Accéder au contenu principal

Deepfake, décryptage d’une arnaque

Par Thomas Mannierre, Directeur EMEA Sud de BeyondTrust L’IA a fait entrer les braquages dans une nouvelle dimension. Plus besoin d’une cagoule noire désormais. En améliorant les attaques d'ingénierie sociale modernes, l’IA a donné naissance à un autre type de menaces : les deepfakes. Bienvenue dans ce qui pourrait être un épisode de Black Mirror ! Le faux CFO de Hong Kong En début d’année, une entreprise à Hong Kong s’est vue escroquée de 25,6 millions de dollars par un hacker utilisant l’IA et la technologie deepfake pour usurper l’identité d’un directeur financier. Si l'on en croit les rapports d’enquête, l'attaque a simulé un environnement de vidéoconférence complet et utilisé une fausse identité d'un important directeur financier de Hong Kong et d'autres participants à la réunion. La victime ciblée du département financier s'est d'abord méfiée d'un e-mail de phishing prétendant provenir du directeur financier. Cependant, la victime a rejoint une con

Data gouvernance : les 7 défis d’une machine à innover

data

Avis d’expert de Frédéric Fourquet, Product Marketing Manager, chez MEGA International

Considérée comme une source d’innovation et de valeur ajoutée, la donnée est un élément dont la valorisation reste difficile dans les entreprises, et ce malgré une prise de conscience et de nombreuses initiatives ces dernières années. Dans les faits, le partage de la donnée dans les organisations ne se décrète pas, il se motive, afin que les métiers jouent le jeu. Et les motivations sont simples : le réglementaire représente une nécessité impérieuse pour tous les acteurs, mais c’est surtout l’innovation qui permet de réaliser les gains de performance et les potentialités de croissance. Le processus demeure toutefois complexe avec des défis majeurs à relever en matière de data gouvernance.

1 – Impliquer les métiers pour les motiver

Données clients, informations industrielles et métiers, données financières, etc. : dans une organisation, les données sont nombreuses et ne cessent d’augmenter avec le digital. Leur point commun : elles sont la propriété d’une fonction métier ou d’une fonction support. Si historiquement certaines données sont partagées entre les fonctions (données clients entre le marketing et le commerce, données produits entre les études et la production, données financières entre le commerce et la DAF, etc.), c’est aujourd’hui la transversalité complète dans l’organisation qui est en mesure de créer de la valeur par l’innovation.

Pour autant, cette transversalité peut-elle se décréter ? Oui en partie, avec des réglementations (et les amendes associées) qui imposent une gestion globale des données dans le cadre d’une obligation de conformité. C’est le cas par exemple du RGPD, pour laquelle l’entreprise doit prouver sa maitrise et sa bonne gestion de l’ensemble des données personnelles traitées au sein de l’organisation.

Mais pour être réellement source d’innovation, cette transversalité s’acquiert : les métiers doivent comprendre en quoi partager leurs données avec les autres acteurs de l’organisation peut leur apporter des bénéfices, et donc les motiver. L’utilisation de l’intelligence artificielle fournit un bon exemple. C’est en mettant en commun toutes les données pour une gouvernance globale que l’ensemble des métiers peuvent en retour bénéficier des innovations disruptives qu’offre l’IA: détection de signaux faibles, compréhension fine des comportements clients, etc. sur la base de données stables, fiables et maitrisées.

Si la proximité de l’équipe data science avec les métiers peut être une motivation supplémentaire, une phase d’évangélisation et d’on-boarding est essentielle. C’est l’un des rôles du CDO (Chief Data Officier) qui est là pour organiser la connaissance, favoriser les échanges, s’assurer de la fiabilité et de la conformité des données. Il est aussi là pour embarquer chaque « propriétaire » de données dans la démarche. Concrètement, pour construire cette culture partagée de la donnée, le CDO devra trouver des sponsors métiers - y compris de niveau CODIR, mettre en place une charte de la démarche de Data Gouvernance, puis organiser la démarche d’information, de communication et d’induction des différents correspondants data.

2 – Réconcilier technicité de la data gouvernance et besoins métiers

La data gouvernance vise à connaître et cataloguer toutes les données d’une organisation, à évaluer et améliorer leur qualité et conformité, pour les mettre à disposition des parties-prenantes qui assurent la bonne marche de l’entreprise. Un concept extrêmement technique donc - les données étant l’apanage du système d’information, alors qu’il s’agit en priorité de répondre à des besoins et des enjeux métiers. Et c’est bien ce besoin, ce cas d’usage concret qui doit demeurer le point de départ de tout projet : par exemple, détecter des futurs clients ayant une appétence pour tel ou tel produit, détecter les risques de départ de clients, etc.

Sur la base d’un cas d’usage défini, les métiers vont sélectionner avec les data scientistes les concepts métiers et les dimensions de données les plus pertinentes. Ce « Data Shopping » se réalise via, tout d’abord, le glossaire métier (concepts et éléments liés) puis via le data catalogue, qui est l’image concrète des données dans les systèmes réels (applications) - et donc les sources de données à réutiliser en fonction de la qualité, de la validité, de la fraîcheur des données, etc. Cette partie technique est évidemment primordiale, elle devient plus facilement accessible pour tous les acteurs via le glossaire métier.

3 – Modéliser le cycle de vie des données

La data n’est pas statique, elle dispose d’une durée de vie. C’est pourquoi, une simple cartographie ne suffit pas : la data gouvernance nécessite de modéliser l’ensemble du cycle de vie des données : création, utilisation, réutilisation, obsolescence, destruction (RGPD). Objectif : lier la modélisation des processus métiers et la data gouvernance, afin de gagner en temps et compréhension des enjeux métiers.

Dans ce contexte, pour accélérer la data gouvernance, il s’agira de s’appuyer sur les processus métiers déjà connus dans l’entreprise (saisie et emploi des données dans les différents services), sur les systèmes utilisant ces données et sur les démarches de gestion des risques de l’entreprise (maîtrise des données personnelles par exemple).

Ainsi, le processus métier modélise chacune des activités des acteurs métiers afin de conceptualiser concrètement les données qui seront ensuite utilisées dans l’organisation. Par exemple, lors de la mise en place d’une offre de crédit dans une banque, le conseiller financier saisit des données (CNI, Salaire, situation familiale, médicale, etc.) servant à l’ensemble du processus.

4 – Favoriser la qualité pour valoriser la donnée

La maîtrise de la donnée, c’est aussi la maîtrise de sa qualité. Car seule une donnée de bonne qualité au début du processus de collecte garantit une qualité du cas d’usage en sortie. Par exemple, un accord de crédit ou un coût d’assurance dépendent des données recueillies et utilisées au départ sur tel ou tel client. C’est à cette seule condition que la performance du service rendu au client mais aussi l’innovation pourra se réaliser, dans le cadre d’un processus industrialisé (mise en production), reproductible et agile.

La qualité des données est déjà mesurée dans de nombreux systèmes informatiques clients, de manière hétérogène et cloisonnée. La mise en œuvre d’une gouvernance de la donnée avancée doit permettre de construire un référentiel des règles de contrôle et de qualité. Ce qui permettra de ne pas dupliquer les contrôles, de concentrer toutes les mesures disponibles, de les complémenter et de mettre en place des plans d’amélioration des données prioritaires.

5 – Faciliter l’intégration des normes et des règlements

Les aspects normatifs et réglementaires sont généralement perçus comme des contraintes, génératrices de coûts. Pour autant, ils peuvent aussi amener les acteurs à collaborer entre eux, et représentent ainsi des opportunités de création de valeur.

Or, de nouvelles obligations réglementaires apparaissent continuellement, tout en étant généralement complémentaires aux précédentes. À chaque nouvelle évolution, une data gouvernance efficace consiste à ne pas tout reprendre depuis le début, mais à capitaliser sur les contrôles déjà en place, afin d’identifier les éléments uniquement nécessaires et complémentaires à intégrer pour une mise en œuvre efficiente.

6 – Inscrire la data gouvernance dans le long terme

Nouveaux marchés, nouvelles offres, nouveaux processus automatisés… la donnée, sa captation, ses traitements changent en permanence : si la mise en place d’une data gouvernance est longue et complexe, elle n’est jamais terminée et doit s’inscrire dans le temps long.

Comme dans tout projet de ce type, les premiers cas d’usage doivent permettre de démontrer rapidement une véritable efficacité (« quick win ») pour enclencher la machine. Et c’est au CDO - au travers de tableaux de bord et d’indicateurs - de savoir communiquer sur ces résultats auprès de sa communauté pour continuer de construire une gouvernance des données optimale, pour motiver et multiplier les usages dans la durée.

7 – Installer une culture de partage de la donnée

Dans les entreprises « digital native », telles que les GAFAM ou les start-up, la culture de la donnée est innée. D’autant que c’est généralement sur la donnée que se détermine et se construit la valeur ajoutée de ces nouveaux leaders. Dans les autres entreprises, c’est tout un état d’esprit qu’il faut faire évoluer.

La gestion du changement y est longue et complexe. Elle demande beaucoup de travail de persuasion de la part des CDOs, qui doivent s’appuyer sur des cas d’usage réussis pour créer le réflexe du partage de la donnée (data literacy) et ainsi favoriser l’innovation et offrir de nouveaux avantages concurrentiels à l’entreprise.

Le rôle de la Data Governance est donc de favoriser la transformation de l’entreprise, sa pérennité et son renouvellement nécessaire face aux disruptions et évolutions de marché.

En d’autres termes, le plus grand défi des CDOs est d’éveiller les consciences pour que toutes les parties-prenantes se dirigent ensemble vers l’innovation, la création de valeur pour assurer, à terme, la survie et le développement de l’entreprise.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Comment les machines succombent à la chaleur, des voitures aux ordinateurs

  La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses. Afif Ramdhasuma/Unsplash , CC BY-SA Par  Srinivas Garimella , Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes , Massachusetts Institute of Technology (MIT) Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur . De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center , perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême . Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles. Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de r

De quoi l’inclusion numérique est-elle le nom ?

Les professionnels de l'inclusion numérique ont pour leitmotiv la transmission de savoirs, de savoir-faire et de compétences en lien avec la culture numérique. Pexels , CC BY-NC Par  Matthieu Demory , Aix-Marseille Université (AMU) Dans le cadre du Conseil National de la Refondation , le gouvernement français a proposé au printemps 2023 une feuille de route pour l’inclusion numérique intitulée « France Numérique Ensemble » . Ce programme, structuré autour de 15 engagements se veut opérationnel jusqu’en 2027. Il conduit les acteurs de terrain de l’inclusion numérique, notamment les Hubs territoriaux pour un numérique inclusif (les structures intermédiaires ayant pour objectif la mise en relation de l’État avec les structures locales), à se rapprocher des préfectures, des conseils départementaux et régionaux, afin de mettre en place des feuilles de route territoriales. Ces documents permettront d’organiser une gouvernance locale et dé

La fin du VHS

La bonne vieille cassette VHS vient de fêter ses 30 ans le mois dernier. Certes, il y avait bien eu des enregistreurs audiovisuels avant septembre 1976, mais c’est en lançant le massif HR-3300 que JVC remporta la bataille des formats face au Betamax de Sony, pourtant de meilleure qualité. Ironie du sort, les deux géants de l’électronique se retrouvent encore aujourd’hui face à face pour déterminer le format qui doit succéder au DVD (lire encadré). Chassée par les DVD ou cantonnée au mieux à une petite étagère dans les vidéoclubs depuis déjà quatre ans, la cassette a vu sa mort programmée par les studios hollywoodiens qui ont décidé d’arrêter de commercialiser leurs films sur ce support fin 2006. Restait un atout à la cassette VHS: l’enregistrement des programmes télé chez soi. Las, l’apparition des lecteurs-enregistreurs de DVD et, surtout, ceux dotés d’un disque dur, ont sonné le glas de la cassette VHS, encombrante et offrant une piètre qualité à l’heure de la TNT et des écrans pl

Des conseils d'administration inquiets et mal préparés face à la menace cyber

Alors que les Assises de la Sécurité ouvrent leurs portes ce mercredi 11 octobre, pour trois jours de réflexion sur l’état de la cybersécurité en France, la société de cybersécurité Proofpoint f ait le point sur le niveau de préparation des organisations face à l’avancée de la menace.  Cette année encore, les résultats montrent que la menace cyber reste omniprésente en France et de plus en plus sophistiquée. Si les organisations en ont bien conscience,  augmentant leur budget et leurs compétences en interne pour y faire face, la grande majorité d’entre elles ne se sont pour autant, pas suffisamment préparées pour l’affronter réellement, estime Proofpoint. En France, 80 % des membres de conseils d’administration interrogés estiment que leur organisation court un risque de cyberattaque d’envergure, contre 78 % en 2022 – 36 % d’entre eux jugent même ce risque très probable. Et si 92 % d’entre eux pensent que leur budget lié à la cybersécurité augmentera au cours des 12 prochains mois, ces

L’Europe veut s’armer contre la cybercriminalité avec le Cyber Resilience Act

  Par  Patricia Mouy , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Sébastien Bardin , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) Assez des cyberattaques  ? La loi sur la cyberrésilience, ou Cyber Resilience Act a été adoptée par les députés européens le 12 mars dernier et arrive en application dans les mois à venir, avec l’ambition de changer la donne en termes de sécurité des systèmes numériques en Europe. Alors que les systèmes numériques sont littéralement au cœur des sociétés modernes, leurs potentielles faiblesses face aux attaques informatiques deviennent des sources de risques majeurs – vol de données privées, espionnage entre états ou encore guerre économique. Citons par exemple le cas de Mirai , attaque à grande échelle en 2016, utilisant le détournement de dispositifs grand public comme des caméras connectées pour surcharger des domaines Internet d’entreprise, attaque de type DDoS (déni de service distribué)