Accéder au contenu principal

L’Arcep et l’ADEME créent l’observatoire des impacts environnementaux du numérique

Dans un contexte où la société française prend de plus en plus conscience de son empreinte numérique, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) et l'Agence de la transition écologique (ADEME) viennent de franchir un pas décisif. Ces deux institutions ont annoncé ce jeudi 12 décembre la création d'un observatoire des impacts environnementaux du numérique, une initiative qui promet de révolutionner notre compréhension des enjeux écologiques liés aux technologies de l'information. Cette plateforme, fruit d'une collaboration initiée en 2020 à la demande des ministères de la Transition écologique et de l'Économie, vise à devenir une référence incontournable en matière de données fiables sur l'empreinte environnementale du numérique. "L'observatoire a vocation à constituer une plateforme de référence en matière de données fiables et sourcées sur les impacts environnementaux du numériqu...

Covid-19 : dans les médias, des femmes trop souvent invisibles ou stéréotypées

Deux couturières de la maison de couture Louis Vuitton présentent une veste portée par les infirmières travaillant en première ligne de la pandémie, en avril 2020. AFP/Bertrand Guay
Par Sabine De Bosscher, Université de Lille

Le traitement des informations en ces temps de crise est assez révélateur des dynamiques sociales qui traversent notre société. Prenons l’exemple des rapports sociaux de sexe. La crise actuelle aurait pu mettre en exergue le fait que beaucoup de professions nécessaires au maintien de la structure de la société sont encore fortement sexuées, comme celles du maintien de l’ordre, de la sécurité ou du transport, du côté des professions à majorité d’hommes, ou celles en lien avec la santé, le social, l’éducation ou les services à la personne, du côté des professions à majorité de femmes.

Or, ces femmes, en première ligne, sont souvent « oubliées » par certains médias. Bien que la situation ait un peu évolué depuis le printemps dernier - en témoigne le partenariat signé par le site des Expertes avec plusieurs médias français - au cours de la première vague, seuls de rares articles les mettaient en avant. D’autres, au contraire, ont masculinisé leur une. En avril, quand les femmes apparaissent en très grande majorité (43 femmes et trois hommes) sur une photographie de Corse Matin, leur sexe disparait sous le titre « On est avec eux ». Pour parler du féminisme en temps de coronavirus, une chaîne d’actualité (CNews) n’invitait que des hommes ; pour imaginer le monde d’après, Le Parisien interrogeait quatre hommes, mais aucune femme.

Cette moindre présence dans les médias des femmes expertes a été relevée en juin 2020 dans le rapport du CSA en France (20 % des expert·e·s interrogé·e·s sont des femmes) et par le Global Institute for Women’s Leadership dans les pays anglo-saxons (5 % de femmes).

Asymétrie et dévalorisation

Comment expliquer cette visibilité moindre, voire cette invisibilité des femmes ? La hiérarchie sociale qui organise les rapports sociaux de sexe a un effet sur la perception de soi et d’autrui. Ainsi, il existe, en lien avec cette hiérarchie sociale, une asymétrie cognitive entre les sexes, qui est visible, notamment, dans le fait que les hommes constituent les référents, le prototype, la norme de l’espèce humaine.

Dans des expériences de psychologie sociale, on peut ainsi voir que des femmes sont décrites comme ressemblant davantage aux hommes que l’inverse ou que, dans une discussion, les propos d’une femme sont davantage attribués à un homme que l’inverse.

On peut également se référer aux notions de groupes collection et groupes agrégat proposées par Lorenzi-Cioldi (1988). Pour ce dernier, un groupe dominant est davantage une collection d’individualités ayant chacune leur propre spécificité, qui sont perçues et se perçoivent en faisant référence à des qualités personnelles, apparemment extracatégorielles, et à des propriétés idiosyncrasiques (« j’ai telle qualité, tel trait de personnalité, telle compétence »), alors qu’un groupe dominé est davantage un agrégat d’individualités relativement indifférenciées les unes des autres, qui sont décrites et se décrivent en faisant appel à des propriétés collectives qui définissent le groupe d’appartenance dans son ensemble. Ce qui prime, pour les membres d’un groupe dominé, serait donc l’appartenance catégorielle (« je suis d’abord une femme »).

Ces traitements cognitifs différenciés ont un impact sur la hiérarchie sociale qui existe entre les sexes et, ce, quotidiennement, dans la sphère domestique, familiale, professionnelle, politique… Par ailleurs, en rendant ces femmes invisibles, on rend invisibles ces professions, qui sont, de manière liée, moins bien valorisées, notamment en termes de statut ou de rémunérations. Ces professions, si elles nous paraissent désirables socialement et utiles pour autrui, ne sont pas perçues comme telles du point de vue purement économique, ce qui pourrait expliquer leur moindre reconnaissance salariale entre autres.

Un leadership dit « féminin »

Inversement, dès le mois d’avril, certains médias français, comme Courrier International, RTL ou encore Ouest-France, ont publié un article arguant d’une meilleure gestion de la crise dans les pays dirigés par une femme. Ils reprenaient un article publié dans Forbes le 13 avril qui posait la question : « Qu’ont en commun les pays qui offrent la meilleure réponse au coronavirus ? Des leaders femmes » et qui mettait en avant l’efficacité d’un style leadership des femmes, perçu comme différent.

Cet article offre une bonne illustration du « women-are-wonderful effect » (« les femmes sont formidables ») décrit en 1994 par Eagly, Mladinic et Otto. Cet effet visible en politique est aussi mis en avant dans le recrutement de leaders femmes dans l’entreprise. Les femmes seraient ainsi perçues comme faisant preuve d’un style de commandement différent et complémentaire de celui des hommes.

Comme le souligne Jonas (2010), ce point de vue pourrait avoir un effet non négligeable, voire dangereux, sur l’égalité, professionnelle notamment, entre les sexes et la perception des femmes. Pour elle, se développe, à partir des théories évolutionnistes, l’idée d’un déterminisme des rôles sexuels et des relations entre les sexes, qui a pour conséquence de « naturaliser la catégorie des “femmes” » et de « lui attribuer des pouvoirs quasi magiques de transformation des pratiques professionnelles, voire de la société tout entière ». évoque également les effets pernicieux de cette perception. Pour lui, l’idée d’une « spécificité féminine » consiste à « essentialiser » une personne et donc à « la juger en fonction de son appartenance à un groupe, plutôt qu’en fonction de ses caractéristiques propres, de sa personnalité unique ».

Pour Keller (2005), « cette tendance emprunte le chemin de l’éternel féminin, une notion qui résume un faisceau de compétences naturelles, à caractère biologique », parfois socioculturel. Elle n’est pas sans rappeler également la notion de sexisme bienveillant.

Un risque d’essentialisation

On retrouve, dans cet article de Forbes, cette ambiguïté entre des qualités attribuées habituellement aux hommes et perçues comme nécessaires à un leadership efficace et des qualités perçues comme féminines. Ainsi Forbes appuie son analyse sur des qualités et des traits que la revue juge communs à ces dirigeantes. Ces traits sont en lien avec les deux dimensions décrites dans les modèles de contenu des stéréotypes. La première de ces dimensions est liée à la sociabilité ou la moralité des personnes et est plus souvent utilisée pour décrire les femmes.

Dans l’article de Forbes ou celui du Guardian, il est ainsi fait référence à la capacité de « savoir dire la vérité » (être honnête) et à celle d’être « empathique », « gentille » et de porter « attention aux autres ». L’article évoque même l’idée d’une « étreinte chaleureuse et affectueuse » venant de ces dirigeantes, confirmant le mythe de « Mère Corona », suggéré par Heidi News.

Toutefois, il ne semble pas que cette étreinte chaleureuse ait été utilisée pour qualifier le leadership des dirigeants hommes… La deuxième dimension est en lien avec les compétences de la personne et le statut social ou le pouvoir, caractéristiques perçues comme plus masculines. Dans l’article, les dirigeantes sont ainsi décrites comme ayant un esprit de décision et sachant utiliser les outils technologiques. Le raisonnement serait donc que ces dirigeantes utiliseraient un leadership plus efficace, car sachant « jouer » sur les deux fronts : le front opérationnel et le front des relations humaines.

Un article récent met en lien le nombre de décès de la première vague avec plusieurs variables, dont celle du sexe du ou de la chef·fe d’état. Sur les 194 pays étudiés, 19 sont dirigés par une femme, ce qui relativise un peu les analyses effectuées. Les autrices montrent ainsi que les femmes ont réagi plus rapidement et de manière plus décisive face aux décès potentiels, car elles auraient davantage d’aversion pour les risques humains encourus et moins d’aversion pour les risques économiques, que les hommes. Elles utiliseraient également un style de communication plus clair, empathique et décisif.

Champoux-Paillé et Croteau (2020) élargissent l’analyse : si les pays dirigés par des femmes ont géré plus efficacement la pandémie, n’est-ce pas lié au fait que ces pays, qui ont élu des femmes, sont plus égalitaires et paritaires et, ce, dans de nombreux postes de pouvoir et dans tous les secteurs ? Ces pays seraient ainsi gérés différemment, avec des qualités traditionnellement qualifiées de féminines (empathie, compassion, écoute et collaboration), différentes des qualités liées à l’exercice du pouvoir traditionnel de gestion, de supervision et de contrôle, ces deux types de qualités pouvant être affichés par les femmes leaders.

Toutefois, cette définition d’un leadership féminin spécifique pourrait avoir des effets pervers en essentialisant des comportements qui sont acquis. Ainsi, par exemple, le recrutement de femmes leaders ne serait plus basé sur des compétences ou sur un objectif d’égalité professionnelle, mais fondé sur un présupposé leadership spécifique, en lien avec des caractéristiques féminines, quasi innées…The Conversation

Sabine De Bosscher, Maître de conférences en psychologie du travail, Université de Lille Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté...

Quelle technologie choisir pour connecter les objets ?

Par Frédéric Salles, Président et co-fondateur de Matooma   En 2021, le nombre total d'objets connectés utilisés atteindra les 25 milliards selon Gartner. Il est ainsi légitime de se demander quelles sont les technologies principales permettant de connecter les objets, et quelle pourrait être celle la plus adaptée pour sa solution. Un projet de vidéosurveillance par exemple n'aura absolument pas les mêmes besoins qu'un projet basé sur le relevé de température au milieu du désert. Ainsi pour trouver la meilleure connectivité pour son objet, de nombreuses questions peuvent se poser : mon objet fonctionne-t-il sur batterie ou est-il alimenté ? Mon objet restera-t-il statique ou sera-t-il mobile ?  Mon objet est-il susceptible d'être dans un endroit difficile d'accès ou enterré ? A quelle fréquence mes données doivent-elles remonter ? Etc. Voici les différentes solutions actuellement disponibles sur le marché. Courte distance : RFID/Bluetooth/WiFi La RFID (Ra...

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est poss...

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl...

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance lo...

Deepfakes, vidéos truquées, n’en croyez ni vos yeux ni vos oreilles !

Par  Divina Frau-Meigs , Auteurs historiques The Conversation France Les spécialistes en fact-checking et en éducation aux médias pensaient avoir trouvé les moyens de lutter contre les « deepfakes » , ou hypertrucages , ces manipulations de vidéos fondées sur l’intelligence artificielle, avec des outils de vérification comme Invid-Werify et le travail des compétences d’analyse d’images (littératie visuelle), avec des programmes comme Youverify.eu . Mais quelques cas récents montrent qu’une nouvelle forme de cyberattaque vient de s’ajouter à la panoplie des acteurs de la désinformation, le deepfake audio. Aux États-Unis, en janvier 2024, un robocall généré par une intelligence artificielle et prétendant être la voix de Joe Biden a touché les habitants du New Hampshire, les exhortant à ne pas voter, et ce, quelques jours avant les primaires démocrates dans cet État. Derrière l’attaque, Steve Kramer, un consultant travaillant pour un adversaire de Biden, Dean ...