Accéder au contenu principal

Deepfake, décryptage d’une arnaque

Par Thomas Mannierre, Directeur EMEA Sud de BeyondTrust L’IA a fait entrer les braquages dans une nouvelle dimension. Plus besoin d’une cagoule noire désormais. En améliorant les attaques d'ingénierie sociale modernes, l’IA a donné naissance à un autre type de menaces : les deepfakes. Bienvenue dans ce qui pourrait être un épisode de Black Mirror ! Le faux CFO de Hong Kong En début d’année, une entreprise à Hong Kong s’est vue escroquée de 25,6 millions de dollars par un hacker utilisant l’IA et la technologie deepfake pour usurper l’identité d’un directeur financier. Si l'on en croit les rapports d’enquête, l'attaque a simulé un environnement de vidéoconférence complet et utilisé une fausse identité d'un important directeur financier de Hong Kong et d'autres participants à la réunion. La victime ciblée du département financier s'est d'abord méfiée d'un e-mail de phishing prétendant provenir du directeur financier. Cependant, la victime a rejoint une con

Municipales 2020 : le recours au numérique pour une campagne sans contact

Lignes de codes d'un programme informatique. Markus Spiske / Unsplash
Anaïs Theviot, Université catholique de l’Ouest


Le 12 mars dernier a lieu la première allocution télévisée du président de la République, Emmanuel Macron, au sujet du Covid-19. Il indique alors que les élections municipales seront maintenues afin « d’assurer la continuité de notre vie démocratique et de nos institutions ». Pourtant, plusieurs experts ont bien souligné le caractère non démocratique de ce maintien qui a conduit à un taux d’abstention historique de 55,34 %, soit près de 20 points de plus qu’en 2014. Et de nombreux maires ont été élus dès ce vote : c’est le cas de 30 000 communes sur 35 000, contre 7 600 en 2014, ce qui pose la question de leur légitimité alors que de nombreux recours ont été déposés devant les tribunaux administratifs.
Cet argument de la protection de la vie démocratique a aussi été avancé par le Premier ministre le 22 mai dernier pour justifier cette fois-ci le maintien du second tour avant l’été.
Après un report de plus de 100 jours suite à la pandémie, la date du second tour a finalement été fixée au 28 juin prochain. La campagne officielle débute, elle, le 15 juin et est exceptionnelle à plus d’un titre : son rythme sera plus diffus (un mois au lieu de cinq jours) et le numérique est annoncé comme le seul moyen de faire campagne dans le contexte de pandémie actuel. En effet, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a précisé le 22 mai que cette campagne devrait être menée « différemment », en essayant de « privilégier les campagnes numériques ».
A priori, le numérique semble avoir beaucoup d’atouts pour renforcer le caractère démocratique de cette campagne : pas de contrainte temporelle ou spatiale, possibilité de pénétrer dans tous les foyers connectés, lien plus direct entre candidats et électeurs via les outils du web 2.0, etc.
Mais cela permettra-t-il vraiment de redonner un nouveau souffle démocratique à ce second tour ?

Le numérique, un outil pas si nouveau en campagne électorale

Malgré la démocratisation d’Internet et la montée en puissance des réseaux sociaux, pour certains, comme le souligne le politiste Michel Offerlé, faire campagne reste toujours « serrer des mains et tenir les murs ». Les militants ont l’habitude de se retrouver pour distribuer des tracts lors des marchés, prendre le temps de discuter lors de réunions publiques ou d’appartement ou tenter de convaincre les abstentionnistes lors de porte-à-porte ciblé. Le « tout numérique » annonce-t-il alors une campagne sans campagne ?
Utiliser Internet pour faire campagne n’est pas nouveau. Depuis le début des années 2000, les candidats ont appris à apprivoiser les dispositifs numériques pour accroître leur visibilité.
À chaque scrutin, les équipes de campagnes ont désormais recours, de manière intensive, à un outil numérique qui permet de faire parler de cette innovation (et donc de leur candidat) dans les médias.
Dès 2004, la campagne pour les élections régionales est marquée par l’usage du blog politique qui vise à rendre plus personnelle la communication politique. Le candidat s’exprime alors à la première personne du singulier pour présenter son programme et les atouts de son parcours. Cette rhétorique de la proximité est depuis fortement utilisée par les candidats lorsqu’ils développent des outils en ligne. Un des objectifs des dispositifs numériques est en effet de casser les barrières entre gouvernants et gouvernés et permettre ainsi des échanges censés être plus directs par l’intermédiaire de la technique (chat, Facebook Live, etc.).
En 2007, on se souvient bien de l’usage de la plateforme Désirs d’Avenir par la candidate socialiste à l’élection présidentielle, Ségolène Royal, pour coconstruire le programme avec ses sympathisants. 135 000 contributions ont été enregistrées sur ce site et synthétisées dans “Les Cahiers d’espérance”. Il s’agit donc d’un vrai succès en matière de participation active à une plate-forme politique. Mais Désirs d’Avenir a dû faire face à de nombreuses critiques, certains lui reprochant d’entretenir une illusion de prise en compte de la parole du militant dans les processus de décision et de surfer sur la vague de la démocratie participative.
En 2012, ce sont les réseaux sociaux – Facebook et Twitter notamment – qui prennent le devant de la scène politique, avec par exemple les « live-tweets ». L’idée est de faire parler de son candidat en ligne, d’accroître sa visibilité et de rendre visible la masse militante qui est derrière lui.
En 2017, on entend beaucoup parler du succès de la chaîne YouTube de Jean‑Luc Mélenchon qui cherche à s’adresser directement à ses électeurs sans l’intermédiaire des médias.
D’un web statique, sans interactivité, n’étant qu’une reproduction en ligne des tracts papiers, on est passé à un usage stratégique et millimétré des outils numériques avec les big data. Les partis politiques français ont ainsi progressivement intégré le numérique dans leurs stratégies de communication et de mobilisation : en l’espace de dix ans, le web n’est plus seulement un outil supplémentaire de communication pour diffuser un message, il est devenu un moyen de rendre plus efficace les campagnes électorales, en ciblant certains profils d’électeurs, à l’appui de bases de données.

Le numérique n’est pas déconnecté du terrain

Les outils de cartographie du territoire (avec des logiciels tels que NationBuilder, DigitaleBox, Explain, etc.) sont souvent complémentaires des campagnes hors ligne et permettent par exemple de cibler le porte-à-porte. Cela avait était le cas en 2012 lorsque l’équipe de François Hollande avait décidé de frapper aux portes des abstentionnistes de gauche pour les convaincre de voter pour le candidat socialiste.
Militantisme en ligne et militantisme hors ligne ne s’opposent pas sur le terrain. Au contraire, il s’agit souvent via Internet de mettre en scène le militantisme « traditionnel » et de communiquer sur les actions effectuées hors ligne par les adhérents pour rendre visible la dynamique de campagne. Les réunions publiques sont ainsi filmées et diffusées sur YouTube, les tractages et boitages photographiés et partagés sur les réseaux sociaux tels que Facebook, etc.
S’il s’agit de faire uniquement campagne en ligne, le travail sur les bases de données permet toutefois de grandement personnaliser la communication par mail. Il est alors possible de choisir les thématiques envoyées à tel électeur et de s’adresser à lui directement par son prénom pour favoriser l’ouverture du mail et sa lecture.

Les limites d’une campagne en ligne : fracture générationnelle et reproduction des inégalités

Avec le numérique, il est possible d’entrer dans tous les foyers connectés sans aucun contact physique, mais encore faut-il que le site Internet de campagne ou la page Facebook du candidat soit visité par l’électeur ou que le mail qui lui est adressé soit ouvert.
Il ne suffit pas d’avoir une communication en ligne à la pointe de la technologie pour dépasser le cercle de ses sympathisants et capter de nouveaux électeurs, notamment ceux qui ne s’intéressent pas à la politique. Seuls les individus déjà intéressés par la politique vont être en capacité de se diriger vers ce contenu politique. Cela ne va toucher qu’un entre soi déjà positionné. Cette polarisation apparaît encore plus amplifiée sur les réseaux sociaux avec l’effet de la bulle filtrante.

« Illectronisme » : la fracture sociale à l’ère du numérique, le 7 septembre 2019.

On serait enfermés dans une « bulle filtrante » qui renforcerait la « balkanisation » de l’espace public. Les fameux algorithmes de Facebook ont par exemple tendance à maximiser la polarisation des opinions, au lieu de leur proposer des points de vue alternatifs, en affichant sur les fils d’actualité des utilisateurs des articles partagés par leur cercle de connaissances, donc souvent aux vues politiques similaires.
On l’a bien vu lors de l’élection présidentielle de 2017 : malgré les millions de vues de sa chaîne YouTube, le candidat Jean‑Luc Mélenchon n’est pas arrivé à passer le second tour. Visionner une vidéo ne signifie pas adhérer aux idées du candidat ni d’ailleurs se déplacer pour aller voter. Et ces vidéos, bien que visionnées des millions de fois, ne touchent qu’une partie du corps électoral. C’est d’ailleurs une des critiques formulées à la demande du ministre de l’Intérieur de faire campagne en ligne : il y aurait des oubliés du numérique…The Conversation

Anaïs Theviot, Maîtresse de conférences en science politique, Université catholique de l’Ouest
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl

Des conseils d'administration inquiets et mal préparés face à la menace cyber

Alors que les Assises de la Sécurité ouvrent leurs portes ce mercredi 11 octobre, pour trois jours de réflexion sur l’état de la cybersécurité en France, la société de cybersécurité Proofpoint f ait le point sur le niveau de préparation des organisations face à l’avancée de la menace.  Cette année encore, les résultats montrent que la menace cyber reste omniprésente en France et de plus en plus sophistiquée. Si les organisations en ont bien conscience,  augmentant leur budget et leurs compétences en interne pour y faire face, la grande majorité d’entre elles ne se sont pour autant, pas suffisamment préparées pour l’affronter réellement, estime Proofpoint. En France, 80 % des membres de conseils d’administration interrogés estiment que leur organisation court un risque de cyberattaque d’envergure, contre 78 % en 2022 – 36 % d’entre eux jugent même ce risque très probable. Et si 92 % d’entre eux pensent que leur budget lié à la cybersécurité augmentera au cours des 12 prochains mois, ces

L’Europe veut s’armer contre la cybercriminalité avec le Cyber Resilience Act

  Par  Patricia Mouy , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Sébastien Bardin , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) Assez des cyberattaques  ? La loi sur la cyberrésilience, ou Cyber Resilience Act a été adoptée par les députés européens le 12 mars dernier et arrive en application dans les mois à venir, avec l’ambition de changer la donne en termes de sécurité des systèmes numériques en Europe. Alors que les systèmes numériques sont littéralement au cœur des sociétés modernes, leurs potentielles faiblesses face aux attaques informatiques deviennent des sources de risques majeurs – vol de données privées, espionnage entre états ou encore guerre économique. Citons par exemple le cas de Mirai , attaque à grande échelle en 2016, utilisant le détournement de dispositifs grand public comme des caméras connectées pour surcharger des domaines Internet d’entreprise, attaque de type DDoS (déni de service distribué)