Du côté des entreprises, si on ajoute au scandale Facebook les piratages de données récents et cachés par Yahoo et Uber, il est clair que la confiance des utilisateurs est désormais rompue et la méfiance s’est installée envers les GAFAM et par extension envers la majorité des entreprises.
L’ère de la transparence et de la confiance amorcée il y a quelques années va donc s’intensifier et s’imposer à toutes les entreprises, quelles qu’elles soient. Celles dont le modèle économique ne repose pas entièrement sur la data, comme L’Oréal par exemple, auront tout intérêt à user de pédagogie pour expliquer qu’elles ne se servent de la donnée que dans le but de développer de nouveaux services pour leurs clients, et qu’elles ne tireraient aucun bénéfice à utiliser ces précieuses données à des fins potentiellement malveillantes.
Au-delà de sa fonction primaire de créer de la valeur et des bénéfices, chaque entreprise doit prouver aujourd’hui qu’elle est bienveillante envers ses clients d’une part, mais aussi envers la société globalement. La notion de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) doit désormais être intégrée « nativement » dans tous les projets d’innovation, technologiques ou non.
Savoir qui on est et où l’on va pour réussir
Avec la multiplication des échanges et des projets inter-industries, le métier d’origine de l’entreprise va devenir de plus en plus flou et il sera donc d’autant plus nécessaire de donner du sens à son action. Car qui peut dire désormais quel est le métier d’un Google ou d’un Amazon ? Prenons l’exemple d’un fleuron français comme Michelin : son intérêt est-il aujourd’hui de se définir comme un fabricant de pneus ou comme un acteur de la mobilité durable ? L’Etat français l’a bien compris et la prochaine loi Pacte qui permettra aux entreprises de définir dans leurs statuts une raison d’être, autre que la recherche de profit, va dans ce (bon) sens.
L’innovation inter-industries va s’imposer de plus en plus et avec elle, la diffusion de la data va s’accélérer de manière exponentielle. C’est bien pour cela qu’elle doit absolument être contrôlée par les entreprises, qui vont devoir justifier sans cesse de sa bonne utilisation.
Les organisations vont donc devoir maîtriser une série d’impératifs : définition de l’identité de l’entreprise et de son projet, innovation ouverte vers l’extérieur, responsable et consciente, utilisation de bons outils technologiques garantissant l’intégrité et la sécurité des données, et enfin communication moderne reposant sur la confiance et la transparence. Cela devra souvent passer par des remises en question et des changements de mentalité, notamment des plus vieilles générations, mais ce sont les entreprises qui y parviendront qui seront les grands vainqueurs de demain.