Accéder au contenu principal

Les Français s’intéressent toujours à l’information et ils préfèrent les journalistes aux algorithmes

BVA Xsight a mené pour l’ ARCOM , une enquête auprès d’un échantillon représentatif de 3 400 Français âgés de 15 ans et plus, afin de répondre aux questions suivantes : Les Français s’intéressent–ils à l’information ? Comment les Français s’informent–ils ? Quelle connaissance ont–ils des réseaux sociaux ? Quelle image ont-ils des médias et des journalistes ? Cette enquête menée du 22 novembre au 20 décembre 2023 révèle ainsi que les Français se sentent plutôt bien informés malgré une surcharge informationnelle et une exposition aux fake news qui les poussent parfois à adopter des comportements d’évitement de l’information (changer de chaîne de télévision ou de station de radio, suspension des notifications des applications…). L’expansion rapide des réseaux sociaux et des plateformes de vidéo a facilité et démultiplié l’accès direct des Français à l’information et son appropriation, même si les médias éditorialisés – au premier rang desquels la télévision et la radio – restent aujourd’

Téléphone portable et cancer : quand la science contredit l’OMS

Andrey Bespalov / Shutterstock
Alberto Nájera López, Universidad de Castilla-La Mancha


En mai 2011, le Centre international pour la recherche sur le cancer (CIRC, ou IARC en anglais), agence dépendant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), annonçait que les champs électromagnétiques de radiofréquence, autrement dit ceux émis par les téléphones portables, seraient désormais considérés comme des agents cancérogènes appartenant au groupe 2B. Autrement dit, le CIRC considère ces émissions comme « possiblement cancérogènes pour les êtres humains ».
Près d’une décennie plus tard, où en sommes-nous ?

À quoi correspondent les divers groupes d’agents cancérigènes ?

Le CIRC classifie les agents cancérogènes en quatre groupes, en fonction du degré de preuves disponibles les concernant :

(pour lire ce tableau sur votre téléphone dans les meilleures conditions, orientez ce dernier en format « paysage »)
Les termes en italique déterminent le niveau de preuves existantes : limitées, suffisantes ou solides. Ce sont eux qui permettront la classification d’un agent dans un groupe ou dans un autre.
Des indications de cancérogénicité suffisantes signifient que les données évaluées permettent d’établir une relation de cause à effet entre l’exposition à l’agent et la survenue de cancers chez l’être humain. Une indication limitée de cancérogénicité indique qu’il existe une association positive entre l’exposition à un agent et la survenue de cancers chez l’être humain, mais que l’incertitude (liée au hasard, à d’éventuels biais…) n’a pu être exclue. Les données provenant des animaux peuvent être quantitativement ou qualitativement limitées. Enfin, une indication insuffisante de cancérogénicité signifie que les données chez l’être humain ou l’animal sont absentes ou ne peuvent être interprétées.

Les téléphones portables dans le groupe 2B

Étant donnée la définition des groupes du CIRC, en particulier celle du groupe 2B, affirmer que « l’OMS a classifié la radiation des téléphones portables comme étant cancérigène » est absolument faux.
Lors de son annonce, le CIRC lui-même indiquait que le degré de preuve était limité pour les utilisateurs de téléphones sans fil atteints de gliome (un type de cancer du cerveau) ou de neurinome de l’acoustique (tumeur sur le nerf acoustique). En outre, le CIRC jugeait « inadéquat » le degré de preuve pour les expositions environnementales ou professionnelles (radiation des antennes, en particulier pour les travailleurs).
Pourquoi alors avoir classé ces émissions dans le groupe 2B ? Ce choix résulte de la publication des résultats d’une étude de 2011 dans la revue Occupational & Environmental Medicine. Celle-ci révélait une augmentation du risque de gliome chez les utilisateurs de téléphones portables qui déclaraient une utilisation de plus de 30 minutes par jour sur les 10 années précédentes.
Cette décision a été très critiquée dans la communauté des chercheurs en bioélectromagnétisme (qui étudie les interactions entre les champs électromagnétiques et le vivant), car elle ne respectait aucun des critères requis. Les auteurs de l’étude eux-mêmes affirmaient dans leur conclusion :
« L’incertitude liée à ces résultats exige qu’ils soient reproduits avant de pouvoir en tirer une interprétation causale. »

Et depuis, quoi de neuf ?

En juin dernier, je me suis rendu au congrès BIOEM2019, qui se tenait à Montpellier. Organisée par les deux sociétés scientifiques les plus importantes du secteur (The Bioelectromagnetics Society et l’European Bioelectromagnetism Association), il s’agit de la plus grande manifestation internationale sur le bioélectromagnétisme.
Maria Feychting, chercheuse, professeure et directrice de l’unité d’Épidémiologie de l’Institut Karolinska y a donné une session plénière intitulée « Les preuves de cancérogénicité des champs électromagnétiques de radiofréquence ont-elles changé depuis l’évaluation du CIRC ? » :
Les principales preuves du lien possible entre le cancer et les téléphones portables émanent du chercheur Lennart Hardell. Très acclamé par les mouvements anti-antennes, il est connu dans le domaine du bioélectromagnétisme pour son point de vue et ses publications très controversées. Les études censées soutenir sa thèse, apportées dans le cadre de procès ou dans d’autres contextes, ont été critiquées par la communauté scientifique car comportant de nombreux défauts conceptuels et d’analyse.
Au cours de sa présentation, Maria Feychting a mis en évidence le fait que Lennart Hardell est non seulement le seul à mettre en évidence des liens positifs entre champs électromagnétiques de radiofréquence (CEM-RF) et cancérogénicité mais que, de plus, ces derniers sont faibles. Par ailleurs, aucune des études postérieures menées par différentes équipes à travers le monde ne les corrobore.
C’est par exemple le cas d’une étude de cohortes danoises de long terme qui a inclus plus de 350 000 personnes, ou d’autres travaux menés par le Cancer Research UK et le National Health Service au Royaume-Uni, basés sur une cohorte d’un million de femmes. Dans ces deux cas, aucun risque majeur de cancer lié à l’utilisation de téléphones portables n’a pu être démontré. Conclusion :
« Il n'y a pas eu d'augmentation du risque de tumeurs du système nerveux central, ce qui ne prouve guère l'existence d'une association causale… »
Fleychting a attiré l’attention sur une autre étude de Hardell dans laquelle ce dernier évaluait, de 2007 à 2009, les gliomes de patients ayant été exposés à des CEM-RF pendant « plus de 25 ans ». Curieusement, à l’époque de l’étude et dans l’intervalle d’années analysé, la téléphonie mobile n’était présente en Suède que depuis 23 ans, et en aucun cas majoritairement répandue…
D’autres études parues en 2012 ont comparé l’augmentation des incidences de cancers prédites des années plus tôt par Hardell aux observations réelles. Elles démontrent que l’augmentation annoncée n’a pas eu lieu et qu’au contraire, la tendance suivie est similaire à la tendance précédant l’apparition des téléphones portables. Dans le cas des États-Unis, la tendance est même – étonnamment – plutôt à la baisse. Une incidence plus élevée a été constatée seulement chez les adultes de plus de 75 ans, et non chez les jeunes, qui sont en principe ceux qui utilisent le plus les téléphones portables. Cette tendance a été attribuée à l’amélioration du diagnostic ainsi qu’à l’allongement de la durée de vie.
Toutes ces données contredisent les découvertes et les prédictions d’Hardell, qui recommande d’éviter l’utilisation du portable chez les jeunes de moins de 20 ans.
On peut donc affirmer que les résultats qui ont poussé le CIRC à prendre cette décision de classement des CEM-RF dans le groupe des agents « possiblement cancérogènes pour l’être humain » n’ont pas été confirmés par l’épidémiologie. En outre, les preuves les plus récentes contredisent les découvertes d’Hardell et de ses collaborateurs, dont les études doivent être remises en question.

Qu’en est-il de l’étude récente sur des rats ?

Après Mary Fleychting, qui s’est focalisée sur les études épidémiologiques, la scientifique Florence Poulletier De Gannes est intervenue pour faire le point sur les résultats concernant les animaux de laboratoire.
Elle est revenue sur deux études très solides, réalisées sur des rats. Publiées en 2018, elles révélaient un lien entre l’exposition aux CEM-RF et un type de cancer du cœur (extrêmement rare chez les humains). Ce résultat ne concernait que les rats mâles. L’une de ces études était issue du Programme national de toxicologie (NTP) des États-Unis, l’autre émanait de l’Institut Ramazzini en Italie.
Problème : ces deux études comportent des incohérences et des limitations qui freinent grandement l’applicabilité de leurs résultats lorsqu’il s’agit d’établir des modèles ou des limites d’exposition, et restreignent leur utilité. Surtout, lesdites limitations font obstacle à leur extrapolation sur l’être humain.
En définitive, il n’existe donc à l’heure actuelle toujours aucune preuve solide avalisant un lien entre l’utilisation des téléphones portables et le développement de cancer. Non seulement l’épidémiologie ne confirme pas cette hypothèse, mais de plus les résultats obtenus chez l’animal restent fragiles et contestables.The Conversation

Alberto Nájera López, Profesor Contratado Doctor de Radiología y Medicina Física, Universidad de Castilla-La Mancha
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

Midi-Pyrénées l’eldorado des start-up

Le mouvement était diffus, parfois désorganisé, en tout cas en ordre dispersé et avec une visibilité et une lisibilité insuffisantes. Nombreux sont ceux pourtant qui, depuis plusieurs années maintenant, ont pressenti le développement d’une économie numérique innovante et ambitieuse dans la région. Mais cette année 2014 pourrait bien être la bonne et consacrer Toulouse et sa région comme un eldorado pour les start-up. S’il fallait une preuve de ce décollage, deux actualités récentes viennent de l’apporter. La première est l’arrivée à la tête du conseil de surveillance de la start-up toulousaine Sigfox , spécialisée dans le secteur en plein boom de l’internet des objets, d’Anne Lauvergeon, l’ancien sherpa du Président Mitterrand. Que l’ex-patronne du géant Areva qui aurait pu prétendre à la direction de grandes entreprises bien installées, choisisse de soutenir l’entreprise prometteuse de Ludovic Le Moan , en dit long sur le changement d’état d’esprit des élites économiques du pay

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl

Ce que les enfants comprennent du monde numérique

  Par  Cédric Fluckiger , Université de Lille et Isabelle Vandevelde , Université de Lille Depuis la rentrée 2016 , il est prévu que l’école primaire et le collège assurent un enseignement de l’informatique. Cela peut sembler paradoxal : tous les enfants ne sont-ils pas déjà confrontés à des outils numériques, dans leurs loisirs, des jeux vidéos aux tablettes, et, dans une moindre mesure, dans leur vie d’élève, depuis le développement des tableaux numériques interactifs et espaces numériques de travail ? Le paradoxe n’est en réalité qu’apparent. Si perdure l’image de « natifs numériques », nés dans un monde connecté et donc particulièrement à l’aise avec ces technologies, les chercheurs ont montré depuis longtemps que le simple usage d’outils informatisés n’entraîne pas nécessairement une compréhension de ce qui se passe derrière l’écran. Cela est d’autant plus vrai que l’évolution des outils numériques, rendant leur utilisation intuitive, a conduit à masquer les processus in

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé