Accéder au contenu principal

Avec « Osez l’IA », la France veut transformer l’intelligence artificielle en levier concret pour ses entreprises

En annonçant le plan national « Osez l’IA » ce 1er juillet, Clara Chappaz, ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique, n’a pas déclenché une révolution, mais acté une inflexion majeure : celle du passage à l’échelle. La France s’était dotée, dès 2018, d’une stratégie nationale ambitieuse issue du rapport Villani, posant les bases d’un écosystème de recherche performant, d’un financement public structurant et d’une régulation éthique. Une décennie plus tard, avec 1 000 start-up dans le domaine, un supercalculateur de pointe (Jean Zay) et des leaders comme Mistral AI, le socle est posé. Mais l’adoption reste lacunaire. En 2025, seules 13 % des PME utilisent réellement une solution IA. Le plan « Osez l’IA » veut inverser cette tendance. Ce plan s’inscrit dans le sillage de France 2030, qui a déjà engagé plus de 2,5 milliards d’euros pour soutenir l’intelligence artificielle. Il s’appuie également sur les enseignements du rapport de Bpifrance Le Lab (« L’IA dans les PM...

Facebook et son « métavers » : le cauchemar devient-il réalité ?


Une personne avec un casque de réalité virtuelle. Lux Interaction/Unsplash, CC BY-SA

Par Andreas Kaplan, ESCP Business School

Lorsqu’il y a plus de 10 ans, en 2010, avec Michael Haenlein, professeur de marketing également à ESCP Business School, nous avons identifié les mondes virtuels comme des médias sociaux, notre raisonnement a souvent été remis en question. Pour nous, cependant, le lien était plus qu’évident puisque, à l’époque, nous avons fait beaucoup de recherches sur ces mondes virtuels, notamment « Second Life ». Récemment, notre logique a été confirmée lorsque Facebook, colosse des réseaux sociaux, a annoncé son entrée dans le monde des métavers, c’est-à-dire des mondes virtuels.

Nos recherches sur Second Life, un monde social virtuel tridimensionnel lancé en 2003, ont montré que nombre de ses utilisateurs, sous la forme d’avatars personnalisés ou, en d’autres termes, de représentations graphiques du caractère ou de la personnalité d’un utilisateur, considéraient ce monde virtuel non pas comme un simple jeu, mais comme une extension de leur vie réelle.

Dans Second Life, les utilisateurs interagissent avec d’autres personnes en temps réel, se rencontrent et se parlent, deviennent amis et cultivent leur réseau, voire vendent et achètent des produits virtuels en utilisant la monnaie virtuelle de Second Life, le linden dollar, qui peut être obtenu soit en échangeant des dollars US, soit en travaillant et en gagnant un salaire (virtuel). Une possibilité de gagner sa seconde vie est de créer des produits virtuels en les vendant dans sa propre boutique (virtuelle également). Mais aussi la spéculation immobilière semble opportune. Ainsi, Anshe Chung, alias Ailin Graef, aurait gagné un million de (vrais) dollars US en acquérant de grands terrains virtuels qu’elle a revendus en petites parcelles pour plus cher.

Gagner du vrai argent est possible, car les Linden Dollars peuvent également être ré-échangés en dollars US, ce qui permet de gagner de l’argent réel, ce qui, déjà à l’époque, avait créé de sérieux maux de tête aux avocats fiscalistes et aux autorités fiscales.

Un monde virtuel plus attrayant que la réalité

Les utilisateurs décrivaient Second Life comme étant plus attrayante que la réalité, que leur vie réelle, leur première vie. L’utilisateur moyen de notre échantillon avait déclaré qu’il utilisait Second Life environ 4 heures par jour, avec une médiane de 2,8 heures. Pourtant, certains d’entre eux passaient plus de 16 heures par jour dans cet environnement virtuel, n’utilisant leur vie réelle que pour dormir. Pour cette recherche, nous nous sommes basés sur une série de 29 entretiens qualitatifs en profondeur que nous avons conduits auprès de résidents de Second Life venant de partout au monde et avec une moyenne d’âge de 35 ans.

Qu'est-ce que Second Life ?

Sur la base de nos recherches, nous avons identifié quatre motivations principales pour l’utilisation de Second Life : la recherche de distractions, le désir de nouer des relations personnelles, le besoin d’apprendre, et le souhait et la possibilité mentionnés ci-dessus de gagner de l’argent.

Alors que le battage médiatique autour de Second Life a rapidement diminué, le métavers de Facebook pourrait effectivement être le début d’une autre histoire, plus importante.

Le fait de choisir pour Facebook le nom de métavers, une combinaison de méta, qui signifie au-delà, et de l’univers, n’est en effet pas anodin. L’écrivain américain de science-fiction Neal Stephenson a utilisé ce terme exact pour décrire son monde virtuel imaginaire dans son best-seller de 1992 Snow Crash. Dans ce roman, qui se déroule au début du XXIe siècle, Stephenson raconte l’histoire du livreur de pizza : Hiro, qui vit physiquement à Los Angeles, mais qui passe virtuellement la plupart de ses journées dans le métavers, où des avatars assistent à des concerts, vont au travail ou consomment des drogues virtuelles, comme le pseudo-narcotique Snow Crash. Le métavers devient si populaire que certaines personnes décident même d’y rester connectées en permanence en passant leur vie réelle dans des unités de stockage, entourées seulement de l’équipement technique nécessaire pour entrer dans le monde virtuel.

Neal Stephenson décrit fictivement ce que Second Life a partiellement transformé en réalité il y a près de vingt ans et ce que Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, semble avoir en tête pour son métavers récemment annoncé, qui semble devenir une version plus avancée de Second Life appliquant les dernières technologies en matière de réalité virtuelle et augmentée. Grâce à un casque de réalité virtuelle, les utilisateurs feront et verront tout en trois dimensions. Assister à un concert de son idole ou flâner aux Galeries Lafayette avec ses amis tout en restant chez soi ne sera plus aucun problème. Même les expressions faciales du porteur du casque, équipé d’un lecteur biométrique, pourront être reproduites sur le visage virtuel de l’avatar correspondant. Ainsi, pour Mark Zuckerberg, le métavers simplement révolutionnera l’idée même d’Internet.

Le moment est peut-être bien choisi. Au cours du Covid-19, l’état d’esprit de la société à l’égard des environnements numériques a considérablement changé, ayant connu des heures de réunions virtuelles sur Zoom, Google Meet ou Microsoft Teams. La question qui se pose est de savoir pourquoi un tel métavers pourrait devenir le cauchemar de la société ?

En 2010, nous avions terminé notre analyse en concluant que les utilisateurs n’avaient « rien à perdre que leurs chaînes ». Aujourd’hui, davantage semble être en jeu. En supposant que les progrès de l’intelligence artificielle (IA), de l’automatisation et de la transformation numérique laisseront une part importante de chômeurs vivre avec une forme de revenu de base universel, on peut se demander comment ils rempliront leur journée ?

Le métavers n'est pas pour tout de suite

Il y a déjà plus de 10 ans, plusieurs utilisateurs de Second Life ont déclaré qu’ils préféraient leur vie virtuelle à leur vie réelle. Avec un environnement virtuel bien amélioré, offrant plus de fonctionnalités et d’opportunités (virtuelles), n’y a-t-il pas plus de gens qui préfèrent transférer leur vie dans le métavers ? À quelle distance sommes-nous d’un monde comme celui illustré dans le roman de Neal Stephenson ?

Pour l’instant, Facebook a annoncé que la réalisation complète du métavers prendra 10 ans ou plus, même s’ils dépenseront des milliards de dollars américains pour lui donner vie. On peut également se demander si Facebook réussira dans cette entreprise compte tenu de son historique de lancements de nouveaux produits – et de leurs échecs (juste pensez à Parse, Beacon, ou encore Facebook Credits). Pourtant, ce n’est peut-être pas la bonne question à se poser. Facebook a remis sur la table l’idée d’un monde virtuel. Si ce n’est pas eux, une autre entreprise prendra le relais. Les véritables questions doivent être les suivantes : que signifierait un tel développement pour notre société, et si cela est souhaitable pour l’humanité ? Comment se préparer au mieux à une telle évolution éventuelle ?The Conversation

Andreas Kaplan, Rector, ESCP Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté...

Quelle technologie choisir pour connecter les objets ?

Par Frédéric Salles, Président et co-fondateur de Matooma   En 2021, le nombre total d'objets connectés utilisés atteindra les 25 milliards selon Gartner. Il est ainsi légitime de se demander quelles sont les technologies principales permettant de connecter les objets, et quelle pourrait être celle la plus adaptée pour sa solution. Un projet de vidéosurveillance par exemple n'aura absolument pas les mêmes besoins qu'un projet basé sur le relevé de température au milieu du désert. Ainsi pour trouver la meilleure connectivité pour son objet, de nombreuses questions peuvent se poser : mon objet fonctionne-t-il sur batterie ou est-il alimenté ? Mon objet restera-t-il statique ou sera-t-il mobile ?  Mon objet est-il susceptible d'être dans un endroit difficile d'accès ou enterré ? A quelle fréquence mes données doivent-elles remonter ? Etc. Voici les différentes solutions actuellement disponibles sur le marché. Courte distance : RFID/Bluetooth/WiFi La RFID (Ra...

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl...

6 questions sur Zone-telechargement

Quel était ce site ? Zone-telechargement.com était jusqu'à lundi soir l'un des plus gros sites web français proposant de télécharger des contenus numériques illégaux. En grande majorité des films parfois très récents ; des séries télé notamment américaines qui n'étaient pas diffusées en France ; de la musique ; des logiciels et des jeux vidéo. Les séries et les films étaient disponibles en différentes qualités et ceux en langue anglaise étaient sous-titrés grâce à des communautés d'utilisateurs capables de sous-titrer des épisodes de série 24 heures après leur diffusion aux États-Unis. Le site comptabilisait, selon la gendarmerie, en moyenne 140 millions de pages vues par mois et 11 000 téléchargements par jour. La société Alexa affichait Zone-Telechargement à la 11e place des sites les plus visités de France… devant Twitter ! Zone-Telechargement proposait 18 000 films, 2 500 séries télé ; 11 000 documentaires ; 20 943 émissions télé ; plus de 150 000 MP3 mais aus...

D’IBM à OpenAI : 50 ans de stratégies gagnantes (et ratées) chez Microsoft

  Paul Allen et Bill Gates en 1970 à Lakeside School (Seattle). Microsoft naîtra cinq ans plus tard. Auteur inconnu/Wikimedia Par  Frédéric Fréry , ESCP Business School Insubmersible. Même la vague des Gafa n’a pas vraiment atteint Microsoft. Cinquante ans après sa création, soit une éternité dans le monde de la tech, la firme de Bill Gates et Paul Allen est toujours là et bien là. Retour sur ce qu’on appelle outre-Atlantique, une success-story avec quelques échecs. Cette semaine, Microsoft fête ses 50 ans. Cet article a été écrit sur Microsoft Word, à partir d’un ordinateur équipé de Microsoft Windows, et il sera vraisemblablement publié sur des plateformes hébergées par Microsoft Azure, notamment LinkedIn, une filiale de Microsoft qui compte plus d’un milliard d’utilisateurs. C’est dire l’influence de cette entreprise qui, en 2024, a dégagé un bénéfice net de 88 milliards de dollars po...

Écrans et santé oculaire : comment protéger nos yeux à l’ère du numérique ?

Par le Dr Camille Rambaud, co-fondateur de l’Institut Voltaire L’omniprésence des écrans dans nos vies transforme notre manière de travailler, de communiquer et même de nous divertir. Mais ce mode de vie connecté à un coût pour notre santé visuelle. Fatigue oculaire, sécheresse, maux de tête, troubles du sommeil : les symptômes de ce que l’on appelle désormais le syndrome de vision artificielle touchent de plus en plus de personnes, et ce, dès le plus jeune âge. Alors, comment protéger nos yeux sans renoncer aux technologies numériques ? Comprendre les risques : l’impact des écrans sur nos yeux La lumière bleue émise par les écrans numériques est l’un des principaux facteurs incriminés. Bien qu’elle soit essentielle pour réguler notre rythme circadien, une surexposition peut perturber le sommeil et provoquer des lésions oculaires à long terme. De plus, le clignement naturel des yeux diminue significativement devant un écran, ce qui entraîne une sécheresse oculaire accrue. Enfin, la pos...