Accéder au contenu principal

Web immersif : et si nous ressentions Internet ?

Par  Ahmed Azough , Pôle Léonard de Vinci Si, aujourd’hui, nous sommes habitués à surfer sur Internet, partie émergée d’un énorme iceberg de données interconnectées, les évolutions technologiques récentes devraient bientôt nous permettre de nous immerger dans cet océan bouillonnant de big data. L’immersion vise à procurer à l’utilisateur un sentiment de présence en utilisant des technologies de captation et restitution sensorielle : l’utilisateur se sent transporté dans l’environnement digital créé par des technologies numériques, à tel point qu’ il ressent ces objets numériques virtuels comme faisant partie de sa réalité . De leur côté, les systèmes numériques détectent et interprètent de mieux en mieux les comportements et les émotions de leurs interlocuteurs , à tel point que l’humain a l’impression que ce système est conscient de sa présence et interagit volontairement. Les films Matrix et plus récemment Ready Player One reflètent bien cette idée : s’interposer entre

Implants cérébraux : la délicate question de la responsabilité juridique des interfaces homme-machine

brain
Dans le film Transcendance, de Wally Pfister, sorti en 2014, le héros mourant transfère son esprit dans un ordinateur quantique. Wally Pfister, 2014
Par Elise Roumeau, Université Clermont Auvergne (UCA)

Depuis quelques années, Elon Musk ne cesse de faire des annonces relatives à des avancées technologiques. Voitures autonomes, voyages interplanétaires, interface homme-machine, achat du réseau social Twitter… rien ne semble arrêter l’homme d’affaires. Aucun obstacle technique, géographique, physiologique ne lui semble infranchissable. Pourtant, ses projets pourraient, à court terme, poser de véritables difficultés du point de vue juridique.

La recherche d’une fusion entre le cerveau et l’intelligence artificielle

Avec Neuralink, l’un des objectifs visés par Elon Musk est de créer une interface entre l’humain et la machine. À plus ou moins court terme, le projet porte sur le développement d’implants cérébraux pour pallier des troubles neurologiques chez les personnes souffrant de paraplégie ou de tétraplégie. À long terme, il s’agirait de placer le cerveau humain en symbiose avec l’intelligence artificielle.

Ces implants ont fait l’objet de récentes annonces : ils pourraient être expérimentés chez l’humain courant 2022, si la Food and Drug Administration l’autorise. Rappelons que ces promesses ne sont pas inédites : elles avaient déjà été faites à plusieurs reprises ces dernières années. Elles s’inscrivent par ailleurs dans un contexte de recherche particulièrement riche, qui pointe certaines limites de l’utilisation de tels implants.

Des interrogations autour de la notion de « personnalité juridique »

La quête d’une interface entre humains et machines conduit à s’interroger sur ce qui pourrait advenir d’entités qui seraient véritablement en symbiose. La dichotomie entre les personnes et les choses persiste depuis des siècles. Elle structure le droit civil : tout ce qui n’est pas une personne est considéré comme étant une chose. Les premières sont des sujets de droit, c’est-à-dire qu’elles sont titulaires de droits et d’obligations. Les secondes sont soumises à la volonté des premières.

Il faudrait donc déterminer dans quelle catégorie placer ces entités reposant sur la symbiose entre l’homme et la machine. Aujourd’hui déjà, il est acquis que la « personnalité juridique » n’est pas seulement l’apanage des personnes humaines : les sociétés, par exemple, disposent de la personnalité morale. Elles ont ainsi des droits liés à leur personnalité juridique technique.

Certains proposent également de mobiliser cette construction juridique qu’est la « personnalité juridique » pour protéger les animaux.

Cette fiction pourrait-elle à l’avenir permettre d’accorder des droits à ces interfaces homme-machine ? Si oui, il faudrait encore déterminer de quels droits elles pourraient bénéficier. Certains droits visent en effet spécifiquement l’humain qui est en chaque individu. Les accorder à des entités mi-homme mi-machine serait un non-sens. À titre d’exemple, le respect de la dignité humaine impose de préserver l’intégrité génétique des personnes humaines. Une telle protection ne serait pas envisageable dans les mêmes termes pour ces nouvelles entités.

De manière plus générale, certains s’inquiètent de la possible confusion juridique entre personnes et choses.

Le corps, accessoire de la machine

À l’instar de l’hybride entre l’homme et l’animal, l’hybride entre l’homme et la machine serait une sorte de chimère, c’est-à-dire, un être composé de parties disparates formant un ensemble sans unité.

Une telle hybridation interroge les limites de la personnalité juridique. Si la partie technologique de l’entité intervient dans des proportions très importantes, il paraît difficilement concevable de lui attribuer la personnalité juridique dans les mêmes termes qu’à la personne humaine. Surtout, si le corps humain ne devient que le support de la machine, dirigée par l’intelligence artificielle, cette entité disposerait-elle toujours de la personnalité juridique ? Suivant la règle selon laquelle l’accessoire suit le principal, le corps, accessoire de la machine, devrait répondre au même régime : cette entité, même en disposant d’un corps humain, serait une chose, non une personne.

La particularité des implants cérébraux

Les implants cérébraux développés dans le cadre de Neuralink ne peuvent pas être traités comme n’importe quelle prothèse qui serait implantée dans le corps humain. Certes, le projet traite aujourd’hui de l’utilisation d’implants à des fins thérapeutiques.

Mais de tels implants pourraient, à l’avenir, devenir le siège de capacités cognitives nouvelles. La méfiance doit être de mise à l’heure où les voitures autonomes, déjà développées par le multimilliardaire, sont en cause dans des accidents de la circulation induits par des dysfonctionnements de l’intelligence artificielle.

Surtout, si les décisions ne sont pas prises de manière autonome par la personne humaine, mais plutôt supplantées par l’intervention de l’intelligence artificielle, cette dernière ne devrait-elle pas être titulaire de droits et, surtout, d’obligations ? Pourtant, dès lors qu’il ne s’agit que d’une chose, elle n’est qu’objet de droit.

La crainte d’un glissement dans l’usage des implants cérébraux

En somme, l’expérimentation d’implants cérébraux à des fins thérapeutiques est une chose, leur utilisation à des fins de symbiose entre l’homme et la machine en est une autre. Ces deux situations doivent être distinguées car elles ne répondent pas aux mêmes règles de droit.

Dans le premier cas, les implants pourraient être regardés comme des dispositifs médicaux, expérimentables sur l’homme, à des fins d’amélioration de sa santé. Dans le second cas, il s’agirait d’opter pour une augmentation des capacités humaines et donc, de s’inscrire dans le courant transhumaniste auquel Elon Musk semble appartenir. La difficulté qui se pose donc aujourd’hui face aux projets du multimilliardaire est donc de freiner de telles velléités transhumanistes. Menées à bien, ces ambitions poseraient de sérieuses difficultés en termes d’attribution de la personnalité juridique et, par conséquent, de responsabilité s’agissant des actes qui pourraient être réalisés par ces entités mi-homme mi-machine.

La multiplication des risques par l’usage des technologies

Plus encore, qu’adviendrait-il en cas de biohacking de l’implant ? Déjà, la série Biohackers a permis de souligner que les progrès scientifiques pouvaient conduire à des manipulations du génome à des fins criminelles.

Dans le cas de l’implantation cérébrale de puces disposant d’une intelligence artificielle, le hacking pourrait être particulièrement dangereux. Certains estiment d’ailleurs qu’une intelligence artificielle hackée serait une arme, permettant l’essor du cybercrime.The Conversation

Elise Roumeau, Docteur et ATER en droit privé à l'Université Clermont Auvergne - Centre Michel de l'Hospital, Université Clermont Auvergne (UCA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Posts les plus consultés de ce blog

Le bipeur des années 80 plus efficace que le smartphone ?

Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School (City University of London) : Vous vous souvenez des bipeurs ? Ces appareils étaient utilisés largement avant l'arrivée massive des téléphones portables et des SMS. Si vous aviez un bipeur, vous pouviez recevoir des messages simples, mais vous ne pouviez pas répondre. Un des rares endroits où on peut encore en trouver aujourd’hui sont les hôpitaux. Le Service National de Santé au Royaume-Uni (National Health Service) en utilise plus de 130 000. Cela représente environ 10 % du nombre total de bipeurs présents dans le monde. Une récente enquête menée au sein des hôpitaux américains a révélé que malgré la disponibilité de nombreuses solutions de rechange, les bipeurs demeurent le moyen de communication le plus couramment utilisée par les médecins américains. La fin du bipeur dans les hôpitaux britanniques ? Néanmoins, les jours du bipeur dans les hôpitaux britanniques pourraient être compté

Univers parallèles et mondes virtuels : la guerre des métavers est commencée

  Une partie de poker dans le métavers (capture d'écran de la vidéo “Le métavers et comment nous allons le construire ensemble” sur YouTube) Par  Oihab Allal-Chérif , Neoma Business School Le 17 octobre 2021, Mark Zuckerberg a lancé les hostilités de manière assez théâtrale, comme s’il défiait ses concurrents d’en faire autant. Afin de concrétiser son rêve d’enfant, le métavers, il a décidé de mettre en œuvre des moyens colossaux : 10 000 ingénieurs hautement qualifiés seront recrutés en Europe dans les 5 prochaines années. Cette annonce a été faite quelques jours avant celle du changement de nom du groupe Facebook en Meta , le 28 octobre, démontrant ainsi l’engagement total du fournisseur de réseaux sociaux dans la transition vers le métavers. Le 22 juillet 2021, dans une interview à The Verge , le créateur de Facebook racontait : « Je pense à certains de ces trucs depuis le collège quand je commençais tout juste à coder. […] J’écrivais du code

Midi-Pyrénées l’eldorado des start-up

Le mouvement était diffus, parfois désorganisé, en tout cas en ordre dispersé et avec une visibilité et une lisibilité insuffisantes. Nombreux sont ceux pourtant qui, depuis plusieurs années maintenant, ont pressenti le développement d’une économie numérique innovante et ambitieuse dans la région. Mais cette année 2014 pourrait bien être la bonne et consacrer Toulouse et sa région comme un eldorado pour les start-up. S’il fallait une preuve de ce décollage, deux actualités récentes viennent de l’apporter. La première est l’arrivée à la tête du conseil de surveillance de la start-up toulousaine Sigfox , spécialisée dans le secteur en plein boom de l’internet des objets, d’Anne Lauvergeon, l’ancien sherpa du Président Mitterrand. Que l’ex-patronne du géant Areva qui aurait pu prétendre à la direction de grandes entreprises bien installées, choisisse de soutenir l’entreprise prometteuse de Ludovic Le Moan , en dit long sur le changement d’état d’esprit des élites économiques du pay

La fin des cookies tiers ne répond pas au besoin de contrôle des internautes sur leurs données

Pour le moment, la plupart des solutions alternatives aux cookies privilégient l’objectif commercial aux dépens des attentes des internautes. Piqsels , CC BY-SA Par  Carlos Raúl Sánchez Sánchez , Montpellier Business School – UGEI ; Audrey Portes , Montpellier Business School – UGEI et Steffie Gallin , Montpellier Business School – UGEI Les révélations du Wall Street Journal contenues dans les « Facebook Files » , publiés en septembre dernier, ont une nouvelle fois montré que les utilisateurs s’exposaient à des risques liés à la divulgation des informations personnelles. Les réseaux sociaux ne sont pas les seuls en cause : les nombreux data breach (incidents de sécurité en termes de données confidentielles) rendus publics, illustrent régulièrement la vulnérabilité des individus face à une navigation quotidienne sur les moteurs de recherche, sites de e-commerce et autres ayant recours à des « cookies tiers » , ces fichiers de données envoyés par

ChatGPT et cybersécurité : quels risques pour les entreprises ?

Analyse de Proofpoint Les plateformes de génération de texte tel que ChatGPT permettent de créer du contenu de qualité, instantanément, gratuitement, et sur n’importe quel sujet. Comme le confirme le lancement de Bard par Google, nous sommes désormais entrés dans une course à l’IA, ou chaque géant du web cherche à posséder la meilleure solution possible. Si l’avancée technologique est majeure, le risque notamment pour la cybersécurité des entreprises est indéniable. Comment lutter contre des campagnes de phishing de plus en plus ciblées et sophistiquées, maintenant alimentées par des technologies capables de parfaire encore plus la forme et la teneur d’un email malveillant ? En quelques mots, ChatGPT offre une ingénierie sociale très performante, mais une automatisation encore limitée. Concernant la détection de la menace par rançongiciels, comme l’explique Loïc Guézo, Directeur de la stratégie Cybersécurité chez Proofpoint, « Bien que les chatbots puissent générer du texte pour le cor

Décryptage de l'attaque par ransomware du Centre Hospitalier de Versailles

  Par Cassie Leroux, Directrice Produit chez Mailinblack Après l’hôpital de Corbeilles Essonnes, c’est au tour de l'établissement hospitalier de Versailles, situé au Chesnay-Rocquencourt (Yvelines), d’être visé depuis samedi soir par une cyberattaque. Comment s’est-elle déroulée, quelles conséquences pour ses patients, et aurait-elle pû être évitée ? Décryptage de Cassie Leroux, Directrice Produit chez Mailinblack. Que savons-nous de cette attaque ? Cette cyberattaque vise l’ensemble de l'établissement, dont l'hôpital André-Mignot, la maison de retraite Despagne et l'hôpital Richaud à Versailles. L’hôpital continue de fonctionner, mais au ralenti ce lundi, ce qui perturbe sérieusement son activité. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour tentative d'extorsion.  Cette cyberattaque est de type Ransomware, un logiciel malveillant qui bloque l’accès à aux outils informatiques et aux données en les chiffrant. Dans ce type d’attaque, le hacker demande g