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Avec « Osez l’IA », la France veut transformer l’intelligence artificielle en levier concret pour ses entreprises

En annonçant le plan national « Osez l’IA » ce 1er juillet, Clara Chappaz, ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique, n’a pas déclenché une révolution, mais acté une inflexion majeure : celle du passage à l’échelle. La France s’était dotée, dès 2018, d’une stratégie nationale ambitieuse issue du rapport Villani, posant les bases d’un écosystème de recherche performant, d’un financement public structurant et d’une régulation éthique. Une décennie plus tard, avec 1 000 start-up dans le domaine, un supercalculateur de pointe (Jean Zay) et des leaders comme Mistral AI, le socle est posé. Mais l’adoption reste lacunaire. En 2025, seules 13 % des PME utilisent réellement une solution IA. Le plan « Osez l’IA » veut inverser cette tendance. Ce plan s’inscrit dans le sillage de France 2030, qui a déjà engagé plus de 2,5 milliards d’euros pour soutenir l’intelligence artificielle. Il s’appuie également sur les enseignements du rapport de Bpifrance Le Lab (« L’IA dans les PM...

Réconcilier profs de fac et Britney Spears. Ou l’impact de l’IA sur l’enseignement

L’IA changera les programmes et la façon dont les profs interagissent avec les étudiants. Shutterstock
Par Andreas Kaplan, ESCP Europe


Le MIT a récemment annoncé qu’il consacrera 1 milliard de dollars à l’étude de l’intelligence artificielle. La plupart des établissements d’enseignement supérieur à travers le monde ne peuvent s’aligner sur de tels investissements. L’IA n’en changera pas moins la façon dont ils enseignent et interagissent avec les étudiants, et influencera les contenus à enseigner.

L’avenir se conjugue au présent

L’IA appliquée à l’éducation n’est plus un scénario de science-fiction. Jill Watson, le supercalculateur d’IBM, remplit déjà à merveille le rôle d’assistant numérique auprès d’étudiants du monde entier. Ses réponses sont tellement convaincantes que certains étudiants de Georgia Tech n’ont jamais réalisé qu’un ordinateur leur répondait.
Gradescope offre un autre exemple de substitution avancée. Il s’agit d’un système d’IA qui seconde les enseignants dans la tâche fastidieuse de la correction et notation de copies. Le temps libéré peut alors être réinvesti dans des activités pédagogiques ou de recherche.
Au-delà du gain de temps, l’IA ouvre aussi la voie à la diffusion d’un contenu complètement personnalisé aux besoins et au rythme de chaque étudiant. Cette technologie peut également aider à compléter l’enseignement traditionnel. À l’Oregon State University, les étudiants suivent des cours en ligne avant les cours en présentiels. Les résultats sont analysés en temps réel et aident les professeurs à ajuster leurs cours en classe ; 85 % des étudiants estiment qu’il s’agit d’une « amélioration modérée ou majeure ».
La Chine offre une vue d’ensemble saisissante de l’essor futur des technologies de pointe : ses établissements utilisent massivement la reconnaissance faciale pour analyser notamment les émotions des étudiants et jauger colère, bonheur et surprise, entre autres.
Premiers concernés par la campagne gouvernementale en faveur de campus intelligents, les étudiants du pays doivent passer par la reconnaissance faciale pour indiquer leur présence, entrer à la cafétéria ou à la bibliothèque. Bien que son potentiel soit encensé par les géants du numérique, les risques de dérive pourraient inciter des universités à se positionner sur ces enjeux.

Repenser les programmes

L’IA aura également une influence sur les cours enseignés par les universités. Actuellement, les programmes scolaires sont créés comme si le monde n’avait guère changé. L’IA pourrait aider à établir des liens entre la performance professionnelle et les cours et les activités parascolaires suivi, ce qui aiderait les établissements à ajuster le contenu des cours et la pédagogie.
Quelles compétences pour ce monde qui phosphorerait à l’intelligence artificielle ? L’ingéniosité et la curiosité semblent indispensables. Des bases en programmation et en analyse de données pourraient faciliter de futures collaborations entre hommes et machines, de la même manière qu’il est utile de connaître quelques mots de chinois quand on travaille avec la Chine.
Enfin, l’éthique sera essentielle. Certains exigent d’ores et déjà des cours liant intelligence artificielle et humanité pour répondre aux questions sur l’équité, l’éthique et la protection de la vie privée.
Pourtant, instaurer ces cours impliquera d’en supprimer d’autres. N’est-ce pas alors le devoir de l’enseignement supérieur que d’aller plus loin et de concevoir de meilleures façons de préparer l’humanité à un monde dominé demain par l’IA ? Pour être provocateur, qu’est-ce qui justifie l’apprentissage des mathématiques ? S’il s’agit d’entraîner le cerveau à penser de manière structurée, d’autres méthodes émergeront probablement grâce à l’intelligence artificielle. Un enseignement efficace au XXIe siècle devrait être fondé sur l’hypothèse de liens intrinsèques entre hommes et machines.

BTP, BDE, Britney

Les effets de l’IA sur l’enseignement supérieur commencent à se faire sentir. Pourront-ils entraîner une innovation de rupture ? Par exemple, les bâtiments physiques vont-ils disparaître ? Cela semble envisageable pour des enseignements qui ne nécessitent ni laboratoires ni équipements physiques.
Cependant, la probabilité que cela se produise est faible. L’apprentissage individuel se fera certes en ligne, mais l’enseignement supérieur ne peut se résumer à l’acquisition de connaissances factuelles : il s’agit tout autant de construire des réseaux proches, d’échanger des idées de vive voix et de se rendre présent.
Les bâtiments resteront importants. Mais les amphithéâtres se transformeront en espaces qui encouragent le travail d’équipe, permettant aux étudiants d’être créatifs, et de vivre des expériences mémorables. Les associations étudiantes telles que le BDE et les clubs sportifs deviendront d’autant plus importants. L’IA et l’Internet des objets rendront possible une occupation optimale des salles, un contrôle plus efficace du chauffage et de l’éclairage, mais aussi des configurations personnalisées pour les différents styles pédagogiques.

L’enseignement supérieur face au numérique : menaces et opportunités.

Le corps professoral devra lui aussi se transformer pour enrichir l’expérience d’apprentissage. Si les étudiants peuvent apprendre le même contenu (encore mieux) en ligne, pourquoi devraient-ils assister aux cours ? Les professeurs survivront-ils dans un tel contexte ?
L’industrie de la musique donne un indice : bien que YouTube propose un contenu inépuisable de vidéos de stars telles que Britney Spears, les concerts sont toujours plébiscités, peut-être même davantage qu’avant. Regarder Britney en direct sur scène sera toujours mieux que de la voir en ligne, et il en va peut-être de même pour les professeurs charismatiques.

Transformation ou disruption ?

Il est certain que de nouveaux acteurs entreront sur le marché, tel qu’University 20.35, où chaque étudiant progresse grâce aux recommandations de l’IA, qui tient compte de son empreinte numérique et de celle des autres étudiants. Toutefois, les nouveaux entrants auront du mal à bouleverser un secteur régulé par l’État, par des accréditeurs privés ou par des exigences de classement. L’enseignement supérieur est plutôt lent et résistant au changement.
Plus problématique, l’enseignement supérieur fait face à la réduction du financement (public), investit beaucoup d’efforts dans la conformité aux accréditations et classements susmentionnés et peine bien souvent à encourager ses professeurs à s’engager dans cette transformation (sans compter l’arbitrage difficile des investissements nécessaires). Ce paradoxe fait écho aux débats opposant chauffeurs de taxi et chauffeurs de VTC, alors que tous deux seront vraisemblablement au chômage dès que les voitures autonomes envahiront nos rues.The Conversation

Andreas Kaplan, Rector, ESCP Europe
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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