Dans un contexte où la société française prend de plus en plus conscience de son empreinte numérique, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) et l'Agence de la transition écologique (ADEME) viennent de franchir un pas décisif. Ces deux institutions ont annoncé ce jeudi 12 décembre la création d'un observatoire des impacts environnementaux du numérique, une initiative qui promet de révolutionner notre compréhension des enjeux écologiques liés aux technologies de l'information. Cette plateforme, fruit d'une collaboration initiée en 2020 à la demande des ministères de la Transition écologique et de l'Économie, vise à devenir une référence incontournable en matière de données fiables sur l'empreinte environnementale du numérique. "L'observatoire a vocation à constituer une plateforme de référence en matière de données fiables et sourcées sur les impacts environnementaux du numériqu...
Karen Cayrat, Université de Lorraine
La filière économique du livre constitue la première industrie culturelle de l’Hexagone. Si le marché du livre – papier et numérique – s’érode enregistrant une baisse de 3,5 % au premier trimestre d’après le tableau de bord du Livres Hebdo, les pratiques de lecture connaissent quant à elles un accroissement. Pour autant, l’apparition de l’Internet et des nouvelles technologies semble impacter et concurrencer l’imprimé. Comment expliquer la survie des livres à l’ère du numérique ?
L’imprimé s’est considérablement imposé au cours du XIXe siècle tandis que le XXe siècle lui fait connaître un certain essor grâce à l’émergence du format poche, l’attrait du public pour la littérature et l’internationalisation entreprise par les grandes maisons d’édition de l’époque.
Aujourd’hui le livre conserve un caractère symbolique ainsi qu’une autorité forte. C’est par sa publication que l’auteur advient. Son entrée dans un catalogue ou dans une collection spécifique l’inscrit dans le champ littéraire et sont pour le lecteur des marqueurs essentiels qui lui permettent d’identifier sa singularité ou d’éprouver sa notoriété et son prestige.
Elle démultiplie les pratiques de lectures et ses bouleversements touchent autant la technique, le support que les usages et la perception des discours.
Alors que les Français consacrent près de 1h37 par jour à Internet et en dépit de la concurrence d’autres médias, la lecture, quel que soit son format séduirait de plus en plus. Sa pratique connaît aussi une progression notamment dans les transports en commun. Selon le baromètre sur les usages du livre numérique SOFIA/SNE/SGDL 2019, publié en mars dernier, 22 % des Français déclarent avoir lu un livre numérique, le taux le plus élevé observé au cours de ces 8 dernières années. Ce dernier favoriserait même le temps passé à lire, car 23 % des usagers liraient plus qu’avant. Le livre numérique n’est pas seulement l’apanage des jeunes, toutes les tranches d’âge sont concernées. Toujours d’après le baromètre sur les usages du livre numérique, les lecteurs ne se cantonnent pas au livre numérique.
Derrière l’ordinateur, les tablettes tactiles et les smartphones sont les supports privilégiés par les lecteurs interrogés, la liseuse quant à elle n’arrive qu’en quatrième place. Particulièrement adaptés à la mobilité, ces supports permettent d’emporter quantité d’ouvrages avec soi, pour une lecture studieuse ou de détente.
Toutefois les lecteurs ne se cantonnent pas au livre numérique, l’imprimé et les livres audio les intéressent tout autant. Il propose une lecture plus fragmentée, plus rapide qui intègre différents outils de recherche alors que le livre papier offre un confort oculaire et faciliterait la compréhension du texte.
Si les lecteurs restent attachés au livre papier, celui-ci devient bien plus qu’un simple support, il dépasse son rôle utilitaire pour se transfigurer en objet d’art (en témoignent les livres d’artiste, les sculptures sur livre ou en objet de collection.
Si le livre s’adapte en adoptant un format numérique (eBook, Mobi, PDF) les évolutions technologiques et l’Internet offrent aux créateurs l’opportunité de repenser leurs pratiques et de s’essayer à d’autres gestes, donnant lieu à des expériences de lectures différentes.
La communauté scientifique observe ainsi progressivement la constitution d’un champ, celui de la littérature numérique qui propose notamment des œuvres interactives à l’image de Déprise de Serge Bouchardon et Vincent Volckaert. Ces œuvres quelque peu méconnues du grand public et pour beaucoup élaborées dans des perspectives de recherche-création, s’inspirent du jeu vidéo et reposent sur la participation de l’internaute. Ludiques et originales, elles offrent au lecteur différents modes d’interaction avec le contenu affiché qui lui permettant de faire progresser la narration.
Poésie animée, générateur de textes, twittérature et autres formes de microblogging, la littérature numérique embrasse une multitude de formes et d’écritures. De plus en plus d’auteurs fluctuent entre publications papier et numérique, c’est le cas par exemple de François Bon qui depuis 1997 développe une plate-forme d’écriture, Le Tiers Livre. Ce site personnel, apparaît comme un espace pluriel qui rassemble les différentes pratiques de cet artiste transmédia et convie le lecteur à se perdre dans les méandres d’un labyrinthe perpétuellement enrichi à la découverte de son œuvre mais aussi entre autres de textes inédits, d’articles, de critiques, ou d’ateliers. On peut y suivre l’avancée de certains projets d’écriture qui arrivés à leur terme seront publiés en format papier.
De même, la vie littéraire, qu’elle soit portée à travers des résidences d’auteurs, des festivals et autres manifestations littéraires, dynamise et favorise les interactions entre acteurs culturels et passionnés dans l’ensemble de l’Hexagone. En témoignent le succès et la pérennité de certains salons, comme le Livre Paris, dont la 39e édition rassemblait en mars dernier plus de 160 000 visiteurs venus à la rencontre d’auteurs et d’exposants d’une cinquantaine de pays différents. Les rencontres et échanges sont aussi encouragés par les bibliothèques, clubs de lectures, boîtes à livre ou encore les applications de partage comme Booksquare ou Livres de Proches ou d’achats de livres telles que Booxup.
Quel que soit son futur, le livre a donc encore de beaux jours devant lui.
Karen Cayrat, Doctorante au CREM |SIC, Langue et Littérature françaises|Traductrice -interprète, Université de Lorraine
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
La filière économique du livre constitue la première industrie culturelle de l’Hexagone. Si le marché du livre – papier et numérique – s’érode enregistrant une baisse de 3,5 % au premier trimestre d’après le tableau de bord du Livres Hebdo, les pratiques de lecture connaissent quant à elles un accroissement. Pour autant, l’apparition de l’Internet et des nouvelles technologies semble impacter et concurrencer l’imprimé. Comment expliquer la survie des livres à l’ère du numérique ?
Un héritage culturel
Si le papier renvoie à un long héritage culturel, riche de plusieurs siècles, il n’est cependant qu’un support parmi tant d’autres qui fait état de la lente évolution des usages, permet de fixer une écriture à un instant donné, et voué à s’adapter à une diffusion de plus en plus élargie.L’imprimé s’est considérablement imposé au cours du XIXe siècle tandis que le XXe siècle lui fait connaître un certain essor grâce à l’émergence du format poche, l’attrait du public pour la littérature et l’internationalisation entreprise par les grandes maisons d’édition de l’époque.
Aujourd’hui le livre conserve un caractère symbolique ainsi qu’une autorité forte. C’est par sa publication que l’auteur advient. Son entrée dans un catalogue ou dans une collection spécifique l’inscrit dans le champ littéraire et sont pour le lecteur des marqueurs essentiels qui lui permettent d’identifier sa singularité ou d’éprouver sa notoriété et son prestige.
Le livre entame une (r)évolution
Selon Roger Chartier, spécialiste de l’histoire du livre, de l’édition et de la pratique de la lecture, le numérique constitue une révolution majeure d’une ampleur tout aussi importante que celle de l’imprimerie ou du passage du rouleau au codex.Elle démultiplie les pratiques de lectures et ses bouleversements touchent autant la technique, le support que les usages et la perception des discours.
Alors que les Français consacrent près de 1h37 par jour à Internet et en dépit de la concurrence d’autres médias, la lecture, quel que soit son format séduirait de plus en plus. Sa pratique connaît aussi une progression notamment dans les transports en commun. Selon le baromètre sur les usages du livre numérique SOFIA/SNE/SGDL 2019, publié en mars dernier, 22 % des Français déclarent avoir lu un livre numérique, le taux le plus élevé observé au cours de ces 8 dernières années. Ce dernier favoriserait même le temps passé à lire, car 23 % des usagers liraient plus qu’avant. Le livre numérique n’est pas seulement l’apanage des jeunes, toutes les tranches d’âge sont concernées. Toujours d’après le baromètre sur les usages du livre numérique, les lecteurs ne se cantonnent pas au livre numérique.
Derrière l’ordinateur, les tablettes tactiles et les smartphones sont les supports privilégiés par les lecteurs interrogés, la liseuse quant à elle n’arrive qu’en quatrième place. Particulièrement adaptés à la mobilité, ces supports permettent d’emporter quantité d’ouvrages avec soi, pour une lecture studieuse ou de détente.
Toutefois les lecteurs ne se cantonnent pas au livre numérique, l’imprimé et les livres audio les intéressent tout autant. Il propose une lecture plus fragmentée, plus rapide qui intègre différents outils de recherche alors que le livre papier offre un confort oculaire et faciliterait la compréhension du texte.
Des technologies du livre papier
Le codex n’a rien à envier au numérique, il développe un autre rapport avec le lecteur. Jeux de textures, animations, dispositifs sonores, les éditeurs rivalisent d’ingéniosité pour maintenir en éveil les lecteurs, en particulier les plus jeunes, grâce à l’imprimé. Les pop-up books, ces livres dont les éléments se déploient en volume ou en mouvement à l’ouverture des pages, sont de plus répandus. En 2017, ils représentaient près de 10 % des livres jeunesse écoulés. Quant aux beaux livres, ils séduisent en intégrant les fac-similés de documents rares, d’archives, de manuscrits ou d’album de photographies.Si les lecteurs restent attachés au livre papier, celui-ci devient bien plus qu’un simple support, il dépasse son rôle utilitaire pour se transfigurer en objet d’art (en témoignent les livres d’artiste, les sculptures sur livre ou en objet de collection.
Si le livre s’adapte en adoptant un format numérique (eBook, Mobi, PDF) les évolutions technologiques et l’Internet offrent aux créateurs l’opportunité de repenser leurs pratiques et de s’essayer à d’autres gestes, donnant lieu à des expériences de lectures différentes.
Une littérature numérique
Sites personnels, blogs, plates-formes en ligne, réseaux sociaux, la présence numérique des auteurs va croissant. Nombre d’entre eux investissent la Toile à des fins communicationnelles, par exemple pour valoriser et promouvoir leurs productions, ou à des fins littéraires qui leur permettent de se livrer régulièrement à de nouvelles expérimentations.La communauté scientifique observe ainsi progressivement la constitution d’un champ, celui de la littérature numérique qui propose notamment des œuvres interactives à l’image de Déprise de Serge Bouchardon et Vincent Volckaert. Ces œuvres quelque peu méconnues du grand public et pour beaucoup élaborées dans des perspectives de recherche-création, s’inspirent du jeu vidéo et reposent sur la participation de l’internaute. Ludiques et originales, elles offrent au lecteur différents modes d’interaction avec le contenu affiché qui lui permettant de faire progresser la narration.
Poésie animée, générateur de textes, twittérature et autres formes de microblogging, la littérature numérique embrasse une multitude de formes et d’écritures. De plus en plus d’auteurs fluctuent entre publications papier et numérique, c’est le cas par exemple de François Bon qui depuis 1997 développe une plate-forme d’écriture, Le Tiers Livre. Ce site personnel, apparaît comme un espace pluriel qui rassemble les différentes pratiques de cet artiste transmédia et convie le lecteur à se perdre dans les méandres d’un labyrinthe perpétuellement enrichi à la découverte de son œuvre mais aussi entre autres de textes inédits, d’articles, de critiques, ou d’ateliers. On peut y suivre l’avancée de certains projets d’écriture qui arrivés à leur terme seront publiés en format papier.
Hors du livre, de nombreuses interactions
Outre la littérature numérique, les publications papier bénéficient également d’autres formes de littérature hors du livre. Lectures musicales, performances, spectacles, pour ne citer que ces quelques exemples, contribuent largement à véhiculer une autre image des Lettres et à attirer un public toujours plus large. En ce sens, ces formes nouvelles qui mettent en contact autrement auteurs et lecteurs participent à la fois au rayonnement, à la valorisation et ce faisant à la survie de l’imprimé.De même, la vie littéraire, qu’elle soit portée à travers des résidences d’auteurs, des festivals et autres manifestations littéraires, dynamise et favorise les interactions entre acteurs culturels et passionnés dans l’ensemble de l’Hexagone. En témoignent le succès et la pérennité de certains salons, comme le Livre Paris, dont la 39e édition rassemblait en mars dernier plus de 160 000 visiteurs venus à la rencontre d’auteurs et d’exposants d’une cinquantaine de pays différents. Les rencontres et échanges sont aussi encouragés par les bibliothèques, clubs de lectures, boîtes à livre ou encore les applications de partage comme Booksquare ou Livres de Proches ou d’achats de livres telles que Booxup.
Des supports hybrides
À la charnière du papier et du numérique, certains projets conduits par des artistes, des éditeurs ou des entreprises cherchent à penser l’hybridation des supports. Le livre embarque alors entre ses pages de technologies et brouille les frontières entre papier/numérique comme l’illustre les catalogues de certaines marques capables d’intégrer un accès wifi ou de recharger votre smartphone. Faire apparaître ou disparaître des mots devient possible grâce aux encres thermochromiques comme le prouve le savoir-faire des éditions volumiques ou l’originalité du livre infini conçu par l’artiste Albertine Meunier dont les pages entièrement blanches ne dévoilent leur contenu qu’en les tournant.Quel que soit son futur, le livre a donc encore de beaux jours devant lui.
Karen Cayrat, Doctorante au CREM |SIC, Langue et Littérature françaises|Traductrice -interprète, Université de Lorraine
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.