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Données personnelles : rien à cacher, mais beaucoup à perdre

Nos données personnelles sont partout sur internet, et peuvent être utilisées à très mauvais escient. Дмитрий Хрусталев-Григорьев , Unsplash , CC BY Par  Antoine Boutet , INSA Lyon – Université de Lyon Nos données personnelles circulent sur Internet : nom, adresses, coordonnées bancaires ou de sécurité sociale, localisation en temps réel… et les affaires qui y sont liées se font une place pérenne dans le débat public, du scandale Facebook-Cambridge Analytica au vol de données à la Croix-Rouge , en passant par les récents blocages d’hôpitaux par des rançongiciels (ou ransomware ) et l’ interdiction de l’application TikTok pour les fonctionnaires de plusieurs pays . Mais si l’on sait de plus en plus que nos données personnelles sont « précieuses » et offrent des possibilités sans précédent en matière de commercialisation et d’innovation, il est parfois difficile de saisir ou d’expliquer pourquoi il faudrait les protéger. Quels sont les risques

Krach du bitcoin : cybercriminalité et surconsommation d’électricité, la face cachée des cryptomonnaies

 


La popularité des cryptomonnaies ne cesse de croître, notamment celle de la plus connue d’entre elles, le bitcoin. Karen Bleier / AFP
Donia Trabelsi, Institut Mines-Télécom Business School ; Michel Berne, Institut Mines-Télécom Business School et Sondes Mbarek, Institut Mines-Télécom Business School

-20 % pour le dogecoin, – 19 % pour l’ethereum, – 22 % pour definity, la blockchain qui se veut infinie et dont le lancement récent avait connu un départ fulgurant : le mercredi 19 mai restera comme le jour d’un krach important des cryptomonnaies. La plus connue d’entre elles, le bitcoin, limite les dégâts à 8,5 % (39 587 dollars) après être tombé à – 30 % dans la journée. Il a déjà perdu 39 % par rapport à la valeur record atteinte au mois d’avril.

Elon Musk est passé du statut d’idole à celui de traître sur le marché des cryptomonnaies. Odd Andersen/AFP

Rares sont celles à connaître une croissance parmi les quelque 5 000 que l’on recense aujourd’hui. Les dernières lancées ? « FuckElon » ou « StopElon », ce qui en dit long sur l’identité du responsable désigné de cette chute des cours entamée dans les faits depuis plus d’une semaine.

Ancienne idole du monde des cryptomonnaies, Elon Musk, l’emblématique dirigeant de la firme automobile Tesla, semble désormais considéré comme un nouveau Judas par ces marchés. Les fondateurs du « StopElon » affirment même avoir pour ambition de faire grimper le cours de leur nouvelle cryptomonnaie dans l’objectif d’acheter des actions Tesla et d’expulser son dirigeant. La chute relativement moins importante du bitcoin semble néanmoins pouvoir être expliquée par des signaux rassurants de sa part.

Elon Musk avait mis le feu aux poudres en annonçant la semaine passée qu’il ne serait plus possible de payer ses véhicules en bitcoin alors qu’il s’était, au mois de mars, engagé dans la direction opposée. Il sous-entendait même que Tesla pourrait revendre l’intégralité de ses bitcoins. Début mai, invité de l’émission humoristique Saturday Night Live, il faisait déjà plonger le dogecoin qu’il venait pourtant soutenir, en lâchant le mot « arnaque » au cours d’un sketch.

La raison invoquée ? Leur nocivité pour la planète, les transactions les utilisant exigeant une forte consommation en électricité. « Une cryptomonnaie est une bonne idée à plusieurs niveaux et nous croyons en ce futur prometteur mais cela ne doit pas se faire avec un coût élevé pour l’environnement », déclarait celui qui porte également les projets spatiaux de SpaceX.

La Chine semble également avoir joué un rôle dans les événements de mercredi. Alors que le pays est sur le point de lancer un yuan numérique, ses dirigeants annonçaient en effet interdire aux institutions financières de faire usage de cryptomonnaies. « Après la volte-face de Tesla, la Chine a remué le couteau dans la plaie en déclarant que les monnaies virtuelles ne devraient pas et ne peuvent pas être utilisées sur le marché parce qu’elles ne sont pas des monnaies réelles », commentait hier à l’AFP Fawad Razaqzada, analyste de Thinkmarkets.

Si l’influence d’un seul homme sur les cours de ces actifs qui connaissaient depuis un an une embellie spectaculaire peut interroger, ses dernières sorties et sa volte-face invitent a minima à questionner les enjeux éthiques qu’ils soulèvent. Nos travaux montrent qu’ils sont au moins de deux ordres.

Darknet et rançongiciels

La question de l’éthique des cryptomonnaies reste étroitement liée à la nature et au fonctionnement même de ces actifs. En effet, les monnaies virtuelles ne sont associées à aucune autorité ou institution gouvernementale. Le système bitcoin a même été explicitement conçu pour éviter de s’appuyer sur des intermédiaires de confiance traditionnels, tels que les banques, et échapper à la tutelle des banques centrales. La valeur d’une monnaie virtuelle repose donc en principe intégralement sur la confiance et l’honnêteté de ses utilisateurs, ainsi que sur la sécurité d’un algorithme capable de suivre toutes les transactions.

Or, en raison de leur anonymat, de l’absence de réglementation stricte et des lacunes d’infrastructure, les cryptomonnaies apparaissent également susceptibles d’attirer des groupes d’individus qui cherchent à les utiliser de manière frauduleuse. Les préoccupations réglementaires portent d’ailleurs notamment sur leur utilisation dans le commerce illégal (drogues, piratage et vol, pornographie illégale), les cyberattaques, le potentiel de financement du terrorisme, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale.

Les activités illégales ont ainsi représenté pas moins de 46 % des transactions en bitcoin sur la période 2009-2017, ce qui pèse environ 76 milliards de dollars par an pendant cette période, soit l’équivalent de la taille des marchés américain et européen des drogues illicites. En avril 2017, environ 27 millions de participants au marché du bitcoin l’utilisaient principalement à des fins illégales.

L’un des exemples les plus connus de cybercriminalité liée à l’utilisation de cryptomonnaies reste aujourd’hui la « route de la soie ». Dans ce marché noir en ligne dédié à la vente de drogues sur le darknet, la partie d’internet accessible uniquement avec des protocoles spécifiques, les paiements étaient effectués exclusivement en cryptomonnaies.

En 2019, 8 % des demandes d’assistance formulées par des professionnels et adressées à www.cybermalveillance.gouv.fr concernent des raçongiciels. Rapport d’information sénatorial n° 613 (2019-2020) de Mme Sophie JOISSAINS et M. Jacques BIGOT, fait au nom de la commission des affaires européennes et de la commission des lois, déposé le 9 juillet 2020

En 2014, à une époque où le prix du bitcoin était aux alentours de 150 dollars américains, la saisie par le FBI de plus de 4 millions de dollars de bitcoins sur la route de la soie donne une idée de l’ampleur du problème auquel sont confrontés les régulateurs. Le FBI estimait alors que cette somme représentait près de 5 % de l’économie totale du bitcoin.

Les cryptomonnaies ont également facilité la propagation des attaques de rançongiciels, ces logiciels malveillants qui bloquent l’accès des entreprises à leurs propres données et ne les débloquent que contre le paiement d’une rançon en cryptomonnaies. Une étude réalisée par des chercheurs de Google a révélé que les victimes avaient payé plus de 25 millions de dollars de rançons entre 2015 et 2016. En France, d’après un rapport sénatorial remis en juillet 2020, ces rançongiciels concernent pour les professionnels 8 % des demandes d’assistance sur le site cybermalveillance.gouv.fr, 3 % de celles des particuliers.

Des actifs énergivores

Les principales cryptomonnaies utilisent une grande quantité d’électricité pour le minage, c’est-à-dire les opérations informatiques qui servent à les fabriquer et à valider les transactions. En effet, les deux principales monnaies virtuelles, bitcoin et ethereum, nécessitent des calculs compliqués extrêmement énergivores.

Pour le bitcoin, selon le site Digiconomist, le pic de consommation énergétique se situait entre 60 et 73 TWh en octobre 2018. Sur une base annualisée, mi-avril 2021, ces chiffres se situaient approximativement entre 50 et 120 TWh, soit plus que la consommation énergétique d’un pays comme le Kazakhstan. Ces chiffres sont encore plus spectaculaires lorsqu’ils sont donnés par transaction : le 6 mai 2019, le chiffre était de 432 KWh et de plus de 1000 KWh mi-avril 2021, soit la consommation annuelle d’un studio de 30m² en France.

Une comparaison populaire est souvent établie avec le système de paiement électronique Visa, qui nécessite une consommation d’énergie plus ou moins 300 000 fois inférieure à celle du bitcoin pour chaque transaction. Les chiffres ne peuvent pas être strictement comparés, mais illustrent bien que les transactions en bitcoin restent extrêmement énergivores par rapport aux transactions électroniques courantes.

Comment parvenir à un équilibre ?

Il existe des solutions pour réduire le coût et l’impact énergétique des bitcoins comme le recours aux énergies vertes ou l’augmentation de l’efficacité énergétique des ordinateurs d’exploitation minière.

Les cryptomonnaies : questions éthiques et environnementales (FNEGE Médias, juillet 2020).

Cependant, la technologie informatique doit encore s’améliorer dans ce sens. Surtout, la rémunération des mineurs pour débloquer les prochains bitcoins et valider les transactions est censée diminuer à l’avenir, les obligeant à consommer plus d’énergie pour garantir un même niveau de revenus.

Les initiateurs de cette technologie estiment que l’innovation que représente le bitcoin favorise un marché mondial libre et relie financièrement le monde. Cependant, il reste encore difficile à l’heure actuelle de trouver un équilibre entre la promotion d’une technologie innovante et la dissuasion de la criminalité et de l’impact écologique associés.The Conversation

Donia Trabelsi, Maître de conférences en finance, Institut Mines-Télécom Business School ; Michel Berne, Economiste, Directeur d'études (en retraite), Institut Mines-Télécom Business School et Sondes Mbarek, Maitre de conférences en finance, Institut Mines-Télécom Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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